Fragment. - Temporary enlightenment S'il s'est un peu calmé sur le rythme de productions ces dernières mois (un an et demi se sont écoulés entre Home et Temporary enlightenment présentement décrypté) Thierry A. aka Fragment. n'en a pas chômé pour autant. Et s'il se change artistiquement les idées avec d'autres projets dont on ne devrait pas tarder à entendre parler, il a aussi mis énormément de soin dans l'écriture, la production comme le mixage du nouvel opus de son projet solo de toujours, sorti comme le précédent par le biais de la très indépendante et pointue mini-maison de disques francophone OPN Productions (Lambwool, Sigma Octantis...).

La preuve avec un "Cast out" inaugural qui s'élève dès les premières secondes dans la stratosphère ambient/drone/shoegaze avant de "retomber" lourdement sur ses riffs post-industriels et aux confins du sludge de par leur puissance pachydermique imposante. On évacue le sujet en l'évoquant une fois et ce serait fait, oui, cela peut et cela fait inévitablement penser à Jesu (et un peu à Godflesh). Mais Fragment. parvient comme souvent (voire toujours) à exister par lui-même. Même si les voix trafiquées comme les sentiers sonores empruntés renvoient aux travaux de Justin Broadrick, le projet frenchy réussit à ne pas être qu'un vulgaire clone. Constructions cycliques, expressions mélodiques omniprésentes, des teintes (post)métalliques qui surgissent ci et là, une approche que l'on pourra parfois qualifier de slowcore/ambient/indus ("Rituals"), Temporary enlightenment est la synthèse des obsessions créatives de son auteur, un disque sur lesquels viennent tantôt se poser une guitare aventureuse ("From this moment"), des nappes de synthés atmosphériques, cette voix, empreinte de mélancolie résignée (le très beau "Just for today") et un double visage, lancinant ("Shield"), heavy-doom/shoegaze ("The last embrace") que l'on qualifiera de magmatique.

On suit le cheminement de Fragment. à travers cet album qui parvient avec soin à éviter l'écueil de la redite subie et on se retrouve alors devant le climax qu'est Cold monsters. Une pièce qui réunit tout ce qu'est le one-man-band piloté par Thierry A. sur quelques 9'30 d'une odyssée sonore jouant de sa répétitivité volontaire (ce qui est très différent de la "redite subie") pour boucler sa boucle musicale sur un deuxième titre-fleuve consécutif ("Hide"). A l'image de cet album qui ne s'écoute pas sans nécessiter au préalable un léger effort d'immersion. 72 minutes de cet ambient/drone/shoegaze/post-quelque chose ne s'appréhendant pas comme ça, par le néophyte. Mais avec un peu de travail sur soi, le voyage mérite largement le fait de se sortir de sa zone de confort personnelle.