After us + Jail + Lily on the Valley : soit 3 albums couchés sur deux disques (et trois vinyles) composant l'intégrale "discographique" du projet The Eye of Time à ce jour, le tout livré par le décidément incontournable Denovali Records (que l'on ne présente plus dans ces pages). Question presque existentielle : doit-on considérer ces trois entités comme autant d'albums indépendants ou plus "simplement" comme les trois mouvements d'une même anthologie ? Une somme d'individualités parfaitement indivisibles et interdépendantes. La réponse appartient à Marc E. : architecte d'un projet à l'ambition artistique dont la démesure artistique n'a d'égale que la maîtrise de son sujet...
"L'être humain a été dépossédé de ses possibilités d'aventure et d'expérimentation que l'existence est censée lui donner. Nous laissons l'humanité s' obscurcir et s'éteindre car nous ne prenons pas de risques.", nous dit-on en préambule... et l'intro à la mécanique d'horlogerie redoutable d'After us nous fait pénétrer un univers atypique aux textures industrielles et électroniques d'une rare densité. En témoigne le premier "vrai" morceau de "l'album" : "I hate your fucking eyes". On n'en saura pas plus mais le ton est donné, entre ambient ombrageux ("Time is watching me"), trip-hop organique, dub/electronica ("My hate is a gun, see the smile on my face") et doomjazz parsemé de saturation (l'éponyme "After us"), avec quelques passages d'influence clairement (neo)classique, The Eye of Time livre un premier jet nécessitant une belle petit dizaine d'écoutes afin d'en saisir le quart de la moitié des subtilités qu'il recèle. Soit le préambule d'une oeuvre à la richesse incomparable et une collection de morceaux marqués par une inventivité en effervescence permanente. L'immersion sans filin ne relève dès lors plus que de l'évidence.
Il y a chez leur auteur une forme de résignation, de nihilisme face à un environnement immédiat tellement oppressant, déliquescent, qu'il nécessite cette forme d'expression comme refuge et en même temps exutoire. Paradoxalement, si les compositions n'exhalent pas cette violence psychologique que l'on sent contenue ("Don't cry little child, don't watch your future life, you won't survive it... Don't look down!"), elles s'enfoncent parfois dans les abîmes d'une âme déchirée, les profondeurs abyssales d'un territoire sonore sur lequel les tourments de l'auteur viennent hanter l'auditeur ("Birds and lands", "My hope took the road"), avant que "What am I less? What took the road" ne vienne définitivement sublimer cet After us. On n'a encore découvert que le tiers de ce triple album discographique éponyme que l'on est déjà submergé par des émotions contradictoires. Entre hypothétique espoir bien lointain et renonciation immédiate, froidement lucide, le jeu de contrastes est assez saisissant de part sa subtilité comme son intensité émotionnelle, et "Away and lost, I cry the error" ne fait "que" confirmer cette impression de plus en plus latente, jusqu'à une "Outro" qui nous laisse chancelant, encore sonné par l'écho qu'a suscitée la musique de The Eye of Time en nous.
Une fois passée la première heure de musique que constitue After us, on change de disque (littéralement) et on se plonge dans Jail avant Lily on the Valley pour quasiment une autre soixantaine de minute de pérégrinations sonores dans l'univers de The Eye of Time. "Let's party to the death's birthday" est à l'image de son titre sur un tout autre ton que ce à quoi on a été soumis pendant la première heure. Plus rythmé, légèrement old-school voire vintage, ce premier extrait de Jail nous laisse à penser que le projet mené par Marc E. va alors s'offrir un virage artistique, disons-le honnêtement, un peu casse-gueule. Il n'en sera rien et l'immense "Time has come" vient rapidement ébrécher nos dernières illusions en les emportant dans un cyclone passionnel, qui entre éléments classiques (sous influence) et ambient/shoegaze industriel massif "étouffe" dans le bon sens du terme l'auditeur. La suite va nous offrir le "luxe" de sortir la tête de l'eau et afin d'affronter une nouvelle déferlante sensorielle, mais plus en douceur... toute en progressions aussi inexorables que languissantes ("Comfort, design and graves"), ce, avant que "Once they were happy and brought the nothingness" ne renoue avec les climats déprimés d'After us. Beau et triste à la fois.
Piste après piste, les minutes défilent et The Eye of Time poursuit ses explorations sonores, mêlant aussi bien classique à l'élégance raffinée qu'ambient post-moderne aliénant, en passant par l'expérimental pur et dur, les courants électroniques et même un peu de musique traditionnelle ("The distance between you and the rest"), ce avant une conclusion des plus noire et oppressive avec l'exigeant "000007091981151723031994". Un dénouement d'autant plus inattendu que la fin de Jail semblait renouer avec la lumière et que la transition avec le dernier volet de cet "album" anthologique n'est pas vraiment évidente, "Begin, wait, watch, play" ou le premier titre de Lily on the Valley étant le morceau le plus lumineux entendu jusqu'alors. Un mélange d'ambient pop/shoegaze et de post-dubstep/drum'n'bass assez étonnant qui va ouvrir la voie à de nouvelles choses comme "Use your wings for what they are" et ses innovations synthée-pop/dub-step détonnantes, sorte de préambule ou laboratoire de recherches en vue ce que va être le final de cette oeuvre éponyme-fleuve : "Monsters usually wears uniforms". Ou la synthèse de cet évantail des possibles par The Eye of Time, assez prolixe qu'inspiré, complexe et en même temps accessible... qui fait passer l'auditeur par à peu près tous les états, ce près de deux heures durant. Respect.
NB: : ce The Eye of Time donc sorti en 2xCD/3xLP Deluxe est accompagné d'un livret d'une trentaine d'illustrations (dont quelques extraits servent d'habillage visuel à la chronique ci-dessus) qui accentuent encore un peu plus l'intérêt de l'acquisition de l'oeuvre "physique" et non pas uniquement digitale...
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