Projet du musicien allemand Christoph Berg fondé en 2008, Field Rotation est devenu en l'espace de quelques cinq années l'une des références européennes en matière d'ambient, forcément un peu cloisonné dans un espace d'expression réduit en termes d'audience, mais une sphère musicale ayant le bon goût de posséder un joli noyau d'adeptes fidèles. En quelques œuvres remarquées, on pense notamment à And tomorrow I will sleep ou Acoustic tales sortis en CD chez le très indépendant et confidentiel Hibernate Recordings (Talvihorros) et réédité depuis, comme le reste de sa discographie en LP chez l'incontournable Denovali Records.
Fatalement. A l'image du titre de son dernier-né, Field Rotation devait bien arriver un jour dans les pages du W-Fenec. Et le fait du reste avec un album qui d'entrée emmène l'auditeur à travers les paysages désolés mais lumineux de "The uncanny", tel un explorateur sonore des temps modernes, défricheurs de territoires ambient aux densités hypnotiques. Une visite en surface avant la plongée vers l'intime et une "Valse fatale" qui jongle entre ambient narcoleptique hanté par la voix d'une certaine Mari Solaris et sa réponse au violoncelle (signée Aaron Martin) parsemée de drones obsédants. On se laisse alors bercer, naviguer aux gré des sphères musicales visitées : ambient, drone ou neo-post-classique, Field Rotation transforme tout ce qu'il touche en pépite sonique.
Et alors que la descente jusqu'au plus profond de l'œuvre de Christoph Berg se poursuit, se faisant parfois plus menaçante, insidieuse, sinon ombrageuse ("Fatalist"), la finalité est de parvenir quelque chose ressemblant à une douce mais inquiétante quiétude. Ultime paradoxe émotionnel dont Field Rotation se joue en brouillant les pistes ("History (Fragment)", "The repetition of history"), faisant en sorte que celles-ci s'entremêlent pour perdre volontairement l'auditeur dans le labyrinthe qu'il lui a construit. Un véritable dédale introspectif au sein duquel il se trouve face à lui-même. Et à l'œuvre d'un sculpteur d'espaces sonores qui s'offre avec la dernière piste de l'album, une ultime pirouette avec l'émouvant "The history of repetition". Pour un résultat à la beauté troublante, magnétique, à la fois claire et obscure ; un disque d'ambient qui n'en est pas complètement, ou pas simplement. Ou tout simplement bien plus que ça jusqu'à en devenir un petit bijou du genre. Réellement bluffant.