Jesu - Heart Ache & Dethroned Il fallait sans doute boucler le bilan comptable de la boîte dans pas trop longtemps, alors les gens de chez Hydrahead se sont dit qu'il serait peut-être pertinent de sortir des trucs leur permettant de faire une jolie plus-value sur leur back-catalogue. Oui, la musique est aussi un business et même les gros labels indé n'y échappent pas s'ils veulent survivre. Logique. Et au sein de son roster, la structure fondée par Aaron Turner a quelques entités "bankables" : Isis, Cave In... et Jesu. Cette dernière était la plus prolifique (Justin K.Broadrick oblige), il n'est donc pas étonnant (vu la taille de sa discographie) de voir apparaître dans les bacs une réédition du tout premier effort du projet : Heart ache... agrémentée pour la peine d'un deuxième disque inédit. Celui-ci, prenant la forme d'un EP de chutes de studio jusqu'alors restées dans les tiroirs et légèrement retravaillées pour trouver leur place sur un objet dont le packaging a également été soigné pour le rendre présentable d'un point de vue marketing. Business is business.

Si Heart ache est connu des curieux et/ou inconditionnels de Jesu, Dethroned par contre est donc l'inconnue dans l'équation ici présentée. On ne va pas revenir sur les deux titres présents sur le premier disque, déjà chroniqué par ailleurs et donc s'attarder sur le second, compilant quatre pièces datant des débuts du projet. Et ça se sent sur l'éponyme "Dethroned", morceau inaugural de cet EP qui sonne comme du... Godflesh en mode shoegaze metal expérimental et assez curieusement emballé sur un rythme plutôt enlevé. Quand on sait ce qu'est devenu, en termes de tempo, Jesu par la suite, la vitesse d'exécution de ce premier titre a de quoi surprendre. La prod' de son côté, un peu "light", laisse entrevoir ce qu'était alors le projet à ses balbutiements artistiques alors que dès le second titre, "Annul", on sent que les choses prennent forme avec un peu plus de corps. Lourdeur post-metallique de rigueur, basses industrielles oppressantes et ce chant, trafiqué, qui semble planer au-dessus du magma instrumental, Justin Broadrick affine peu à peu sa griffe musicale atypique. Et la rend plus ambient et organique avec l'atmosphérique "Aureated skin" puis "I can only disappoint you", deux derniers morceaux qui complètent plutôt bien un EP qui n'a rien d'indispensable en comparaison des autres productions de Jesu, mais qui trouve quand même son intérêt en remplissant son rôle de collector : à savoir contenter les collectionneurs compulsifs invétérés et les curieux passés à côté du projet à ses débuts. Jackpot ?