Guns of Brixton - Inlandsis Guns of Brixton poursuit la route débutée avec Cap Adare et de la frontière entre terre et mer australe, on passe à ce gigantesque bloc de glace qui recouvre le continent, l'Inlandsis. Mais retire ta chapka et tes moufles car à l'écoute de ce nouveau voyage, si tu tremblottes, ce sera d'effroi ou d'émotion plus que de froid tant la musique des Normands nous enveloppent et créée une bulle protectrice autour de nous. Cette armure se construit tout au long d'"Hibakusha", ceux qui ont survécu aux bombardements atomiques commencent par nous cajoler avant de mieux nous faire supporter les attaques des riffs radioactifs, l'orientation post-rock adoptée par le combo est ici affirmée, les côtés dub et humoristiques sont eux abandonnés devant la gravité des propos pourtant souvent instrumentaux.

Passés l'oeuvre introductrice de plus de sept délicieuses minutes, on fait un petit tour en Germanie ("Du bist mir vollkommen egal") avec un peu plus d'agressivité de la part de la basse et des guitares mais ce n'est rien à côté du "Il ne restera que des silhouettes" aux textes hurlés et aux ambiances post-hardcore qui raviront les fans d'AmenRa et hérisseront les plus sensibles à ces érailleries sauvages accouplées aux mélodies épurées. Ce premier coup de griffe et de maître est suivi d'un deuxième, "Téphras" qui déboule toute distorsion au vent et fait grimper l'intensité de façon assez magique. Les flingues tirent là encore davantage dans la direction de Mogwai (pour ne citer qu'eux) que vers les Slash. Le "Retour du Japon" se fait avec véhémence et des rythmes appuyés, on sent un peu de rancoeur et une certaine envie d'en découdre... On retrouve les sonorités qu'affectionnent les Guns of Brixton face à la "Porte close", un petit gimmick de guitare, une batterie qui se met en place tranquillement et de nouveau un chant crié du plus bel effet (Amanda Woodward venait de Caen également...). La titre suivant est un leitmotiv entêtant, celui qui explique l'origine du nom du groupe, le sample des actualités des années 80 expliquant la situation à Brixton est porté par des instruments encore une fois très inspirés. L'étape suivante nous fait descendre au Sud et remonter un peu davantage le temps, à "Alger" on croise la mémoire d'un soldat et ses souvenirs de tortures sous fond d'accords tortueux et heurtés à moins que cela ne soit l'inverse...

Après un tel récit, une voix féminine reprend le dessus pour nous éclaircir les idées sans pour autant tomber dans une démagogie manichéenne, une voix masculine bien plus sombre jouant discrètement à noircir son tableau. Chef d'oeuvre encore. Inlandsis les enchaîne donc comme autant de perles de culture. Fin du voyage, retour sur "Terraform" où l'atterrissage est difficile, la bulle protectrice s'évapore, il va de nouveau falloir affronter le monde qui nous entoure. Un monde chargé d'Histoire et d'histoires, un monde où certains territoires sont encore vierges de la folie des hommes, un monde où le vent souffle sans autre obstacle que la nature, ces "8 minutes en Inlandsis" ne sont qu'une bouffée d'air frais avant de replonger dans l'univers glaçant des Guns of Brixton plus que jamais maîtres de leurs sujets.