Indus Indus > Gnaw

Biographie > Rahhh gnaw gnaw (prononcer "nia")

Formé en 2006 à l'initiative d'Alan Dubin (ex-Khanate, Old), Gnaw regroupe Jamie Sykes (ex-Burning Witch, Atavist), Carter Thornoton (Enos Salughter), Jun Mizumachi et Brian Beatrice. Autant de noms qui n'évoqueront pas forcément grand chose à la plupart des lecteurs mais qui, pour les spécialistes de musique "extrème", parleront forcément. Entité oeuvrant dans un registre doom industriel apocalyptique, le groupe s'affiche comme la somme des talents et backgrounds respectifs de ses membres, dans le seul but de repousser des limites musicales qui flirtaient déjà avec les limites de l'inconscience. En 2008, le groupe paufine dans son coin un premier méfait musical. Au début de l'année suivante, celui-ci, intitulé This face, débarque dans les bacs via Conspiracy Records, label de référence en matière de musiques non-conventionnelles (Fear Falls Burning, Monno, Nadja, Taiga, Transitional...)

Review Concert : Gnaw, Gnaw + The March + Rorcal au détour (oct. 2010)

Gnaw / Chronique LP > This face

Gnaw - This face Premier acte : "Haven volt". On n'a même pas le temps de se poser confortablement que c'est à un véritable mur de son(s) qu'on se heurte, ce alors même que le premier titre de This face n'a pas encore réellement débuté. Un déluge ambient industriel, une ambiance malsaine, oppressante, et des hurlements qui ne font qu'accroître cette atmosphère qui prend au tripes... Une véritable torture auditive. L'agression sonore a un nouveau nom : Gnaw. Quatre lettres pour un disque en forme de Némésis musicale. Un chaos bruitiste orchestré par une alliance de musiciens rompus aux codes du genre, des spécialistes ès trépanation cérébrale. This face ? Direct dans ta face oui. Déjà, avec un ex-Khanate aux commandes et notamment un ex-Burning Witch/Atavist dans les rangs, difficile de s'attendre à autre chose qu'à une dérouillée auditive infligée comme il se doit. Chronique d'une séance d'équarrissage sonore annoncée, ce disque n'a donc définitivement rien d'un album quelconque. Lorsque s'avance le deuxième acte de ce manifeste doom noise indus apocalyptique, on recommence à serrer les dents. Bruxisme forcené, catharsis déviante, la musique de Gnaw prend la forme d'un véritable thésaurus d'autodestruction mentale conduisant l'auditeur vers les prémices de l'aliénation. Il y a là une forme de jusque-boutisme artistique extrême qui conduit le groupe a démembrer métaphoriquement son auditeur pour l'asservir à sa cause. "Talking mirrors" brutalise nos tympans, les sature, les liquéfie afin d'annihiler la ligne de démarcation qui sépare l'équilibre de la démence. La frontière entre fascination et répulsion est réduite à néant. Si l'on décidait de s'essayer à l'analyse, on dirait que le groupe, en se jouant de cette antinomie, met l'auditeur face à ses incertitudes, le forçant de fait à opérer une profonde remise en question de son mode d'appréhension de la musique. Basses lourdes, rythmiques implacable, l'effroyable mécanique sonore est en marche et les cinq membres de Gnaw sont désormais les seuls à pouvoir entraver sa marche en avant. Dans ce contexte, des titres comme "Feelers" (7'33" d'un enfer musical...) ou "Backyard frontier" ébrèchent un peu plus les conduits auditifs, laminent les membranes dans le seul et unique but de combler nos besoins autodestructeurs. Des éléments musicaux qui se déchaînent puis se désagrègent devant nous ("Wasted", "Shard"), ça dure comme ça quelques cinquante minutes et on ne peut en ressortir indemne. En première ligne pour assister à l'avènement d'un projet unique dont le seul but est de cautériser nos plaies béantes à l'acide, on est soumis à un traitement de choc particulièrement hard. On n'a même plus mal puisqu'on ne sent plus rien ("Watcher"), c'est là du reste un peu l'idée qui conduit à se laisser enfermer au coeur de This face avant de pratiquer l'autopsie à vif de ce disque à la fois, brutal, complexe et labyrinthique. Dans les méandres d'une entité musicale mouvante et définitivement imprévisible tant sur sa forme que dans son fond, Gnaw livre ici une oeuvre qui assouvit une fois pour toutes nos pulsions masochistes. A réserver à un public très averti.