Guns of Brixton repasse par Dunkerque, 5 ans après une première visite et une première interview... Depuis, pas mal d'eau a coulé sous les ponts et pas mal de bières au fond des gorges. Mise au point sur les nouvelles orientations du combo avec Cyrille (chant, guitare) et Nico (basse).
Guns of Brixton (Dunkerque, janvier 2013)
Le dub, c'est du passé ?
Nico : Non !
Cyrille : Non ! C'est moins d'actualité qu'avant mais on en écoute toujours beaucoup. C'est vrai qu'il y en a peu voire pas dans le dernier album. Il y a quelques passages...
N : Il y a toujours des constructions basse/batterie qui sont dub mais c'est sûr que c'est beaucoup moins évident.
C : Il y a beaucoup de circonstances qui font qu'on en est là. A l'époque de l'enregistrement de l'album précédent Cap Adare, j'étais tout seul à la guitare et il y avait Steven aux machines, c'était encore hybride entre guitare et machines. En studio, j'ai mis des guitares dans tous les sens, j'ai été un peu gourmand et quand on a fait les premières répét' pour les concerts, il y avait un gros manque donc on a trouvé un autre guitariste. Ensuite on a composé plus à deux guitares et comme on vient plutôt du rock...
N : L'album d'avant était composé à base d'électro, là on a composé et Tony, qui s'est occupé de l'électro sur Inlandsis, est venu après.
C : Je pense que c'est aussi dans l'évolution logique du groupe, on a commencé à faire de l'électro-dub, puis on a fait du électro-dub-rock et là plutôt du dub très rock...
N : Et ce n'est pas arrêté...
C : C'est pas une volonté particulière.
Ce qui est volontaire, c'est qu'on ne trouve plus le mot "dub" dans les titres d'album et qu'il y a beaucoup moins de jeux de mots.
C : Oui, ça c'est volontaire. Il n'y en a pas.
Pour être plus sérieux ?
N : On s'est demandé si on le faisait ou pas...
C : Ca fait 10 ans qu'on joue ensemble, les blagues d'il y a 10 ans...
Il n'y avait pas que des blagues, il y avait aussi des références !
C : Oui, ça faisait un peu cluedo. On est peut-être un peu plus sérieux...
N : C'est comme ça.
Trouver les titres des morceaux, c'est toujours une galère !
C : Je le sais bien, c'est moi qui les trouve, ils ne veulent pas le faire !
N : Quand t'as pas de texte, tu fais quoi ? "Poum poum tchak" c'est nul ! A un moment, on donnait des prénoms aux compos. Là, on a trouvé des titres qui veulent dire quelque chose pour nous. On n'a pas eu besoin de chercher un truc ailleurs.
C : Vous avez pas trouvé beaucoup de titres les gars (rires)
N : Quand je dis "on a", j'englobe ! Monsieur le chef (rires). Un titre comme "Retour du Japon", c'est toi qui l'as trouvé mais pour nous ça veut dire des choses.
C : C'est vrai que les jeux de mots avec les références, j'aimais bien. Ca revient aussi avec l'imagerie car c'est Steve qui s'en occupait. La musique a changé, on a voulu aussi changer l'esthétique, on a même failli changer de nom ! Après beaucoup de parlotes, car on n'était pas d'accord, on a préféré changer l'esthétique pour souligner l'évolution.
Guns of Brixton (Dunkerque, janvier 2013)
C'est le deuxième album inspiré par le froid, pourquoi cette attirance pour les milieux glaciaires ?
N : Pour jouer à Dunkerque ! (NDR : il fait très froid en cette mi-janvier)
C : Cap Adare c'est lié à des trucs perso, c'est une sorte de traversée du désert blanc. C'était assez séduisant comme image.
N : Depuis, tout n'a pas été reluisant, le groupe a traversé plein de merde, là on n'a jamais été aussi bien mais on a vécu plein de trucs pourris, froids.
C : On ne fait pas non plus une musique ultra joyeuse, pour moi le post rock évoque des paysages enneigés. C'est loin du dub et du reggae que j'écoute avec du soleil, du rhum et de la beuh ! Mais comme on a toujours mélangé tellement de trucs différents...
C'est un album aussi beaucoup plus personnel, il n'y a presque pas d'invités qui viennent mettre leur patte.
N : Perso, je ne me suis jamais senti aussi bien que sur la composition de cet album.
C : C'était long pourtant !
N : C'était super long, même en studio mais c'était bien, c'était cool d'être ensemble.
C : C'est dû au fait qu'on vient tous du rock, dans les groupes d'avant, tu rentrais dans le local, tu branchais ton ampli et tu jouais, tu composais aux instrus. Au départ, comme on voulait vraiment inclure le dub, on est passé vachement par les ordis, ça nous a appris des trucs, ça nous a fait bosser différemment, ça nous a bloqué sur plein de trucs, c'est hyper contraignant.
N : On voulait le faire mais on ne savait pas le faire ! On ne maîtrisait pas tout au début, on est des grosses buses avec les ordis.
C : Pour cet album, on a tout composé guitare/basse/batterie, l'électro est venu après la composition des morceaux alors qu'avant, c'était l'inverse.
Pour les invités, il n'y avait pas d'envie particulière ?
N : On ne s'est pas vraiment posé la question. C'était comme ça.
C : Moi j'avais pas du tout envie.
C'était pourtant un peu une marque de fabrique de mélanger d'autres univers...
C : Aucun regret !
N : Tony c'est un peu notre invité fil rouge, on ne savait pas s'il allait rester, ce soir il n'est pas là mais il fait quelques dates avec nous, on ne sait pas s'il restera.
C : C'est quand même plus qu'un invité !
Un truc qui reste, c'est votre passion pour l'histoire et la guerre en particulier, c'est une source d'inspiration infinie ?
C : Ouais, il n'y a pas de fin... L'être humain, c'est la pire espèce qui existe sur Terre, c'est incroyable, c'est une espèce horrible. C'est fou.
N : Un témoignage, ça va forcément te choquer, t'interpeller, t'es forcément sur le cul et c'est un mec comme toi qui parle, il a vécu ce truc-là.
C : C'est aussi lié au fait qu'au début, il n'y avait que des instrus, pas d'écritures de textes, c'était volontaire. On avait ras le bol d'écrire des textes pourris et les témoignages en disent beaucoup plus long. Le témoignage de "Devant leurs yeux", c'est une plus grande claque dans la gueule qu'un texte d'adolescent type "la guerre c'est pourrie, les fascistes c'est des cons". Ca a plus de poids que d'écrire un texte et c'est bien pratique quand personne ne veut écrire de texte ! On voulait faire une musique instrumentale mais pas insignifiante en terme de pensées. Et j'adore l'histoire, je suis abonné à Historia magazine ! Et ce n'est pas que pour l'histoire, c'est hallucinant de se dire qu'on est les seuls animaux doués de conscience et on s'en sert pour faire n'importe quoi, ça me fascine.
L'artwork est très travaillé, il y a une très belle partie avec un oeil et un cheval et c'est finalement celui avec la dent qui a été retenu pour la pochette, pourquoi ce choix ?
C : C'est un copain à nous, Julien Henri, qui est originaire de Caen qui joue dans des groupes plutôt métal et le graphisme, c'est son taf. On trouve que ce qu'il fait c'est balèze, on lui a envoyé les fichiers des maquettes et on lui a donné carte blanche. Il a renvoyé plusieurs compositions et on adore celle-là.
N : Il a proposé 5 trucs et unanimement on a fait "ça, c'est génial".
C : Il peut y avoir plein d'explications, le truc un peu franc-maçonnique de la cover, ça envoie, c'est bien vénèr, une pochette blanche immaculée et paf, un truc qui a du poids. L'imagerie avec le triangle, l'oeil, c'est vachement utilisé.
N : Toujours plus qu'un mec avec une tête de dent !
Vous fêtez vos 10 ans cette année, il y a quelque chose de prévu ?
N : C'est une surprise !
C : Il y a un truc de prévu. Pour faire vite, on prépare un gros retour aux origines.
On n'en saura pas plus ?
C : C'est en construction... C'est pas fini...
Pour l'été ?
N : On se laisse 2013 pour le faire.
C : C'est pas un secret, on est train d'écrire du dub pour l'occasion...
Guns of Brixton (Dunkerque, janvier 2013)
Récemment vous avez travaillé avec une compagnie de danse contemporaine, ça s'est fait comment ?
C : Je suis éclairagiste aussi et j'ai travaillé quelques années avec le Centre Chorégraphique de Caen sur plusieurs spectacles. A chaque fois que je voyais de la danse, je me disais que du post-rock, ça irait bien avec. Un soir en tournée, on a discuté avec Philippe, un des co-dirigeants de la compagnie de danse, il voulait faire un truc avec des musiciens et ça s'est mis en branle comme ça. On a fait des essais et c'est parti. On doit encore faire quelques dates. C'est un public de danse hyper interloqué par le groupe mais c'est vachement bien reçu. Je pensais que les gens auraient été plus dub-itatifs sans mauvais jeu de mot (rires). Les gens sont très intéressés et pas seulement par la danse, ils viennent nous voir après pour parler de la zik, de notre implication sur le plateau.
N : C'est un super exercice pour les danseurs, quand t'as une gratte dans les pattes, ça bouffe de la place, ils se donnaient pour reprendre le dessus.
C : Le langage et l'esthétique d'un danseur et d'un musicien de rock, c'est pas la même chose, il a fallu ménager la chèvre et le chou !
Dans le même genre de concept, il y a quelques groupes qui ont fait du ciné-concert, ça vous brancherait de mettre de la musique sur un film muet ?
C : Il y a Zenzile, Sleeppers...
Gojira, 7 Weeks aussi
N : Ca me ferait chier ! J'aime pas le support visuel.
Sidoine : J'adorerais... sur Expendables 2 ! (rires)
C : Je ne sais pas... Je ne me suis pas posé la question, j'aime pas la vidéo en concert et un film c'est trop long, c'est chiant. La plupart des groupes choisisse un film et si le film fait 1h27, ils font 1h27, s'il fait 1h43, ils font 1h43 ! Il faudrait faire un montage, faire quelque chose de plus court, plus condensé. Zenzile, j'ai vu leur ciné-concert et je me suis fait chier, pas à cause de leur musique, ni à cause du film, mais parce c'était long.
N : Il faut faire le film...
Amen Ra joue sur des films à eux, mais ils ne sont pas scénarisés...
C : Neurosis aussi. Je ne suis pas fasciné par l'image en concert, j'ai toujours trouvé ça chiant les groupes de dub qui foutent de la vidéo partout, je préfère regarder les mecs jouer que de mater le film. Si je veux mater un film, je mate un film, au concert, j'ai envie de voir le batteur jouer ! Au début, les High Tone avaient un petit écran, puis c'est passé à deux, à trois, quatre, cinq écrans, tu ne vois plus les mecs !
Ez3kiel fait quand même des supers trucs
C : Je suis d'accord, je suis allé voir le Naphtaline Orchestra, l'imagerie défonce mais ils passent plus de temps à faire leurs images qu'à faire leur zik.
N : La mise en scène avec la lumière, la vidéo, c'est impressionnant, je suis d'accord à 100 000 %. Le groupe ne joue pas sur un film, t'as un univers entier, tu peux regarder plein de choses en même temps.
Question qui n'a rien à voir, comment on signe sur un label allemand ?
N : On le rencontre et on lui parle !
En allemand ? (rires)
C : Je ne sais même plus comment ça s'est fait !
N : C'est David qui l'a eu en contact sur le net, il voulait distribuer l'album d'avant, on revenait d'une date à Berlin, il nous a logés, on a discuté et nous a proposé de sortir le nouvel album.
Vous êtes accros aux réseaux sociaux ? Y'en a au moins un qui poste des photos de bouffe !
N : C'est moi ! Je poste que de la merde ! Pour les trucs sérieux, c'est David ! J'aime bien les photos de tournée. On n'est pas assez accro par rapport à d'autres groupes... Quand on est sur la route, c'est minimum une photo, je trouve ça drôle et ça nous fait un souvenir. C'est rigolo de voir réagir les gens autour d'une photo d'un plat ou d'une photo de nous quatre... C'est un outil génial, c'est cool de voir qu'il y a des gens qui suivent... On ne l'utilise pas assez mais c'est bien aussi de pas faire chier les gens avec ça pour éviter qu'ils se désabonnent.
C : Moi je suis de la génération Minitel, 3615GUNSOFBRIXTON !
La conversation se poursuit autour de nos 15 ans, du mag et des bières belges...
Merci aux Guns of Brixton et à l'équipe des 4 Ecluses toujours aussi sympathique !
Photos : Oli