Avis aux amateurs éclairés de musiques plutôt "pointues", ce Paal signé Pan & Me est pour vous. Echappé un temps du Dale Cooper Quartet & The Dictaphones, Christophe Mevel signe ici un disque à la beauté inclassable, une oeuvre à ranger quelque part entre néo-classique et ambient électronique, sorte de croisement entre un Fennesz et un Max Richter prenant la forme d'une bande-son de film inexistant, un voyage à l'autre bout du monde, à travers les océans, pour un périple musical aussi imagé qu'enivrant. Sortie une première fois en 2010 dans une édition CDr extrêmement limitée par le très indé Diesel Combustible Recordings (Color und climax, Kobe), ce disque se voit réédité plus d'un an plus tard par le biais du désormais incontournable Denovali Records (Sankt Otten, The Eye of Time, TKDE...), lequel lui assure de fait l'exposition qu'il mérite.
Six pistes, dont la première "The lighthouse at two lights" nous invite à une plongée sans filin de quelques dix minutes et vingt deux secondes d'une immersion totale dans un univers fait d'instrumentations à l'élégance classieuse et aux bricolages électroniques intrigants. Pan & Me livre ici une première pièce assez énigmatique, organique, mais dont on ne sait exactement jusqu'où elle peut nous emmener. Très loin sera la réponse, laquelle intervient dès le très beau et épuré "Unalaska" et une envolée vers des panoramas bercés par un onirisme aussi délicat qu'enivrant, un long-plan séquence amenant à un véritable abandon sensoriel. Un flottement émotionnel duquel "The everlasting fog" va nous extirper sans trop de ménagement en distillant ses textures doom/free-jazz tortueuses et distordues avant que "Bush leaf dreaming" ne vienne poser sa carte drone minimaliste et très expérimentale sur l'équation de ce Paal. Le voyage entamé semble tourner court ou tout du moins se heurter à quelque imprévu pour le moins fâcheux. Et l'ambiance de s'en ressentir jusqu'à instiller un trouble, un début de malaise chez l'auditeur/voyageur que "53º 18' N 167º 52' W" va peu à peu effacer de la partition.
L'inattendu voyage reprend son cours, le mélomane se remet à rêver aux côtés de Pan & Me jusqu'à attendre de nouveaux rivages et un "The clearing" contemplatif à souhait, un peu à la manière d'un Philip Glass (The Truman Show) ou d'un Michael Nyman pour le score du film Gattaca. Saisissant, immersif et expérimental, Paal, est un disque tantôt particulièrement exigeant, d'autres fois plus simplement accessible, un opus réservant quelques moments de grâce incomparable, d'élégance pure, raffiné et confondante.