Massive Attack - Heligoland Il y a des disques que l'on attend, patiemment, puis de plus en plus passionnément au fil des semaines, qui deviennent des mois, lesquels deviennent des années... pour mieux se faire désirer. Des disques que l'on espère et qui jouent avec notre frustration jusqu'à faire en sorte que l'on ne les attende même plus vraiment. Heligoland est de ceux-là. Initialement intitulé The weather underground, l'album était en chantier depuis trois, quatre ans, sinon plus et, à force d'effets d'annonce doublés de reports intempestifs, a finit par lasser avant même de parvenir jusqu'à nous... si bien que lorsque l'annonce de sa sortie, imminente, se veut officielle, on n'y croit plus trop. Sauf que cette fois, c'est avéré. Massive Attack a donc (enfin) accouché d'un nouvel album. Il était temps...
Dans un tel cas de figure, deux techniques visant à appréhender l'album s'opposent. La première consiste à scruter le web à la recherche de la moindre bribe d'information, du moindre début d'extrait ayant filtré depuis le studio d'enregistrement (volontairement ou non...), à écouter avidement les premiers morceaux diffusés de manière officielle avant de se jeter sur le premier leak de l'album trainant sur les réseaux de P2P. La seconde ? Black out total. Absolu et inconditionnel. Lequel nécessite un certain effort pour résister aux innombrables tentations mais qui permet au final de découvrir l'album, certes après des millions d'auditeurs, mais avec une forme de virginité sensorielle qui n'en ait que plus jouissive. D'autant que, brisons tout de suite le vrai/faux suspens, Heligoland est une réussite. Flirtant par instants avec l'excellence, sans pour autant attendre les sommets de Blue lines ou Mezzanine. Oui, Massive Attack, c'était mieux avant. Mais même sans LA révolution musicale attendue par certains, le groupe est encore capable de grandes choses, c'est une évidence. Comme sur "Babel", où le duo "3D" & Daddy G, s'offre les services de Martina Topley-Bird. Un coup de maître que ce titre aux atmosphères toutes en étrangeté synthétique et rythme très soutenu, comme pour montrer que si Massive Attack est enfin de retour, ce n'est pas pour s'endormir sur les lauriers de ses précédents opus.
Et pour cela, le duo de Bristol a convié la crème de ce qui se fait actuellement, ce, quelque soit le style de prédilection de l'artiste. Si Horace Andy, habitué de l'univers du groupe est (évidemment) présent, 3D et Daddy G n'ont pas fait les choses à moitié et ont invité Hope Sandoval (Mazzy Star), toublante, sensuelle et magnifique sur "Paradise circus", Tunde Adebimpe (TV on the Radio), sentencieux et nonchalant sur l'intemporel "Pray for rain", l'hyperactif touche à tout Damon Albarn (Blur, Gorillaz entre autres) avec le très romantique (et réussi) "Saturday come slow" ou Guy Garvey d'Elbow pour l'étrange et finalement acnedotique "Flat of the blade". Car on l'aura deviné, Massive Attack n'a pas mis au monde que des chefs-d'oeuvre pour dévoiler l'univers de son Heligoland ("Psyche", "Rush minute" resteront des titres mineurs dans la discographie des anglais), même s'il y a, comme espéré secrètement, quelques pépites. "Splitting the atom", tout en groove narcoleptique et chaleur psychotrope ou le fiévreux "Girl I love you" sont de celles-là. C'est clairement avec ces collaborations de luxe (pour la petite histoire, Mike Patton a également enregistré deux titres, promis pour cet album, mais finalement restés dans les tiroirs du groupe... ), que Massive Attack atteint les sommets de l'album. Même si celles-ci ne font pas tout, la paire anglaise ayant pris soin de confectionner des arrangements instrumentaux particulièrement raffinés et de sculpter ambiances propres à leur univers si particulier. Mais au fil des écoutes, on se détache de l'album pour l'écouter de différentes manières, non plus comme une collection de morceaux souvent de très bonne facture, parfois excellents, plus rarement mineurs ; et le redécouvrir comme une oeuvre plus globale, dense et finalement extraordinairement aboutie ("Atlas air" en étant l'ultime et subjugant chapitre). Et puis évidemment il y a ce "Paradise circus"... Cette fois, plus de doute possible, les deux magiciens de Bristol ont toujours le karma...