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TKDE Formé en 2000 aux Pays-Bas, The Kilimanjaro Darkjazz Ensemble est à l'origine un collectif initié par Jason Köhnen et Gideon Kiers, tous deux alors étudiants en musicologie à l'Utrecht School of Arts, et donc la vocation est de composer des bandes-orignales pour des grands classiques du cinéma muet, notamment le Nosferatu de W.F Murnau ou Metropolis de Fritz Lang. Les années passent et en 2004, Hilary Jeffrey, tromboniste anglaise et la violoncelliste suisse Nina Hitz intègre TKDE lorsque le groupe ambitionne d'enregistrer un premier album. Eponyme, celui-ci verra le jour de manière totalement indépendante, et relativement confidentielle, courant 2006. Quelques mois plus tard, de quartet, l'entité devient sextet avec l'incorporation du guitariste Eelco Bosman et de la vocaliste française Charlotte Cegarra puis septet avec l'arrivée de la violoniste anglaise Sadie Anderson courant 2008.
Entre-temps, le spectre musical du TKDE s'était considérablement élargi, le "groupe" voit naître un side-project d'improvisations live réunissant les mêmes musiciens mais avec quelques intervenants extérieurs au grès des concerts : The Mount Fuji Doomjazz Corporation (voire bio...). Quant au projet principal à proprement parler, il signe en 2009 chez le label Ad Noiseam via lequel sortent la même année l'EP Mutations puis l'album Here be dragons. 2010 voit le groupe signer chez la référence Denovali Records (Contemporary Noise Sextet, Mouse on the Keys, Her Name is Calla) qui réédite le tout premier album du groupe l'année suivante, quelques semaines avant que ne paraisse le troisième long-format du collectif : From the stairwell.

Review Concert : The Kilimanjaro Darkjazz Ensemble, WovenHand à la cartonnerie (avril 2011)

The Kilimanjaro Darkjazz Ensemble / Chronique LP > From the stairwell

TKDE - From the Stairwell Au départ, le concept de The Kilimanjaro Darkjazz Ensemble était de composer des bandes-originales pour faire l'habillage sonore des classiques du cinéma muet. Puis, de fil en aiguille, le projet à évolué pour écrire des morceaux s'émancipant de cette idée de départ sans pour autant s'affranchir réellement de l'influence que pouvait avoir le cinéma sur sa musique. Quelques semaines après la réédition de son tout premier album, éponyme, TKDE présente son troisième album long-format et semble revenir à ses premiers amours, tout du moins d'une certaine manière. Car si From the stairwell n'est pas réellement une bande-son de film, il semble être le score d'un long-métrage qui resterait à être filmé. Pour la mise en images, on devra pour le moment se contenter de l'imagination, de quelques panoramas générés par notre esprit à l'écoute de l'album.
D'ordinaire on écrit le film, le tourne et enregistre la musique devant l'accompagner, ici le collectif néerlandais d'origine (des intervenants étrangers s'étant depuis greffés au line-up du groupe) a fait l'inverse, sauf qu'il ne compte pas tourner le film. Et c'est peut-être tant mieux. Parce que de part le mystère que les huit pistes ici composées instillent en nous, il n'y aura aucune frustration, le son se substituant à l'image et se suffisant à lui-même. Cela dit, si elle est ouvertement cinégénique, la musique de TKDE n'est pas que ça, elle est surtout jazzy, feutrée et ténébreuse, d'une beauté troublante. De "All is one" à "Past midnight" en passant par "Giallo" (dont les ambiances font directement référence à ce sous-genre de série B originaire d'Italie), "White eyes" ou "Cocaine", le collectif livre une partition tantôt accessible, tantôt bien plus tortueuse, abstraite, voire ouvertement expérimentale. Une suite de compositions se mouvant à travers des atmosphères tantôt sombres et labyrinthiques ("Cotard delusion"), tantôt plus éclairées (le très joli "Celladoor"). Etrange et fascinant...

The Kilimanjaro Darkjazz Ensemble / Chronique LP > The Kilimanjaro Darkjazz Ensemble

The Kilimanjaro Darkjazz Ensemble Il y a des gens pour qui un chef d'oeuvre ne peut décemment être livré dans un packaging ne lui rendant pas grâce. Les deux mélomanes et collectionneurs avertis présidant aux destinés du label Denovali en font assurément partie. Multipliant depuis six ans maintenant les sorties dans des styles musicaux relativement variés mais avec une exigence de qualité constante, tant du point de vue du contenu que du contenant, le label s'est forgé, en quelques années, une solide réputation de défricheur, de découvreur de talents multiples et originaires d'horizons géographiques divers. A chaque fois, le même soin apporté à chaque nouvelle sortie, peu importe qu'il s'agisse d'un nouvel album, d'une réédition, d'une version vinyle, voire collector... à l'image par exemple de ce que ces gens ont fait pour le premier The Kilimanjaro Darkjazz Ensemble.
Sortie à l'origine, relativement confidentiellement en 2006, ce premier effort long-format et éponyme se voit réédité aujourd'hui dans deux très belles éditions CD cardboard arigato et vinyle 2x12'' chez la maison allemande. L'objet est magnifique certes, mais ce qu'il recèle ne le sera pas moins. Onze compositions oscillant entre darkjazz, electronica et musique électro-acoustique, jouant sur les effets de répétition avec "The nothing changes", la cinégénie sensuelle et enfiévrée de "Lobby" ou l'électro sauvage et turgescente de "Pear is for swine", TKDE semble être déjà maître de son art et cherche à en explorer les moindres recoins. Du swing minimaliste d'"Adaptation of the Koto Song" au jazz mouvant et organique de "Parallel corners", le collectif d'origine néerlandaise joue avec les codes des genres qu'il courtise, se les approprie et en repousse indéfiniment les limites. Notamment sur l'énigmatique "Rivers of Congo" aux tentations bruitistes assumées ou encore "Salomon's curse", lancinant et hypnotique.
Quoi qu'il fasse, The Kilimanjaro Darkjazz Ensemble parvient à trouver le moyen de créer quelque chose de systématiquement différent, invariablement brillant, exploitant par là-même, les infinies potentialités de son concept et notamment de son line-up imposant (ils sont pour rappel depuis 2008 sept à composer le groupe). "Amygdhala" est ainsi un modèle d'ellipses narratives bercé par une electronica aussi étrange que tortueuse, labyrinthique et ténébreuse, "Guernican perspectives" jongle avec les esquisses mélodiques pour nous envelopper de quelques figures de style jazz, chaloupées et envoûtantes, avant que "Vegas" nous ramène brutalement à la réalité. Frontal, électronique, mutant, cet avant-dernier morceau nous renvoie à la facette la plus expérimentale de TKDE, une froideur clinique au service d'une virtuosité formelle et collective assez ahurissante. Quant à "March of the swine", final s'étendant sur quelques vingt minutes et deux petites secondes de musique, il apparaît comme la synthèse de l'album. Une symphonie jazz expérimentale électroacoustique et symbiotique dans laquelle le collectif jette ses derniers éclairs de génie. Bluffant... à tel point que l'on n'est pas loin du chef-d'oeuvre...