Artiste dans l'âme, Tristan Spella s'est investi il y a quelques années, en parallèle de sa carrière de graphiste et illustrateur architectural, dans un projet solo musical intitulé Mat3r Dolorosa. Autodidacte, ce guitariste de formation a digéré ses disques de chevets tels que Kid A, The Fragile mais également ceux de Björk ou DJ Krush pour se lancer dans une aventure mêlant l'electronica, l'ambient, le progressif et l'abstract hip-hop. Très vite repéré par l'équipe de Jarring Effects, il s'embarque notamment dans une tournée de 15 jours dans les Balkans avec Metastaz et Brain Damage. Son premier album, Think about your future now, signé chez les Lyonnais, sort en janvier 2013 et n'est pas sans rappeler l'univers d'Ez3kiel ou les débuts de Fumuj.
Mat3r Dolorosa
Biographie > Mère de douleur
Mat3r Dolorosa / Chronique LP > A noisy blast - Son of light
Mat3r Dolorosa c'est avant tout un concept auquel on ne comprend pas grand chose. Réunion de deux EP, à savoir Son of light (qualifié de « parcours et figures croisées : celle de l'humain et de son accomplissement chaotique, ou de Lucifer... ») et Noisy blast (un « souffle créateur autant qu'une élimination »), l'ensemble promet une grosse prise de tête, mais ne cache pourtant qu'un simple LP electro/ambiant instrumental. Et bonne nouvelle pour une fois, malgré un discours un peu surfait et des références obscures, on a là un album qui se tient parfaitement. Le DJ lyonnais réussit en 9 titres à nous faire voyager au son d'envolées épiques assez saisissantes, de rythmes déshumanisés, le tout pas forcément très référencé, et ça c'est rafraîchissant. Enfin entendons-nous bien, on est loin des compositions tropicalo-guimauve à la mode chez les beatmakers français, ici le propos sonne froid et désabusé, parfois vaguement trip-hop, mais fonctionne instantanément pour peu qu'on soit sensible à ce type d'ambiance. Avec un prime un bon gros tube en puissance, « My little chapel », plus léger, qu'on espère promis à un bel avenir.
Mat3r Dolorosa / Chronique LP > Think about your future now
Jarring Effects continue inlassablement son action de défricheur de talents avec cette fois-ci un produit local, si je puis dire, répondant au nom de Mat3r Dolorosa. Bon, là, rien à voir avec la Vierge ou une mère qui souffre de la mort de son fils (ou alors j'ai raté un épisode). Non, le thème abordé ici concerne plutôt une invitation à une expédition sonore où l'électronique fait son œuvre. Think about your future now, à défaut d'être un rappel à l'ordre ou un message quelconque caché, est le résultat de deux années de travail par ce guitariste Lyonnais dont la fonction dans la vraie vie est de gérer son agence d'illustration architecturale. On comprend tout de suite mieux pourquoi l'artwork de l'album a de la gueule.
"Shadows book" démarre timidement dans une ambiance froide et industrielle avec la poésie caverneuse de Black Sifichi, figure bien connu du monde de l'électro hybride française (Ez3kiel, Brain Damage, Elastik), pour laisser place à "The way of samouraï", véritable labyrinthe de sonorités, mettant tout de suite un peu plus de piquant à cet album. Mat3r Dolorosa fait honneur au trip-hop avec "Un jour de pluie" où les scratchs de Djohn d'Algorythmik se mettent en évidence, quelque part entre Massive Attack et DJ Krush. "Fighting inside" donne libre cours à la trituration sonore, les saturations en présence sont mesurées et font une avec le rythme avec brio. Alors que "Reloaded" nous contamine son anxiogénéité, "Laisse les hommes pleurer" et son engrenage sinusoïdale déverse ses émotions avec brutalité. Classe ! Pas un instant de repos nous est accordé dans ce Think about your future now, nous décollons d'abord avec "Final", titre aux éléments frustes sur lesquels les scratchs font la loi, pour toucher les cieux par la suite sur les airs de l'imposante "L. Bishop" et ses aigus très travaillés sur la fin. Ezra, troisième invité de l'album, pose son flow sur la bipolaire "Not a game" avant que "Urban comics trip" clôture cette œuvre électronique progressive qui mute selon les envies.
Mat3r Dolorosa démarre sur les chapeaux de roue avec un premier album enjôleur. Tout en évitant agilement le surfait, le lyonnais rend une copie propre et bien ciselé de sa production alambiquée. Jouant sur les émotions de son auditoire avec des ambiances souvent hétérogènes, le bonhomme semble s'être fait autant plaisir à le construire que nous à l'écouter. Un disque à recommander à tous les aficionados de ce label de référence en matière de musiques électroniques composites.