with_teeth_artwork 6 ans et des poussières, voilà ce qu'il aura fallu attendre pour que le maestro du rock indus, Trent Reznor daigne accoucher d'une nouvelle offrande. Quelques mois avant sa sortie, le maître dévoile le nom de la bête, With teeth, mais sans dire ce que sera exactement ce nouvel album, inutile de le préciser, plutôt du genre attendu. Celui qui est depuis quinze ans l'une des grandes, sinon La figure incontournable de la scène indus ménage ses effets de manche afin de surprendre les fans. Et quelle surprise ! Du genre qui vous laisse sur les rotules, les dents en train de ronger le parquet.
C'est fiévreux, partagés entre excitation et inquiétude (celle d'être déçu tant l'attente est grande) que nombre d'auditeurs auront mis With teeth sur la platine. Alors même que "All the love in the world" débute, on peut se détendre progressivement : rythmiques lancinantes, chant calme presque résigné, quelques notes de claviers savamment distillées parsemant le morceau, une mélancolie à fleur de peau, c'est à un Trent Reznor assagi, par la thérapie qu'aura été The fragile, qu'on a affaire. Une intro toute en douceur qui ne laisse pas vraiment présager de ce que sera la suite de With teeth. Avec le très énervé et explicite "You know what you are", qui rappellera inévitablement "Starfuckers Inc.", Trent Reznor et sa troupe (avec Dave Grohl (Nirvana, Foo Fighters) notamment derrière les fûts sur la moitié des titres) mettent les choses au point, Nine Inch Nails est définitivement de retour et le fait savoir. Ce n'est pas l'excellent et plus complexe qu'il n'y paraît au premier abord "The collector" qui va laisser sous-entendre le contraire. Sous couvert d'offrir à ses fans une musique plus accessible (certains diront commerciale) et moins torturée qu'auparavant, Trent Reznor n'en oublie pas moins de rajouter le petit "truc" en plus. Brûlot anti-bush savamment dissimulé sous les beats indus et une rythmique très "dance-floor", "The hand that feeds" est conçu pour exploser les charts. Un titre énergique, implacable, décrit par son géniteur comme "jetable". Un morceau à la simplicité confondante mais d'une effroyable efficacité. "Love is not enough" puis l'excellent "With teeth" permettent à NIN de renouer avec les morceaux un peu plus sombres et tourmentés, alors qu'avec "Every day is exactly the same", Reznor nous offre une ballade éléctro-rock du plus bel effet, une réussite incontestable. L'homme à tout faire de Nine Inch Nails alterne les genres avec un savoir-faire évident, preuve en sont les deux hits absolus que sont "Only", et son groove transcendant qui vous fait balancer la tête comme un dératé, ou le "speedé" "Getting smaller". Morceau de rock indus pur et dur, au refrain imparable, ce "Getting smaller" à l'énergie démentielle, est, à n'en pas douter, l'un des "musts" de ce With teeth. Scotché par les "The Hand that feeds", "Only" ou "Getting smaller", l'auditeur cherche à reprendre son souffle lorsque déboule le tubesque "Sunspots" puis le torturé "The line begins to blur" au tempo relativement lent, mais à la puissance mélodique toujours sidérante. Les deux derniers titres de With teeth, "Beside you in time", long titre éléctro-pop au final à forte tension émotionnelle ; et la ballade éléctro-pop "Right where it belongs", mélancolique et désenchantée permettent à Trent Reznor de boucler la boucle d'un disque à bien plus abouti et innovant qu'il n'y paraissait au premier coup d'oeil.
Après six ans d'un silence relatif (il a notamment participé aux projets Tapeworm et Jakalope), Trent Reznor s'est reconstruit et a changé sa manière de travailler. Mais ce nouvel album en est la preuve, l'homme n'a en rien perdu de son talent. With teeth, ou 13 titres tous impeccablement maîtrisés et terriblement accrocheurs, dont quelques hits incontournables et aucune déception à noter. Sans aucun doute l'un des albums majeurs de cette année 2005.