Indus Indus > Godflesh

Biographie > La divine proportion

godflesh_promo.jpg Metal, indus, musique expérimentale, Godflesh, formation culte des années 90 est devenu en vingt ans une source d'inspiration et d'influence(s) inépuisable pour nombre de formations estampillées "metal" quelque soit leur notoriété. Flashback : Justin K.Broadrick naît en 1969 à Birmingham. Particulièrement précoce, la légende raconte qu'il enregistre son premier projet à l'âge de 12 ans sous le nom de Final. Quelques années plus tard, c'est de sa rencontre avec B.C. Green et Paul Neville en 1983 que naîtra l'une des collaborations les plus innovantes de l'histoire du metal. Intégrant dans un premier temps Fall of Because, Justin Broadrick participe à l'enregistrement de la démo Extirpate puis, deux années plus tard, intègre Napalm Death au poste de guitariste, avec lequel pour lequel il enregistre la seconde session de l'album Scum. Quelques semaines plus tard, Justin fait la connaissance des membres de Head Of David avec lesquels il enregistrera l'album Dustbowl.

Mais fort de son expérience déjà bien solide, Broadrick a en tête l'ambition de créer son propre projet musical. Influencé par Killing Joke, Suicide et surtout Throbbing Gristle, Justin cherche à trouver le point de convergence artistique entre ces différentes formations, le résultat devant sonner comme un 45 tours passé à la vitesse d'un 33. Pour ce faire, il reprend contact avec B.C. Green, réactive Fall of Because qui, très rapidement, devient Godflesh. Le duo enregistre un six titres éponyme distribué par Swordfish. Entre temps, quatre autres titres sont enregistrés mais, la petite structure ne pouvant se permettre le risque financier de les sortir, mais, impressionné par leur son, Dig Parson, boss du label Earache, décide de les signer.
Street cleaner est enregistré un an plus tard avec l'aide de Paul Neville, ancien de Fall of Because. Un album que d'aucun considèrent comme fondateur. Dans la foulée, Godflesh tourne en Europe en compagnie de Napalm Death avant de s'en aller envahir le continent nord-américain. 1991, le groupe enregistre l'EP Slateman puis l'album Slavestate et un split avec le groupe Loop pressé à quelques 1400 exemplaires. Lors de la tournée qui suit, Paul Neville décide d'arrêter les frais pour se consacrer à son projet Cable Regime. Robert Hampson (Loop) prend alors sa place et le nouveau trio met en boîte Cold world EP (1991) et l'album Pure (1992) avant de rejoindre son ancien acolyte de Loop, Scott Dawson au sein de Main. Broadrick consacre du temps à participer aux projets God et Ice. Le groupe reste en mode "off" jusqu'en 1994 et les enregistrement successifs de Merciless et Selfless, deux albums à la suite desquels, Goldflesh tourne aux côtés de Type O Negative, avant d'enregistrer Song of love and hate (1996), incorporant à cette occasion Brian Mantia au poste de batteur, même si celui-ci rejoindra rapidement Primus. Ted Parsons (Swans, Prong) le remplace alors que Godflesh se met en pause relative pendant deux années, Justin Broadrick se consacrant aux projets Final et Techno Animal. En 1999, Godflesh enregistre Us and them mais quitte Earache pour Music For Nations chez qui sortira Hymns en 2001, le dernier album du groupe. Un an plus tard, Green quitte Godflesh, son départ scellant la fin de l'histoire du groupe, qui malgré l'arrivée de Paul Raven (Killing Joke, Prong) en renfort est finalement sabordé par un Justin Broadrick désireux de développer de nouveaux projets musicaux : Jesu naissant ainsi quelques mois plus tard.

Dossier : Godflesh, Justin Broadrick, le stakhanoviste de Birmingham

Godflesh / Chronique LP > A world lit only by fire

Godflesh - A world lit only by fire En 2014, plus personne ne fait de métal indus comme quand le genre a émergé... Enfin, ça, c'était vrai jusque ce nouvel album de Godflesh ! Dans la galaxie des groupes fondateurs du style, bon nombre ont arrêté les frais et les survivants se sont plus ou moins éloignés de leurs racines... Remettons-nous un peu dans le contexte, en 1989, quand sort le Streetcleaner du duo anglais, Ministry envoie The mind is a terrible thing to taste, Skinny Puppy édite Rabies, NIN débute avec son Pretty hate machine et les Young Gods bidouillent L'eau rouge... Pendant une dizaine d'années, Godflesh sera brutal, s'immolera avec Hymns en 2001 avant de se réincarner en Jesu pour laisser reposer (tout est relatif !) l'artillerie très lourde. Mais c'était écrit, 2010 a vu la résurrection de Godflesh et quelques retours sur scène jusque cette fin d'année 2014 où un vrai nouvel album débarque : A world lit only by fire.

Un nouvel album fait avec de vieilles recettes, dans un très vieux pot et avec de vieux briscards... "New dark ages" ne dit pas le contraire, un "Nouvel âge sombre" s'offre à l'auditeur, comme si tout n'était qu'éternel recommencement. Et comme on prend les mêmes pour recommencer (Justin K.Broadrick et BC Green pour ceux qui n'ont rien suivi), on repart sur les mêmes bases qu'en 1988-1989 (si ce n'est que les prises, le mixage et la sortie sur son label sont désormais gérés par Broadrick himself). Riffs lents et lourds, saturés à l'extrême, larsens à tous les étages, voix trafiquées, rythmes binaires puissants et presque poussifs, pas de révolutions, pas de prises laissées au temps chez Godflesh qui prend un malin plaisir à nous donner ce qu'on attendait : un métal industriel brut, abrasif, loin d'une musique aseptisée et surproduite. Godflesh ne fait pas dans le détail plus que dans la dentelle, n'en a rien à foutre des finitions et des arrangements, le duo kiffe la martialité et laisse la construction de titres en relief aux amateurs de réflexions et de pinaillages à base d'amplitude et de spectre.

A world lit only by fire, c'est ton mal de crâne après une grosse biture, celui qui te bourdonne en tête et rend toute conversation impossible, c'est ton voisin qui perce ses murs pour accrocher ce qui te semble être une exposition entière de tableaux de maîtres, c'est le train de marchandises infini qui passe devant toi alors que tu es en retard... C'est ce genre de truc insupportable en temps normal mais ici, ton côté maso te le fait endurer encore et encore car, ce genre de riffs, ce son, ces ambiances, il n'y a que Godflesh pour les faire vivre comme un bonheur.

Godflesh / Chronique LP > Hymns

godflesh_hymns.jpg Souvent mésestimé, Hymns, dernier album de la discographie de Godflesh avant la mise à mort du groupe par Justin Broadrick himself, n'en est pas moins un excellent disque. Subjectivité quand tu nous tiens. Mais voilà, avant il y a eu Streetcleaner, Pure et Us and them et forcément, c'est toujours difficile de passer derrière ça. Mais pris indépendament, cet ultime effort du groupe anglais est un disque d'une puissance toujours aussi démentielle et les mélodies aussi éthérées qu'envoûtantes qui viennent s'y greffer viennent apporter un contrepoint inspiré à un disque qui n'a donc rien avoir avec un simple monolithe industriel. On en a l'habitude mais on ne s'y est jamais vraiment habitué. Et pour cause, chez Godflesh, l'ordinaire devient extraordinaire, on a beau s'y attendre, on reste scotché.
Guitares crachant des torrents de riffs en fusion, production énormissime (certains regretteront pourtant le son bien roots des débuts), geysers mélodiques, hurlements éruptifs, Godflesh arrose son "Defeated" de napalm, semant la mort un peu partout, jusqu'à nous plonger dans un état de catatonie aigüe. "Deaf, dumb and blind" débarque alors pour nous mettre le squelette en miette, le groupe anglais s'attaquant autant au corps qu'à l'esprit. Se livrant à une véritable séance de démolition métallique qui ébrèche autant la sphère psychique que les fonctions motricites. Après ce traitement de choc, on se retrouve littéralement "Paralyzed" et s'est l'esprit détaché du corps que l'on observe Godflesh parachever inexorablement son oeuvre. Les uppercuts sonores pleuvent, laissant derrière eux le champ libre aux mélodies vaporeuses d'"Anthem" ou "Voidhead". S'il est sans doute l'album le plus impersonnel du groupe, Hymns n'en demeure pas moins une foudroyante démonstration de maîtrise technique doublée d'arrangements finement ouvragés ("White flag", "Regal"). Mélange de violence sophistiquée et de sauvagerie torturée, hybride métal indus aux riffs apocalyptiques, un ensemble coulé dans un seul bloc de béton ("For life", l'énorme "Animals"), le groupe n'a strictement rien perdu de son impressionnante force de percussion. Brutalité abrupte et atmosphères vaporeuses font ici bon ménage, alors que le dernier morceau de l'album, "Jesu", ouvre dans ses dernières minutes de nouvelles perspectives harmoniques à ce qui sera la suite de Godflesh, (Jesu, NDLR)... livrant un ultime album en forme de catharsis métallique ultime en guise de seule épitaphe...

Godflesh / Chronique LP > Us and them

godflesh_us_and_them.jpg Entre les monuments que sont Streetcleaner, Pure ou Messiah et Hymns, il y eut Us and them, un album qui se démarque du magma métallique et industriel auquel on a été habitué chez Godflesh pour s'orienter quelque peu du côté des efforts de remixes enfantés par le groupe (Slateman wound EP notamment). Rythmiques électro-jungle, effervescence aux tendances dub/industrielle sur laquelle le groupe plaque quelques nappes métalliques discrètement omniprésentes, "I me mine" fait une entrée remarquée dans le cercle des titres les plus fulgurants de la discographie des anglo-saxons. Après une mise en jambe aussi étonnante, c'est à un retour aux fondamentaux de sa musique que Godflesh nous fait assister avec un "Us and them" nihiliste à souhait. Lourdeur incommensurable, vocaux habités par cette rage toute en retenue et ses grosses mines industrielles dont les anglais ont le secret, un groove dément, des ambiances psychotiques (l'étouffant "Witchhunt") et toujours cette griffe implacable. Massive, destructrice. Une marque de fabrique que les stakhanovistes du metal indus gravent encore une fois dans le marbre sans pour autant verser dans la redite. Bestial. Industriel, les géniteurs de Streetcleaner le sont indubitablement, mais "Endgame" laisse entrevoir quelques textures plus rock, habilement dissimulées derrière quelques riffs chirurgicaux qui viennent se greffer dans notre psychée, sans d'ailleurs que l'on n'ait demandé quoique ce soit. Avec cet album, Godflesh a laissé de côté les pamphlets monolitiques pour se laisser aller à quelques expérimentations drum'n bass/jungle/trip-hop aux sonorités hip-hop industrielles et à l'efficacité diabolique ("Whose truth is your truth"). Des gens comme Dälek peuvent aujourd'hui les remercier pour l'inspiration. Des beats qui s'entrechoquent, des sons qui s'emmêlent dans tous les sens, distorsion métallique, cautérisations des plaies ouvertes, Us and them se mue en une véritable forteresse musicale dont il est presque impossible de s'évader. Une prison mentale, que l'on ne pourra visiter, le groupe nous enfermant dans une cellule capitonnée afin d'étudier notre résistance à la démence sur le déviant "Defiled" ou encore "Control freak" et ses beats schizophréniques. Entrecoupant le tout de morceaux plus "classiques" ou tout du moins dans le plus pure style "made in Godflesh" ("Bitersweet", "Nail"), les anglais nous jettent en patûre des titres compacts et alertes avant de conclure cet album en apothéose avec les majestueux "The Internal" et "Live to Lose". Imprévisible et paradoxalement impeccablement cohérent, Us and them est assurément l'album le plus varié de la discographique du groupe de Birmingham, un disque doté d'une force de frappe éprouvante et d'ambiances toujours oppressantes, l'éclectisme en plus.

Godflesh / Chronique LP > Pure

godflesh_pure.jpg Pure... Etrange notion que celle de la pureté chez les anglais de Godflesh. Après le monstre Streetcleaner, la paire d'EP's Slateman/Slavestate et le maxi Cool world EP, voici que Justin K.Broadrick et ses camarades de jeu remettent le couvert avec un album à l'artwork parfaitement cohérent avec le contenu du disque : glacial, boueux, déviant et chaotique. Un peu de tendresse dans ce monde de brute ? Godflesh répond à la brutalité par la sauvagerie... Chacun sa méthode. Implacable et grandiloquent. "Spite" ouvre le feu et tout de suite, ça calme. Section rythmique ardente d'une précision métronomique, riffing diabolique, chant hargneux, le monolithe industriel se dresse devant nous, prêt à nous matraquer les neurones jusqu'à imposer définitivement sa loi. Niveau son, la prod est meilleure que Streetcleaner, mais le disque, jouant sur sa répétitivité, se révèle au moins aussi oppressant que son prédecesseur. Machine de guerre à la mécanique parfaitement huilée et aux lignes de guitares lancinantes à souhait Pure est de ces disques que l'on aime ou que l'on déteste. Il n'y a pas de compromis et c'est exactement ce que cherche le groupe ("Mothra"). Diviser pour mieux régner. Morceau d'anthologie, "Predominance" synthétise à lui seul l'essence de la musique de Godflesh.
Un son sursaturé qui va chercher l'émotion brute au plus profond de nos entrailles, une hydre industrielle aux riffs se régénérant d'eux-même à l'infini pour finir par prendre possession de notre être. Un monstre à la férocité sans nom (le vénéneux "Pure") bien décidé à en finir avec nous quoiqu'il en coûte. Le soleil disparaît, le ciel s'assombrit, s'ouvrant au-dessus de nos têtes, laissant apparaître l'imminence du chaos. Le sol se lézarde, l'enfer est à présent sous nos pieds, "Monotremata" nous entraîne dans des profondeurs abyssales, effluves mélodiques qui coulent le long des parois rocheuses comme de la lave en fusion annonciatrice d'une véritable éruption à venir. Le chaos est proche... Aux porte du royaume d'Hadès, au croisement du Styx et de l'Achéron, Godflesh déploie des instrumentations massives, insuffle une noirceur indicible à un ensemble d'une fascinante cohérence ("Love, Hate (Slugbaiting)"). Metal indus tellurique nappé de shoegaze rougeoyant, lourd, clinique, psychotique ("Baby blue eyes", "Don't bring me flowers"), le son "made in Godflesh" trouve ici son apogée. Jamais la science du rythme n'aura été aussi étudiée, rarement aura-t-on vu une telle machine de guerre aux rouages parfaitement huilés (à part Ministry et NIN sans doute...). Et pourtant l'évidence se pose là : Pure est une "master-piece" à la puissance émotionnelle rare ("Pure II"). Tympans sensibles et dépressifs chroniques s'abstenir.

Godflesh / Chronique LP > Streetcleaner

godflesh_streetcleaner.jpg Streetcleaner, rien que la simple évocation de cet album suffit à faire trembler les écoutilles de tout bon amateur de metal industriel qui se respecte, même quelques 20 ans après sa sortie. Un album de référence, un disque fondateur, mais surtout une oeuvre hybride à la noirceur extrême, palpable de bout en bout. Du martial "Like rats" au caverneux et oppressant "Suction", en passant par l'impacable "Christbait Rising" ou le claustrophobique "Dream long dead", c'est une véritable chape de plomb qui s'abat sur nos conduits auditifs encore sous le choc de la secousse sismique. Tellurique, le traitement administré par Godflesh est d'une rare puissance, aussi sonore que mentale. Une violence froide, une colère sourde engloutie sous des mégatonnes d'effets industriels, mais qui malgré tout, ne demande qu'à se libérer de ses liens pour éclater au grand jour. Si le groupe est sous influence (Justin K.Broadrick et ses compères citaient souvent Killing Joke), il n'en laisse rien transparaître tant son metal industriel hybride se nourri des backgrounds musicaux de chacun pour mieux en repousser les limites. Une arme non-conventionnelle aux effets dévastateurs ("Head dirt", le terrifiant "Devastator"). Une basse démente, des guitares discrètement asphyxiantes, un chant qui va chercher dans les tréfonds de ses tripes, cette rage brute trop longtemps entravée par les apparences, des rythmiques ultra-carrées venant damner le pion à un étalage de disto balancé à la face de l'auditeur sans la moindre retenue, Godflesh chercher à engendrer quelque chose d'inédit. Un renouveau musical qui vient briser les certitudes d'un confort artistique qui, n'en déplaise à certains, pousse forcément à tourner en rond... De fait, l'effrayante mécanique se met en place, l'auditeur une fois entré dans son univers, le groupe ne le lâchera plus. Le style "Godflesh" se pose là et sera désormais aisément identifiable. Un magma sonore underground qui s'empare inexorablement de notre être en s'immisçant irrémédiablement par tous les pores de notre peau, un irrépressible frisson d'effroi qui parcourt notre épiderme, le sol qui semble se lézarder sous nos pas ; et "Mighty trust krusher" vient parachever l'oeuvre des anglais. On croit entrevoir un début d'échappatoire avec l'ironique "Life is easy". Il n'en sera rien, Godflesh enfonce le clou au plus profond de notre chair, assénant les coups encore et encore jusqu'à nous rendre complètement addict. Les morceaux se suivent et s'enchevêtrent les uns aux autres jusqu'à ne plus former qu'un tout indivisible, un ensemble où l'indus organique des anglais se révèle aussi aliénant qu'hypnotisant (le monstrueux "Streetcleaner", le massif et dément "Tiny Tears"). Ce disque se fait l'écho d'une apocalypse sous-jacente, dépeint un paysage fait de désolation et chaos absolu et inspirera bon nombre de formations majeures bien des années plus tard (Fear Factory, Isis et Treponem Pal entre autres...). Plus qu'un disque, Streetcleaner est une véritable expérience sensorielle ("Wound", "Dead head") et jusque-boutiste dont on ne peut ressortir idemne. Suffoquant.