Les Lyonnais d'High Tone reviennent dans l'actu avec un sixième album fraichement sorti intitulé Ekphrön, un terme grec signifiant "hors d'esprit". On est allé en savoir plus sur tout ça en questionnant Dom, batteur de la formation, qui revient sur la tournée Dub Invaders, la genèse du disque, la participation de Vincent Ségal et plein d'autres trucs... Bonne lecture !
Salut Dom, avant de parler de votre nouvel album, je voulais connaître un peu le bilan de votre longue tournée avec votre side projet Dub Invaders : comment ca s'est passé et quelle expérience en tirez-vous ?
Phénomenal ! Le sound system, c'est vraiment une expérience unique ! De plus, on a rencontré que des gens sympas, des passionnés de musique comme nous, ce sont des "dub activist" impressionnants ! Ils construisent leurs sonos, organisent leurs soirées, leur visuels, produisent des disques, etc, etc... Musicalement, l'expérience fut très enrichissante : le style de compo des dub makers qui est très minimaliste a, je pense, influencé chacun de nous. Et puis c'est une scène en pleine effervescence, avec un public de plus en plus curieux et nombreux aux soirées.
Est-ce que vous considérez Dub Invaders comme un élément inhérent à High Tone ou plutôt quelque chose de récréatif pour couper un peu et repartir plus fort par la suite ?
Inhérent ou récréatif ? Les deux en fait il me semble. Je crois que chaque musicien pourrait te répondre différemment, mais ça, ce n'est pas nouveau (rires) ! C'est sûr que c'est très récréatif pour tout le monde. Le sound system a ses codes, High Tone n'en a pas ! Le sound system, c'est un voyage sensoriel avec ses basses surpuissantes, ses sirènes qui hurlent, le MC qui t'interpellent toutes les deux minutes pour que tu rentres dans la danse, que tu te lâches. C'est samedi soir, c'est la fête ! Et ça, quand on prépare une tournée Dub Invaders, on l'anticipe à notre manière et chacun s'investit à fond pour créer sa vision, sa musique de sound system.
Avec High Tone, il faut que les cinq éléments trouvent, à un moment de leur vie, un langage commun pour créer et écrire un album, une histoire ensemble. En partant de rien, car tout est possible ! Il n'y a aucune limite, aucune frontière, enfin, si une : ne pas se répéter. Après, c'est aussi un voyage sensoriel mais, et j'espère, aussi émotionnel, intense, relevé par la mise en scène des jeux de lumières et la narration des vidéos.
Est-ce que ce nouveau disque a été composé et enregistré durant cette tournée ou le plus gros était déjà fait avant ça ?
Ouais, on a composé durant cette tournée. On continuait même à faire des dates pendant le mix !
Quelle est la signification d'Ekphrön ?
Le mot vient du grec et signifie littéralement "hors d'esprit". On a rarement thématisé nos albums jusqu'à présent, mais sur celui-ci on s'était donné à un moment le thème du voyage comme piste à suivre. Parce que nous ne pouvions pas faire autrement que de rester sur place, le voyage est devenu plus intérieur au final. Ekphrön est plus ou moins synonyme de transe, de lâcher-prise. On s'est rendu compte que le vocabulaire français et occidental avait finalement peu de mots pour exprimer les différentes formes de l'enthousiasme musical et ses effets intérieurs, contrairement à d'autres cultures comme la culture orientale par exemple. Finalement, les seuls termes existants venaient du grec. Notre idée est de valoriser les effets positifs de la musique sur le corps et l'esprit.
En écoutant le disque, on note qu'High Tone tente constamment de trouver un nouveau souffle dans sa création. Ici, après un début relativement calme et surprenant, on passe par pas mal de couleurs musicales que ça soit de l'électro tapageuse, du hip-hop, du dub ou des morceaux à la structure un peu plus rock. Ca risque de dérouter vos fans, non ?
Je crois qu'on ne peut pas enfermer la musique de High Tone dans une case ou la nostalgie de tel ou tel album. On est vivant, curieux et on a toujours défriché ! Je crois que peu importe qui est ce "fan", cela ne fait aucun doute pour lui, non ?
Est-ce que l'idée, c'était vraiment de faire une suite à No border, le deuxième disque d'Outback ou de s'en inspirer pour former un disque plus complet ? Pouvez-vous, nous dire plus précisément quelle était votre marche à suivre dans l'élaboration de ce 6ème album ?
Non, non, aucune idée préconçue au départ ! C'est en assemblant l'album au tout dernier moment, que l'on s'est rendu compte que si on devait le définir, il était plus proche de No border que de Dub axiom. Pour cet album, il y a eu beaucoup de discussions au début et personne n'était vraiment sur la même longueur d'ondes.
Ca a été très long pour mettre en route le projet. Au début, on a fait beaucoup de jams rythmiques rock et des trucs barrés, on a bossé sur les idées amenées par certains et puis, petit à petit, on est arrivé à retrouver le chemin de la création à cinq et les contours de l'album se sont dessinés.
Au rayon des invités, hormis Oddateee avec qui vous aviez déjà travaillé sur Outback et Shanti D, on trouve la participation inattendue de l'excellent violoncelliste Vincent Segal (Bumcello, -M-, Blackalicious...) sur "Basis", un morceau qui surprend par son caractère mystique. Comment cette collaboration s'est-elle mise en place ? Que recherchiez vous concrètement chez Vincent, pourquoi ce choix ? Étiez-vous fan de son travail sur Bumcello ?
Oui, Bumcello était programmé au "Riddim collision", le festival de Jarring Effects à Lyon, il y a de ça un paquet d'années et on s'est recroisés quelques fois depuis. Ces mecs ce sont des équilibristes ! Prise de risque maximum sur scène, évidemment ça nous a bien plu.
Depuis, Vincent a fait des milliards de choses, c'est dur de le suivre ! Mais on a été, entre autres, marqué par le 5+1 avec Zenzile et son album avec Ballake Sissoko.
Sur "Basis", Fabasstone avait commencé une basse violoncelle, ça nous a fait pensé à Vincent ! Je l'ai appelé. Il était de passage à Lyon et motivé. Ce qui est dingue c'est que tu ne sais pas du tout où tu vas mais tu sais qu'il va se passer quelque chose de bien. C'est intéressant, un mec qui vient du classique et qui est prêt à jouer sur un truc électro tout barré. C'est ça qui me plait quand tu fais des rencontres.
Le clip d'"Until last drop" est vraiment réussi tant dans la façon de traiter le sujet de la destruction de la planète que dans sa réalisation ? Pouvez-vous nous en parler un peu plus ?
C'est pas évident de parler d'écologie - tout a été dit ou manipulé - et encore moins de l'illustrer. Mais le ton, la distance trouvée par Shanti D avec sa formule "Please leave the world as you found it" nous plaisait d'emblée. Il y a un décalage entre ce robot plutôt sympa un peu naïf et ce sujet grave et c'était, je pense, la bonne direction. Nico Thiry, notre VJ a écrit le scénario et construit l'animatic du clip et la réalisation a été confié à Guillaume Caron.
En parlant de vidéo, je voulais savoir si un jour vous comptiez sortir un bel objet en DVD/Blu-Ray. Je sais que vous êtes assez sensible à cet art, pourtant je crois que le seul support visuel qui existe officiellement c'est celui avec Wang Lee. Ca fait un peu léger pour une formation comme la votre qui a un certain âge...
Je ne sais pas trop quoi en penser. Des fois, je regrette que l'on ne l'ait pas fait à une certaine période très riche du parcours de High Tone et plein d'autres fois je me dis que je trouve ça relou d'être filmé en permanence, surtout que c'est pas notre truc. Et puis, c'est une vraie galère de faire une bonne captation d'un live, c'est très onéreux, etc... Un concert, ça reste un souvenir collectif, ce n'est pas si mal tout compte fait.
Antonin avait évoqué il y a deux ans dans une interview un projet avec des amis circassiens/acrobates. Est-ce que cela va se mettre en place ?
On devrait confirmer ça sous peu. On a des plannings bien chargés, eux comme nous, mais on est dessus !
Y-a t-il des courants musicaux qu'High Tone souhaite explorer dans l'avenir ? Je sais que le groupe a toujours voulu mélanger un son urbain aux musiques ethniques traditionnelles mais il me semble que vous n'avez jamais été lié aux sons qui sortent des garages ou des caves (autrement dit des groupes de rock). Me trompe-je ?
Exact ! Et pourtant il y'a plein de groupes qui déchirent : Marvin, Pneu, Electric Electric, Zero, pour ne citer qu'eux !
Aucune idée de quoi sera fait demain pour High Tone. Pour l'instant, c'est l'album et uniquement l'album et pour une fois, on va prendre le temps je crois. Faire plein de tournées et se faire plaisir à envoyer du gros !
Pour terminer cette interview, je vais te demander un petit effort. Est-ce que tu pourrais nous résumer en un mot ou une phrase chacun de vos albums :
Opus incertum : "Once upon a time"
Acid dub nucleik : uppercut
Wave digger : virage
Underground wobble : lunaire
Outback : solaire
Ekphrön : introspectif
Merci pour ta disponibilité et à bientôt sur les routes !
Merci à vous pour tout !
Merci à Dom et aux High Tone et à Manon de Jarring Effects
Crédits photos : Olivier Hoffschir (haut gauche) et Antoine Pidoux (milieu droit)