IDEM en interview, c'était programmé depuis bien six mois (en comptant large). Et puis les choses ont fait que pour des raisons de timing, ça l'arrive qu'aujourd'hui. Mieux vaut tard... et puis faut aussi dire que le groupe avait pas mal de choses à dire et qu'on lui a finalement laissé la parole.
IDEM prend la pause
Afin de réveiller ceux qui ne connaitraient pas encore IDEM et/ou qui auraient passé les six derniers mois dans une grotte afghane à l'écart du W-Fenec, comment pourriez-vous présenter le projet IDEM en quelques mots ? Ses tenants et aboutissants. en clair le pourquoi du comment du groupe.
IDEM existe depuis un peu plus d'une dizaine d'années maintenant. Notre sixième disque vient de sortir chez Jarring Effects Label en octobre dernier. Nous sommes souvent classés dans la scène française dite "électro-dub-rock" aux côtés de Ez3kiel, Lab, ou encore High Tone, Zenzile... Ce qui reste finalement un peu vague pour qualifier précisément notre style de musique... Globalement une musique située entre Sofa Surfer et Scorn, avec un côté noise qu'on affectionne, des mesures un peu décalées, contrastées, et souvent très visuelle, notamment en live.
Le groupe est composé de trois musiciens - Baz (batterie, machines), Mash (basse, machines) et Welcom (guitare, machines, voix, vidéos) - mais plus en profondeur, IDEM ressemble à une sorte de collectif. Avec les interventions et investissements d'autres personnes qui prennent part intégralement à l'artistique : Bru (production artistique studio et live, sonorisation façade, effets, ...), Stéphanie (création lumières/visuels), Tonio (régie technique, son retours), Isabelle - Pitch - Ortoli (chant) qui aujourd'hui s'investit également beaucoup dans le projet, et qui est beaucoup plus présente sur ce dernier disque.
En 2007 est sorti Aerobiose, sorte de point d'orgue à une trilogie discographique, voici maintenant, The Sixth aspiration museum overview, c'est un nouveau départ dans la vie d'IDEM ? Quel était la ligne directrice que vous vous étiez fixée au moment de composer ce nouvel opus ?
Cet album a été composé dans un contexte assez particulier pour nous... Perte de manager, perte de tourneur, et une situation financière un peu légère... Nous étions à la fin du triptyque discographique "Aérobiose", qui nous a mené pendant trois ans, et nous avait conduit au projet "Aérobiose featurings", présenté sur scène, avec plusieurs intervenants qui se mélangeaient à la musique d'IDEM (Loone d'Aïwa, McBlueveiner de la Phaze, les Mc de Nouvel R, Isabelle Pitch Ortoli, ...). Nous avions envie de réfléchir à une approche différente sur notre prochain disque. Artistiquement, mais aussi en terme de production et de promotion. Nous avons décidé de nous retirer et de nous enfermer en studio pendant une année (nous avons l'immense chance de pouvoir le faire dans un studio pro privé). Prendre le temps était le "leitmotiv" de ce disque.
Nous avons proposé à Bru, notre ingé son, de s'investir encore plus sur la production artistique, une sorte de carte blanche. Les arrangements, les choix de production, ont été véritablement pensés à quatre. Contrairement aux autres albums, l'approche est beaucoup plus "discographique". En ce sens que nous avons essayé de mettre totalement de côté notre vision des morceaux adaptés pour la scène.
L'ensemble nous est apparu comme plus évident.
Nous avons intégré plus de "voix", des gens avec qui nous aimons collaborer (Fab Nau, Loone, Julie Bortnikov). Nous avons aussi donné beaucoup plus de place à Pitch (Isabelle Ortoli), qui aujourd'hui a intégré pleinement le groupe. Les structures sont simplifiées, le "son" d'IDEM s'est épaissi, les morceaux sur disque vont plus à l'essentiel, toujours dans un esprit "noise électro rock" sur un fond de "dub".
Parallèlement, et parce que nous avons toujours eu le souhait de rester pleinement acteurs du projet IDEM dans son ensemble, nous avons restructurés notre équipe.
Nous gérons nous même, comme sur les précédents disques, la promotion, la communication, les moyens de financement, etc... Et nous avons eu la chance de croiser Christian (management), Aurore (tourneuse) et l'équipe d'Aladesh, qui nous ont permis de concrétiser la sortie du disque, et tous les projets qui en ont découlé (tournée dans les Balkans, tournée au Canada et aux USA, tournée française, ...). La concrétisation avec Jarring Effects s'est faite dans ce contexte. Nous nous connaissions depuis longtemps, et ce mode de fonctionnement proche du leur (collégial, familial,...), en co-réalisation leur a plus et nous a plu.
IDEM atmo-sphérique
Quand on découvre ce nouvel album pour la première fois, on pense notamment à Battlefield d'Ez3kiel ou Artefacts/... de Revo, bon pas que, mais c'était pour faire un raccourci rapide, finalement, vous retrouvez sur Jarring Effects, c'est en sommes assez logique non ?
JFX nous semblait être l'un des labels les plus intéressant pour nous : de par son catalogue tout d'abord et de par sa famille musicale : nous sommes souvent programmés avec des groupes Jarring Effects, et avons collaboré déjà artistiquement avec certains. Ce label a prouvé par ailleurs qu'il ne se fermait pas à un style très précis de musique, mais fonctionnait définitivement au coup de coeur.
Dernier point qui n'est pas le moins important pour nous : le côté familial et humain du travail de l'équipe Jarring. Il nous correspond exactement. Nous avons toujours fonctionné comme ça, et cette collaboration qui débute nous permet de garder notre vision des choses, et ne nous évince pas du côté développement. Kéim Zo Fed Production, par le biais de Promonline, s'occupe par exemple toujours de la promotion de ce disque. Le "do it yourself" est toujours d'actualité, avec un soutien supplémentaire efficace, qui nous permettra d'avancer un peu plus loin ... on l'espère en tout cas !
Comme ça se passe l'écriture des morceaux au sein d'IDEM, c'est collectif/quelqu'un s'en charge tout particulièrement ?
Nous sommes trois à composer les bases de nos morceaux (Baz, Mash, Welcom). Tous les trois travaillons simultanément sur nos machines et claviers. Nous avons l'opportunité de pouvoir régulièrement tester nos "premiers jets" en studio avec Bruno. Ces moments sont très importants pour nous, car nous travaillons beaucoup plus précisément, tous les quatre, sur les arrangements, la production, et parfois simplement sur le simple "intérêt" d'un morceau. Jusqu'alors, Pitch n'arrivait qu'à cette étape pour poser sa voix sur les instru qu'on lui proposait. Aujourd'hui, nous commençons à travailler différemment, et elle intervient dès la construction du morceau. Pour le reste, il n'y a pas vraiment de règle de composition (ce serait trop beau pour nous !), et les idées affluent au fur et à mesure... à partir d'une ligne de basse, d'une mélodie de guitare, d'un sample, ou même parfois d'une rythmique...
Au rayon des influences, on peut citer tout un tas de groupes et artistes, de Massive Attack à NIN en passant par la scène dub/rock/électro hexagonale. Quels sont les groupes qui vous ont donné envie de débuter IDEM et qui encore aujourd'hui sont des sources d'inspiration pour vous ?
Nous sommes tous les trois natifs de la région saumuroise... souvenirs de nos premiers pogos sur les concerts de groupes du cru, comme Spicy Box, Shout, ou encore La Ruda Salska. Ce sont ces groupes et ces ambiances de concerts de la fin 90 qui nous ont donné envie de monter sur scène. Musicalement, nous avons toujours gardé notre "esprit rock", sans doute très influencés également par la scène angevine (Hint, The Drift ...). Ensuite nous avons vécu de plein fouet l'arrivée de l'électro dans le rock, qui a été un vrai déclic pour nous. Pour le reste, nos influences sont très vastes. Pour tout dire, à peu près tout ce que nous pouvons écouter et qui nous parle. Nous ne sommes pas vraiment des musiciens acharnés à écouter un style de musique précis. Les groupes que tu cites sont évidemment des influents (comme pour beaucoup de groupes), mais plusieurs centaines d'autres seraient à ajouter...
IDEM enfumé
Vous avez fait une création avec Pawa-Up First lors de votre tournée canadienne il me semble, vous pouvez en parler ?
À l'origine, cette collaboration a été initiée par le 6 par 4 de Laval et le Festival des Musiques Émergentes de Rouyn Noranda au Québec (FME). Le programmateur du FME souhaitait proposer une création spécifique pendant le festival entre un groupe québécois et un groupe français. Il nous a fait la proposition. Ensuite tout s'est enchaîné. Nous ne connaissions pas du tout les Pawa Up First, et nous avons écouté leurs disques. Pour eux c'était pareil. Après avoir commencé à travailler à distance via internet, nous avions deux jours devant nous en arrivant au Québec pour apprendre à nous connaître et à jouer ensemble. Ce sont d'excellents musiciens, ça a été court, mais très intense. Leur style beaucoup plus ambiant et mélodique s'est très bien marié avec notre côté plus "rentre-dedans". Nous avons tourné avec eux au Québec (septembre 2008), puis eux sont venus nous rejoindre en France (Octobre 2008). Deux expériences très enrichissantes humainement et artistiquement.
Vous avez également tourné en Bosnie, vous êtes friands des destinations un peu inattendues ?
Inattendues, peut-être pas tant que ça. Les Balkans et la Bosnie commencent depuis quelques années maintenant à tisser des liens solides avec des structures culturelles françaises. Jarring Effects par exemple, et Aolf (Alors On Le Fait ?) structure de la région parisienne. C'est avec Aolf que nous avons monté ce projet de tournée en juin 2008 (Allemagne, Slovénie, Croatie, Bosnie Herzégovine, Hongrie). Nous avons rencontrés un public très démonstratif, et très chaleureux, dans des lieus parfois très "roots" mais toujours très accueillants. Nous avons eu la chance de rencontrer le groupe Vuneny, de Mostar (Bosnie) avec qui nous avons sympathisé. Il en a découlé une nouvelle collaboration, et une nouvelle création. Nous avons travaillé début mars 2009 avec eux à Nantes, et nous avons enchaîné une tournée commune d'un mois en France (camion commun, parfois set commun, featurings, etc.) Nous nous sommes très bien entendus, sur tout : humainement, musicalement. Les Vuneny ont sorti récemment leur second album sur Jarring Effects Label d'ailleurs.
Beaucoup de choses qui font que nous avions envie de poursuivre notre collaboration. Un projet de tournée européenne, organisée par Yann Bieuzent d'Aolf et Aurore Despretz (notre tourneuse) se profile pour octobre 2009 avec les Vuneny, à travers la Suisse, l'Autriche, la Hongrie, Slovénie, Bosnie, Croatie, et Italie.
L'aspect visuel, l'identité graphique est une composante essentielle de votre musique, via notamment des artworks soignés et vos performances live. J'avais posé la question aux Ez3kiel, je recommence avec vous : finalement, c'est le son qui inspire l'image ou l'inverse chez IDEM ?
Au jour d'aujourd'hui, c'est bien le son qui influence l'image. Stéphanie et Welcom travaillent sur l'adaptation visuelle en live après la composition des morceaux. Il arrive pourtant parfois, que nos morceaux soient retravaillés lors de nos résidences en salle pour mieux s'adapter aux visuels et aux vidéos. Nous avons toujours souhaité proposer un spectacle différent visuellement, sans s'enfermer dans un "concept" qui ne nous correspond pas.
Toujours dans cet ordre d'idée, est-ce que vous seriez partants pour composer une bande-originale ? Si oui, pour quel type de film. Si non, je brûle cette interview.
Oui bien sûr. Il nous est arrivé parfois de rencontrer des gens qui avaient, juste pour eux, placer un ou plusieurs de nos morceaux sur des images. ça nous a beaucoup plu. Justement ce serait un travail d'autant plus intéressant pour nous, car nous devrions travailler en sens inverse : l'image influe sur le son.
IDEM en noir et blanc... et rouge
Au niveau du live, étant donné que votre set est un show à part entière et non « justes un concert, j'imagine qu'entre la musique d'une part, puis les images et les lumières d'autre part, tout doit être réglé comme une horloge suisse, comment arrivez-vous à faire évoluer vos morceaux d'un concert à l'autre, puisque j'imagine qu'aucune place n'est laissée à l'improvisation ?
Tout est effectivement très précis en live, puisque nous travaillons en partie avec des séquences figées, son et vidéos. Nous jouons beaucoup plus sur l'énergie, l'intention, et l'émotion qu'on peut avoir sur tel ou tel concert... Pour le moment, aucun moment n'est vraiment dédié à l'improvisation, à l'exception de quelques rares passages... Mais au niveau de la structure, tout reste très cloisonné. C'est quelque chose que nous aimerions travaillé un jour ou l'autre. Mais c'est un gros travail qui remettra en question tout l'aspect technique de nos concerts.
Quels sont vos projets (immédiats ou plus lointains) maintenant que l'album est sorti depuis quelques mois ? Tourner, tourner et tourner j'imagine. (oui je fais les réponses et les questions maintenant)
Nous sortons justement d'une tournée de 15 dates (mars/avril 2009). Nous ne jouerons que très ponctuellement cet été, sur quelques festivals en France. Le gros des dates reprendra à la rentrée (fin septembre-début octobre 2009) avec une première tournée européenne. Pour le reste, nous travaillons sur un nouveau projet avec le groupe électro Gong Gong (Nantes). Une création très spécifique, un peu en parallèle du projet IDEM, que nous avions déjà débuté lors d'un concert au Zénith de Nantes (soirée spéciale Nantes au Zénith) durant lequel plusieurs groupes nantais devaient présenter un programme original. Ce projet sera présenté à la rentrée de septembre. Deux batteries, des machines, des guitares, violoncelle, basse, beaucoup de vidéos... Le projet devrait être très intéressant...
The Sixth aspiration museum overview est sorti via Jarring Effects, ce qui vous permet une bonne petite exposition dans les bacs des grands disquaires comme des plus petits (incroyable, je l'ai même vu à la FNAC d'Aix), quel est votre opinion sur la situation du marché du disque, vous qui êtes un peu immergés dedans depuis plusieurs années maintenant ?
Une vision un peu pessimiste malheureusement. Pour des tas de raisons. Nous ne pouvons plus aujourd'hui compter, à notre niveau en tout cas, sur l'éventualité de bénéfices sur la sortie d'un disque. Au mieux, nous essayons d'en amortir le coût. Nous essayons de nous rattraper sur les concerts. Mais encore une fois, les programmateurs nous disent qu'ils ont parfois des baisses de fréquentations qui vont jusqu'à 40% par rapport au début de l'année dernière. C'est difficile. Sans dire que le disque est mort (surtout pas !), il faudrait un véritable travail sur le fond du problème. Pourquoi les "kids" n'achètent plus de disques ? Pourquoi ne se déplacent-ils plus aux concerts ? Un travail de réflexion que nous essayons de faire depuis plusieurs années maintenant, tout comme Jarring Effects Label d'ailleurs, avec la mise en place de CD1D.com par exemple.
Vous avez tourné avec le duo Revo en octobre 2008, quelque chose à dire sur eux ? Une révélation scandaleuse ? Une déclaration enflammée ? Vous pouvez y aller, on leur posera la même question.
Quoi dire ? ... Que parfois après une longue et difficile nuit, il peut ne pas être si évident que ça de remonter sur scène dès le lendemain (rf : concert au Barou'f de Cholet - 49).
Pour le reste : excellents concerts, excellent album, excellente rencontre !
Vos derniers coups de cœur musicaux ?
Le dernier Vuneny : Whatever Singularity évidemment. Sinon, en vrac : Zone Libre, R2JEU, Reverse Engineering, les Bauchklang en concert,...
Quelque chose à rajouter avant de fermer ?
Un merci spécial au W-Fenec, et en règle générale à tous les web-zines, nouveaux médias du net, qui écoutent, chroniquent, soutiennent et font découvrir. Bravo !
Special thanks to Vincent (même avec un peu de retard:)).
Photo : IDEM