Nine Inch Nails - Year zero Enorme sur scène, NIN a démontré pendant la tournée de With teeth qu'il n'avait rien perdu de son incroyable énergie et l'a prouvé avec le DVD Beside you in time. Dès lors, fin 2006, Trent Reznor, l'architecte/seul maître d'oeuvre du groupe décide de mettre en chantier un disque hors norme au concept carrément dément. Son titre : Year zero. Un patronyme qui colle à la peau de cet album comme la volonté délibérément affichée par son géniteur de se renouveler en remettant les compteurs... à zéro d'un point de vue artistique. Une démarche finement pensée qui permet à NIN de nourrir un buzz considérable autours de ce nouvel album, attendu par beaucoup comme une révolution musicale. L'idée directrice se résume en deux actes. Première partie : un jeu de piste avec la toile internet comme espace d'expression illimité pour développer plusieurs sites internet dissimulés ci et là pour attiser la curiosité des die-hard fans et plonger l'auditeur moyen dans la découverte de l'univers post-apocalyptique de Year zero, ce plusieurs mois avant sa sortie. Deuxième partie : la diffusion volontaire de plusieurs extraits de l'album sous forme de clés USB laissées dans les toilettes des salles de concerts lors de la tournée qui précéda la sortie de ce vingt-quatrième Halo. C'est pour le coup le label Interscope, chargé de distribuer l'album, qui n'en finit plus de faire la grimace...
16.04.07, l'album débarque dans les bacs, comblant enfin une attente que Reznor a su parfaitement aiguiser jusqu'à l'heure H, le moment M, le point zéro... Un disque qui marque une nouvelle étape dans l'évolution du son made in Nine Inch Nails. Dès l'opressant et ultra-saturé "Hyperpower!", on se rend bien compte que ce Year zero risque d'être moins dansant que son prédecesseur ; et surtout bien plus tortueux. Pourtant, des titres comme "The beginning of the end" ou "Survivalism" tendent à prouver que l'album sera léger et facile d'accès, électrique et très direct. Aurait-on entre les mains un With teeth 2 ? Nullement. Car si certains titres restent assez "mainstream" dans leur approche électro-indus rock, d'autres sont largement plus complexes et déjantés, pour ne pas dire carrément aventureux. Guitares incisives, batterie métronomique, samples destructeurs, la mécanique est d'une froide efficacité ("Vessel", l'excellent "Me I'm not"). Maître de son art, NIN emballe son Year zero en étant engagé politiquement (Reznor est ouvertement anti-Bush...) et en ne se privant pas d'en glisser quelques critiques que l'on devine acerbes. "The greater good" ou "The good soldier", tout est dans le titre ou presque, l'homme de base de NIN livrant au passage quelques attaques bien virulentes contre le système actuellement en place, notamment avec l'intense et addictif "Capital G". Où l'art de divertir en faisant réfléchir. Un hit.
Mélodies artificielles, précision chirurgicale, beats cliniques, Nine Inch Nails triture les sons, les met en pièces détachées pour mieux les ré-assembler selon un mode d'emploi qui n'appartient qu'à lui. Sommet de l'album, "My violent heart" alterne les moments d'apaisement avec les explosions de guitares. Dense et éruptif, compact et ravageur, le groupe livre-là un morceau à la fois sauvage et détonant, aussi robotique que post-apocalyptique. Difficile de suivre la ligne directrice de l'album qui se révèle être un véritable patchwork de tout ce dont est capable le groupe. Explorateur d'atmosphères, sculpteur d'ambiances. En témoignent des titres tels que le très électronique "The warning" ou le destructuré "God given", qui renvoient autant à ce qu'on a pu trouver sur The downward spiral que sur The fragile ou With teeth. Témoins à charge, les samples explosifs ("Meet your master"), la véritable déferlante sonique aux accents rock de "The great destroyer" ou l'électro de l'énigmatique et lunatique "The greater good". Groove entêtant, bricolages sonores hypnotiques, beats lancinants, le tout gorgé de saturation maîtrisée, Trent Reznor, qui signe là un opus quasi solo, donne dans l'anticipation cynique et dépeint un monde décadent, autant ravagé par ses progrès techniques que par ses systèmes politiques corrompus jusqu'à l'os. Year zero peut être pris comme un avertissement, un constat lucide de l'inéluctable avancée de notre monde vers le chaos (sans doute plus proche qu'il n'y paraît), une vision alarmiste portée par l'impression latente de vivre dans l'ignorance des réalités et un sentiment de faux-semblant permanent. En témoigne le faussement apaisé "Another version of truth" qui, avec son clavier langoureux et minimaliste, semble tout droit sorti de l'univers de The fragile). Bruitiste, mouvant, presque sensuel dans son approche mélodique, "In this twilight" tente d'apporter la lumière au coeur de la désolation et de l'ignorance collective et prolonge cette sensation d'absolue conscience des choses sur l'élégant "Zero-sum". Hyper-sensible et lucide, Trent Reznor a sans doute mis le doigt sur l'un des principaux maux de notre époque. Mais quand le Ying rencontre le Yang et que l'équilibre est retrouvé, NIN peut alors refermer la première partie de son diptyque, une suite devant voir le jour afin de compléter cet excellent cru au marketing viral incroyablement inspiré et aux qualités artistiques indéniables... Qu'on se le dise, Trent Reznor est sans doute plus inspiré que jamais... Et il a désormais toute la liberté pour faire parler son art. La révolution musicale a t-elle commencé ? Paradoxalement, c'est l'avenir qui nous le dira.