godflesh_streetcleaner.jpg Streetcleaner, rien que la simple évocation de cet album suffit à faire trembler les écoutilles de tout bon amateur de metal industriel qui se respecte, même quelques 20 ans après sa sortie. Un album de référence, un disque fondateur, mais surtout une oeuvre hybride à la noirceur extrême, palpable de bout en bout. Du martial "Like rats" au caverneux et oppressant "Suction", en passant par l'impacable "Christbait Rising" ou le claustrophobique "Dream long dead", c'est une véritable chape de plomb qui s'abat sur nos conduits auditifs encore sous le choc de la secousse sismique. Tellurique, le traitement administré par Godflesh est d'une rare puissance, aussi sonore que mentale. Une violence froide, une colère sourde engloutie sous des mégatonnes d'effets industriels, mais qui malgré tout, ne demande qu'à se libérer de ses liens pour éclater au grand jour. Si le groupe est sous influence (Justin K.Broadrick et ses compères citaient souvent Killing Joke), il n'en laisse rien transparaître tant son metal industriel hybride se nourri des backgrounds musicaux de chacun pour mieux en repousser les limites. Une arme non-conventionnelle aux effets dévastateurs ("Head dirt", le terrifiant "Devastator"). Une basse démente, des guitares discrètement asphyxiantes, un chant qui va chercher dans les tréfonds de ses tripes, cette rage brute trop longtemps entravée par les apparences, des rythmiques ultra-carrées venant damner le pion à un étalage de disto balancé à la face de l'auditeur sans la moindre retenue, Godflesh chercher à engendrer quelque chose d'inédit. Un renouveau musical qui vient briser les certitudes d'un confort artistique qui, n'en déplaise à certains, pousse forcément à tourner en rond... De fait, l'effrayante mécanique se met en place, l'auditeur une fois entré dans son univers, le groupe ne le lâchera plus. Le style "Godflesh" se pose là et sera désormais aisément identifiable. Un magma sonore underground qui s'empare inexorablement de notre être en s'immisçant irrémédiablement par tous les pores de notre peau, un irrépressible frisson d'effroi qui parcourt notre épiderme, le sol qui semble se lézarder sous nos pas ; et "Mighty trust krusher" vient parachever l'oeuvre des anglais. On croit entrevoir un début d'échappatoire avec l'ironique "Life is easy". Il n'en sera rien, Godflesh enfonce le clou au plus profond de notre chair, assénant les coups encore et encore jusqu'à nous rendre complètement addict. Les morceaux se suivent et s'enchevêtrent les uns aux autres jusqu'à ne plus former qu'un tout indivisible, un ensemble où l'indus organique des anglais se révèle aussi aliénant qu'hypnotisant (le monstrueux "Streetcleaner", le massif et dément "Tiny Tears"). Ce disque se fait l'écho d'une apocalypse sous-jacente, dépeint un paysage fait de désolation et chaos absolu et inspirera bon nombre de formations majeures bien des années plus tard (Fear Factory, Isis et Treponem Pal entre autres...). Plus qu'un disque, Streetcleaner est une véritable expérience sensorielle ("Wound", "Dead head") et jusque-boutiste dont on ne peut ressortir idemne. Suffoquant.