Si Porn nous a habitués à patienter entre deux sorties (en moyenne un LP tous les 5 ans ...), le groupe démontre ici qu'il peut enchaîner des albums de qualité et tenir ses engagements puisque The ogre inside (2017) n'était que le début d'une histoire bien plus vaste. Il faut dire que le concept central, les déviances de l'homme, permet de creuser jusque l'infini pour trouver des idées... Peur, torture, mort, domination, manipulation, perversion, la liste de nos désirs les plus sombres est longue, pas sûr que ce deuxième acte suffise à en faire le tour mais Philippe Deschemin s'en donne à cœur joie pour nous plonger dans ses ténèbres et nous donner un rôle à jouer puisque tous les textes sont écrits à la première personne. Le "je" est responsable des angoisses et de la souffrance et parfois il s'en délecte. Si tu veux éviter la sensation de malaise, ne te penche donc pas trop près des paroles. Histoire de rajouter du gravier sur les plaies, quand le micro est coupé comme sur le bel instrumental "Remorse for what" (une sorte d'outro au clair et planant "Tonight, forever bound" vu qu'ils partagent un sample), une voix se fait entendre au travers d'un enregistrement... et c'est celle de Charles Manson, un des plus célèbres psychopathes américains.
Musicalement, la patte Porn est toujours aussi aisément identifiable, leur style garde le cap de l'indus-métal-goth-rock avec des morceaux plus rapides en début d'album (les excellents "Choose your last words" et "Here for love" mais aussi "My rotten realm") et beaucoup de titres assez atmosphériques, comme si l'ambiance méritait qu'on s'appesantisse davantage encore et prenne le temps de disséquer nos âmes ("Evil six evil", "Eternally in me") et notamment une fin d'opus assez "cool" (sic) avec deux pièces un peu plus gothique ("The radiance of all that shines", "Abstinent killer") et un ultime "The last of million" à la fois doux et mélodieux. Le combo a surveillé le rythme cardiaque de son bébé et a soigné le track-listing pour que l'ensemble se tienne et se vive du début à la fin sans permettre une lecture aléatoire.
Dernier point mais non des moindres, si le son est encore de très très bonne qualité, les Lyonnais ont confié le mastering à un maître du genre, en l'occurrence Tom Baker. Expert quand il s'agit de donner le son juste à ceux qui mêlent machines et guitares (Danzig, Marilyn Manson, Rob Zombie, Ministry, Static X, Nine Inch Nails, Disturbed...) mais aussi à la planète rock/métal en général (30 Seconds to Mars, Deftones, Helmet, Stone Temple Pilots...), le grand nom qu'il porte pourrait certainement aider Porn à se faire remarquer davantage sur la scène internationale.
Publié dans le Mag #36