Fear Falls Burning

Biographie > Vintage guitar drones

Masami Akita is Merzbow, Trent Reznor is Nine Inch Nails, alors Dirk Serries est Fear Falls Burning. Ce prolifique (on y revient) musicien belge, qui a notamment participé au projet Continuum aux côtés de Steven Wilson (Porcupine Tree), décide à l'hiver 2005 de retourner aux fondements de ce qu'il aime dans la musique en produisant quelque chose de plus en adéquation avec ses aspirations musicales. Moins de trois ans plus tard, Fear Falls Burning compte à son actif pas moins d'une petite vingtaine de sorties discographiques dont 9 pour la seule année 2006. C'est ce qu'on appelle être prolifique. D'albums (He spoke in dead tongues en 2005 ou ) en splits vinyles et autres collaborations diverses (avec Nadja et Final, le projet de Justin K.Broadrick (Jesu, Godflesh notamment) généralement parus sur Tone Float (Kingfisher Sky) ou Conspiracy Records (Growing, Thrones, Nadja, MGR), Fear Falls Burning a, en seulement trois ans d'existence, déjà apposé sa marque sur la scène underground européenne.

Fear Falls Burning / Chronique LP > Disorder of roots

Fear Falls Burning - Disorder of roots Au départ il y avait Frenzy of the absolute, supposé dernier chapitre de la trajectoire musicale atypique de Fear Falls Burning, ce projet très personnel et très expérimental du prolifique Dirk Serries. Ça, c'était en 2008 et cette entité semblait être, selon les voeux de son créateur, parvenu à son "terme", après tout de même une petite vingtaine de productions... en trois ans seulement. Puis, le très pointu Tonefloat Recordings (Bass Communion, Final, Vidna Obmana...) se mit en tête de rééditer plusieurs des oeuvres de FFB, jusqu'à susciter un intérêt grandissant (c'est quand même le genre de trucs que l'on ne découvre pas sans s'y être au préalable un peu préparé) et donner envie à Dirk Serries de lui donner une conclusion digne de ce nom.

Exigence et profondeur de champ dans l'écriture de ses compositions : Fear Falls Burning manie l'ambient comme un horloger règle ces montres. Millimitré, chirurgical même s'il n'en donne pas toujours l'impression, l'air de pas vraiment y toucher. Sur le premier quart d'heure de l'album, qui tient sur une seule et même piste, "The roots of rebellion", il développe une musique portant la marque d'un esprit autrefois torturé mais désormais plus apaisé. Plus conscient sans pour autant être résigné. Et si le titre du morceau évoque quelque chose d'assez punk dans l'âme, rien ne transparaît à l'écoute de ces quinze minutes et quatorze secondes d'une symphonie ambient parsemée de quelques mouvements de cymbales, manifestations percussives d'une première piste sonore voulant maintenir son auditeur dans un état d'éveil semi-conscient, une torpeur narcoleptique que vient prolonger la suite immédiate de cette pièce inaugurale : "Virtue of the vicious".

Disorder of roots est ainsi une oeuvre qui prend peu à peu, volontairement ou pas, l'apparence d'un bande-son de film, celle d'un long-métrage en forme de road-trip erratique dont on imagine la bobine se dérouler sous nos yeux. En témoigne le très beau et languissant "Chorus of dissolution" qui parvient à rendre la musique de FFB plus "accessible" qu'à l'accoutumée. On nage presque dans des eaux post-rock et ces volutes ambient évanescents qui enveloppent alors l'auditeur "ne font" qu'accroître inexorablement ce sentiment d'abandon qui s'immisce peu à peu en lui. On se dirige alors vers une longue mais envoûtante sortie de scène en forme d'apothéose cotonneuse et c'est là que l'on se souvient qu'au casting du "backing band" entourant Dirk Serries sur ce Disorder of roots, on trouve Frank Kimenai (Anaphylactic Shock), Phil Petrocelli (Jesu, Jarboe), Tim Bertilsson (Switchblade), Magnus Lindberg (Cult Of Luna) et Michiel Eikenaar (Nihill), soit quelques éminents spécialistes ès musique(s) d'écorchés vif. Mais pas que évidemment... même si du coup, il n'est plus si surprenant d'être complètement retourné par l'effrayant final de l'album. Cet "I provoke disorder" vénéneux et lardé de fulgurances black metal assez insoutenables pour le non-initié. Effet garanti et rupture radicale avec les atmosphères des épisodes précédents, un petit twist final osé certes mais à l'image du maître d'oeuvre de Fear Falls Burning : insaisissable.

Fear Falls Burning / Chronique LP > I'm one of those monsters numb with grace

FFB - I'm one of those monsters numb with grace Au mois de mars sortaient simultanément deux rééditions mini-LP digisleeve d'albums signés Fear Falls Burning, enrichissant par la même occasion une discographie pour le moins... imposante. L'excellent The carnival of ourselves et donc ce I'm one of those monsters numb with grace faisant l'objet de la présente chronique. Quoi de neuf chez FFB ? Pas grande chose de réellement révolutionnaire. Les familiers de l'oeuvre de Dirk Serries seront aux anges, les autres resteront toujours circonspects à l'écoute du drone neurasthénique et interminable que dévoile cet album le temps de trois plages qui prennent bien soin de s'étendre sur la durée. "I'm one of those monsters numb with grace I" : 19 minutes 50... ok pas mal, "I'm one of those monsters numb with grace II" : 19'31"... ah petite faiblesse du garçon et là bim "Dead wisdom" pour quelques 34 minutes et très précisément 22 secondes d'expérience sensorielle absolument indescriptible. Une curiosité à découvrir, un cauchemar à chroniquer. Quoique pas tant que ça.
Enfin si quand même un peu. Car sur la première piste audio du disque, on a quand même l'impression de se prendre un seul et même accord dans les gencives, celui-ci laissant s'écouler la réverbération autours de lui pendant une petite vingtaine de minutes. A trop vouloir étirer le temps, Fear Falls Burning se montre cette fois un peu moins inspiré que sur des disques de la trempe de The carnival of ourselves ou Frenzy of the absolute. Pourtant c'est sur le deuxième titre que I'm one of those monsters numb with grace prend tout son sens, Dirk y emmenant l'auditeur jusqu'aux frontière de l'ennui, jusqu'à cette limite quasiment imperceptible, qui nous plonge dans un état second avant de flirter avec le post-rock le temps d'un second morceau d'une rare élégance. Une vraie réussite. On se laisse happer pour ces courants musicaux qui lentement, inexorablement nous emmènent errer sans fin dans les méandres du mouvement drone et le pire, c'est qu'on en redemande. Sans fin, c'est un peu l'impression qui ressort de la plongée apnéique que s'offrira l'auditeur dans "Dead wisdom". Une longue hallucination sonique qui cadre parfaitement avec les deux autres pistes audio de cet album psychotrope et nébuleux. A la fois classe, intrigant et hypnotique.

Fear Falls Burning / Chronique LP > The carnival of ourselves

FFB - The carnival of ourselves Sorti uniquement en vinyle au cours de l'année 2006 (dans une édition aujourd'hui épuisée), The carnival of ourselves se voit réédité en ce premier trimestre 2009 par le biais d'une édition CD livrée dans un digisleeve classieux et élégant via Tone float Recordings, un label néerlandais connu des spécialistes pour abriter quelques uns des plus fascinants représentants des musiques drones/ambient/psyché expérimentales et underground (Anja Garbarek, Kingfisher Sky, Sand Snowman, les side-projects de Steven Wilson - Porcupine Tree...). Drone, le mot est lâché. S'il excite l'épiderme des uns, il intrigue et/ou rebute les autres qui voient là une musique narcoleptique, inutilement languissante, stérile et inspide, en clair : chiante à mourir. Ce qui n'est pas forcément faux... De nappes interminables en éloges bruitistes du néant absolu, de circonvolutions nombrilistes en simili crescendo noisy égocentriques, il est vrai que parfois, on peut se perdre en navigant à vue au coeur du mouvement drone. D'autant que l'une des caractéristiques particulières du genre et de livrer des albums composé de deux/trois plages maximum, pour une grosse heure de musique et ce, à raison de 5/6 sorties par an. Pour faire court, c'est rapidement roboratif et ce n'est pas forcément facile d'accès. Pas du tout même.
Mais pour qui exerce sa curiosité à affronter, on ne pourra que conseiller le projet Fear Falls Burning. Car s'il n'est pas du tout le plus accessible, il est assurément le plus riche, le plus soigné des projets drone, ne serait-ce parce qu'il ne se limite jamais à un quelconque genre précis et se laisse volontiers aller à expérimenter son art au sein des courants noise, ambient et indus, parfois même avec une petite touche doom. En témoigne notamment les collaborations avec Nadja ou des membres de Switchback et Cult of Luna (sur l'album Frenzy of the Absolute). Une richesse qui offre le luxe à Dirk Serries, architecte et maître d'oeuvre du projet, de pouvoir mettre sa très grande productivité au service d'un renouvellement artistique perpétuel. Ici, exit les nappes noise saturées, "The carnival of ourselves part I" est une première piste languissante et lumineuse, qui fait traverser à l'auditeur, un univers étrang et, diaphane aux progressions aussi énigmatiques qu'hypnotisantes. L'idée directrice est apparemment ici de nous enfermer dans une sorte de réalité parallèle, un univers fait d'ellipses musicales au caractère pourtant obsédant. Si l'on reste un peu sceptique, on ne peut s'empêcher d'en demander plus. La plage suivante a pour titre... "The carnival of ourselves part II" (c'est d'une logique implacable...). Et poursuit son cheminement "narratif" vers quelque chose de tout aussi indescriptible mais plus sûrement ambient. Expérimental, mais soigné, lunaire et cohérent, Fear Falls Burning brouille ici les genres, instille en nous un sentiment de trouble dont il est difficile de se départir. Si les deux premières pistes et donc quarante premières minutes de The carnival of ourselves ne forment qu'un tout extrêmement uni, la suite et fin laisse entrevoir quelque chose de différent. Plus noise, plus sombre et tortueux, "And the land torn down" se meut à travers les méandres d'une musique plus lunatique, semblant céder progressivement à ses penchants les plus noirs. Evidemment on est encore loin d'un drone doom dépressif, puisque l'on s'arrête avant d'attendre ce seuil mais déjà, Fear Falls Burning, en plus d'offrir un album soigné, laisse entrevoir de nouvelles pistes à explorer quant à l'évolution, ou plus les évolutions de sa musique. Classe.

Fear Falls Burning / Chronique Split > Fear Falls Burning | Nadja

Split Nadja | Fear Falls Burning Entités parmi les plus prolifiques de petit monde des musiques expérimentales, Nadja et Fear Falls Burning ont, à l'image d'un Merzbow ou d'un Justin K.Broadrick (ex-Godflesh, Jesu, Final, J2), un rythme de sorties particulièrement élevé et donc compliqué à suivre à moins de ne cibler que cette scène musicale. A raison d'un album, EP ou split par trimestre en moyenne, les canadiens Aidan Baker et Leah Buckareff d'une part, le belge Dirk Serries d'autre part ont grandement contribué au développement d'une scène musicale certes, underground, mais foisonnante. La logique artistique supposant un rapprochement évident, il n'était pas surprenant qu'après une première collaboration en 2006 (We have departed the circle blissfully), les deux entités remettent le couvert près d'un an plus tard (via Conspiracy Records) à l'occasion de ce split éponyme composé de 4 morceaux pour une grosse heure de musique.
Entre le premier (Nadja) qui écrase ses compositions d'une saturation monolithique sans appel et le deuxième (FFB) qui se pose en contre-emploi pour édifier des structures musicales plus atmosphériques, ce split est la synergie évidente entre lourdeur incommensurable et délicatesse subtile. Une oeuvre bicéphale où quand l'un s'enfonce dans les abysses, l'autre lui répond par des envolées lumineuses. De crescendo telluriques et rampants assourdissant l'atmosphère en douces plages de plénitude narcoleptique, le climat musical de cet opus est celui de l'ambivalence entre espoir et résignation (ou l'inverse), constat très actuel d'un monde au bord de la rupture... Mais au-delà de cette simple dualité musicale, Nadja et Fear Falls Burning propose ici une oeuvre en quatre chapitres, du reste sans titre, qui transcendent au passage leurs propres univers artistiques respectifs. Drone électrifié, ambient industriel, doom brumeux, les sous-genres fusionnent, libérant ici une musique à l'aura unique, fruit de l'association quasi naturelle de deux entités musicales antagonistes et paradoxalement complémentaires. Les amateurs du genre devraient apprécier...

Fear Falls Burning / Chronique LP > Frenzy of the absolute

fear_falls_burning_frenzy_of_the_absolute.jpg 3 morceaux seulement, pour une plongée en apnée de 53 minutes et des poussières dans un univers musical labyrinthique et oppressant, Frenzy of the absolute n'est pas un énième album d'ambient/drone industriel mais se vit plutôt comme une véritable expérience sensorielle. Nappes saturées, atmosphères post-chaotiques, magma sonore énigmatique, le premier titre (éponyme) nous emmène dans un univers à la fois inquiétant et fantasmagorique, parfois effrayant, parfois plus apaisant. Un peu comme si Dirk Serries avait voulu endormir la confiance de son auditeur avant de le plonger dans les profondeurs abyssales des entrailles de la Terre. Les nerfs à vif, on se laisse convaincre par cet étrange ensemble monolithique, qui évoque subrepticement les oeuvres de Earth, Boris ou Godflesh. Caverneux, Fear Falls Burning s'est entouré notamment de quelques invités de marque (deux membres de Cult of Luna, un de Switchblade) et déploie des instrumentations toujours plus tortueuses et écrasantes, qui nous conduisent vers des contrées inhospitalières dont on ne sait si l'on pourra en revenir. La paranoïa est latente, le rupture mentale imminente. La frontière entre la raison et la folie n'a jamais été aussi fine. "He contemplates the sign", quelques fulgurances surraigües qui viennent transpercer de part en part les nappes de brouillard drone/ambient industriel, la musique se fait plus opprimante et orageuse, nous laissant toujours sur le qui-vive, appréhendant la suite avec une angoisse sourde qui commence à nous vriller les entrailles. Jusque-boutiste, le concept Fear Falls Burning mérite une certaine ouverture d'esprit tant Dirk Serries ne cherche aucunement à enchanter l'auditeur mais plutôt à l'enfermer dans une gangue de plomb, une cellule capitonnée, sans espoir d'en sortir un jour... Un enfer psychiatrique, chargé en réverb, des textures indus froide et cliniques, le docteur Jekyll cherche à posséder l'âme de son Hyde, mais celle-ci parvient à se libérer des liens qui l'entravait pour errer sans but, l'appétit féroce et carnassier à la recherche de sa prochaine proie sur le lunaire "We took the deafening murmer down" . Schizophrénique, Frenzy of the absolute est un disque cathartique qui ne nous accorde aucune seconde de répit, une oeuvre singulière et exigeante à réserver aux initiés, mais que l'on ne saurait que trop conseiller aux inconditionnels des musiques "expéri-mentales".