godflesh_us_and_them.jpg Entre les monuments que sont Streetcleaner, Pure ou Messiah et Hymns, il y eut Us and them, un album qui se démarque du magma métallique et industriel auquel on a été habitué chez Godflesh pour s'orienter quelque peu du côté des efforts de remixes enfantés par le groupe (Slateman wound EP notamment). Rythmiques électro-jungle, effervescence aux tendances dub/industrielle sur laquelle le groupe plaque quelques nappes métalliques discrètement omniprésentes, "I me mine" fait une entrée remarquée dans le cercle des titres les plus fulgurants de la discographie des anglo-saxons. Après une mise en jambe aussi étonnante, c'est à un retour aux fondamentaux de sa musique que Godflesh nous fait assister avec un "Us and them" nihiliste à souhait. Lourdeur incommensurable, vocaux habités par cette rage toute en retenue et ses grosses mines industrielles dont les anglais ont le secret, un groove dément, des ambiances psychotiques (l'étouffant "Witchhunt") et toujours cette griffe implacable. Massive, destructrice. Une marque de fabrique que les stakhanovistes du metal indus gravent encore une fois dans le marbre sans pour autant verser dans la redite. Bestial. Industriel, les géniteurs de Streetcleaner le sont indubitablement, mais "Endgame" laisse entrevoir quelques textures plus rock, habilement dissimulées derrière quelques riffs chirurgicaux qui viennent se greffer dans notre psychée, sans d'ailleurs que l'on n'ait demandé quoique ce soit. Avec cet album, Godflesh a laissé de côté les pamphlets monolitiques pour se laisser aller à quelques expérimentations drum'n bass/jungle/trip-hop aux sonorités hip-hop industrielles et à l'efficacité diabolique ("Whose truth is your truth"). Des gens comme Dälek peuvent aujourd'hui les remercier pour l'inspiration. Des beats qui s'entrechoquent, des sons qui s'emmêlent dans tous les sens, distorsion métallique, cautérisations des plaies ouvertes, Us and them se mue en une véritable forteresse musicale dont il est presque impossible de s'évader. Une prison mentale, que l'on ne pourra visiter, le groupe nous enfermant dans une cellule capitonnée afin d'étudier notre résistance à la démence sur le déviant "Defiled" ou encore "Control freak" et ses beats schizophréniques. Entrecoupant le tout de morceaux plus "classiques" ou tout du moins dans le plus pure style "made in Godflesh" ("Bitersweet", "Nail"), les anglais nous jettent en patûre des titres compacts et alertes avant de conclure cet album en apothéose avec les majestueux "The Internal" et "Live to Lose". Imprévisible et paradoxalement impeccablement cohérent, Us and them est assurément l'album le plus varié de la discographique du groupe de Birmingham, un disque doté d'une force de frappe éprouvante et d'ambiances toujours oppressantes, l'éclectisme en plus.