NIN - Hesitation Marks Deluxe Il aura quand même bien joué avec nos nerfs ce cher Trent Reznor à faire croire qu'il arrêtait de faire des albums avec son projet de toujours (certains appelleront cela une stratégie marketing) non sans avoir auparavant défié le système et donc les majors avec l'épisode Ghosts I-IV + The slip. Tout ça pour finalement brouiller les pistes, s'occuper avec des bandes originales pour le cinéma (il a co-signé les scores de The social network et du remake US de Millenium), monter How to Destroy Angels avec sa belle et venir s'amuser chez Dave Grohl en participant au projet Sound City, avant de réactiver Nine Inch Nails (puisque c'est bien ça dont il s'agit ici) en se réunissant un line-up live avant de produire dans le plus grand secret Hesitation marks. Lequel sort, volte-face ultime... en major (chez Columbia Records, propriété de Sony Music pour être précis).

Quatre artworks (CD standard, Deluxe, digitale, vinyle) pour le prix d'un seul, pour peu que l'on aie la bourse de la famille Rothschild et un album qui débute sous les meilleurs auspices avec un "The eater of dreams" introductif pour le moins minimaliste puis le solide "Copy of A". Très électronique, dynamité par un rythmique endiablée et un Trent Reznor habité, porté par un climax enfiévré, tendu, on est mode "light", mais Hesitation marks est quand même sur de bons rails. Et Nine Inch Nails avec. Car le "groupe" - le maître tout seul à l'écriture puis accompagné de sa garde rapprochée (Alessandro Cortini, Ilan Rubin, Joshua Eustis et Adrian Belew notamment comme musiciens, Atticus Ross, Alan Moulder ou encore Rob Sheridan à la technique) - est en forme et prépare déjà le terrain au single "Come back haunted" qui déboule quelques instants plus tard. Efficacité redoutable, refrains accrocheurs, mélodies addictives, on a droit à du pur NIN en roue libre mais évidemment fidèle à lui-même et à sa griffe musicale si personnelle. Jusque là, tout va bien.

Là où le bât blesse, c'est que peu à peu, tout ce qui fait la force du projet de toujours de Reznor a parfois tendance à se déliter quelque peu. Et si "Find my way" répond parfaitement aux attentes placées dans son titre, envenimant l'auditeur de son groove hypnotique, le berçant avec cette mélodie nébuleuses flottant dans l'atmosphère au gré des effluves sonores distillées par un NIN sûr de ses effets, la suite avec "All time low" par exemple, est quelque peu discutable. Gimmick rythmique sexy, beats ultra-mainstream mis en avant par une production ciselée, ambiances interlopes et lascives, l'architecte et ses hommes de mains tentent l'approche "facile" et ne forcent pas trop leur talent pour faire ce qu'ils voulaient faire. Sortir du registre des morceaux précédents sans appuyer sur l'accélérateur, pour ensuite confirmer l'impression sur le trop bien nommé "Disappointed". On s'offre une petite cure de minimalisme organique, alourdi par quelques esquisses mélodiques légèrement neurasthéniques, de la répétitivité à tous les étages (un peu lassante) et voici un titre qui n'existe que pour ses poussées de fièvre à la densité libératrice. En deçà de ses possibilités intrinsèques, Nine Inch Nails doit alors se réveiller... et le fait en envoyant enfin la sauce sur le survolté et curieusement très pop "Everything". On valide... sauf que derrière le groupe ose un "Satellite" clairement casse-gueule dans la démarche artistique à la limite de la provocation. Presque putassier... et pourtant pas si loin d'être addictif. Donc troublant.

On dira tout ce que l'on voudra, NIN reste et restera NIN et Reznor à la fois trop intelligent et talentueux pour saboter son projet assure aisément le minimum syndical (au niveau relativement élevé chez lui). Ce même si "Various methods of escape" ou "Running" restent relativement anecdotiques, il y a suffisamment de pépites dans Hesitation marks (l'elliptique "Black noise", "In two", le très beau "While I'm still here" final) pour garantir à ce 28ème Halo une place de choix dans la discographie de Nine Inch Nails.