Dirty Shirt est connu pour son métal ultra efficace et pour l'utilisation d'éléments du folklore balkanique pour se démarquer des autres. Quand certains (System Of A Down pour les nommer) utilisent quelques petits samples pour colorer leurs morceaux, eux collaborent avec de vrais musiciens pour donner cette couleur à leur musique en studio. En 2017, le groupe est allé plus loin et a monté une tournée de six dates avec Ansamblul Transilvania ou en français l'Ensemble National Folklorique de Transylvanie, une série de concerts où les univers des deux groupes se sont mélangés pour un résultat aussi excitant qu'explosif.
L'énorme album (20 titres !) qu'est Folkcore detour est le témoignage de cette rencontre hors du commun, c'est la preuve sonore que cette idée un peu folle est une réussite, c'est le live capté le premier soir d'avril aux arènes romaines de Bucarest. Un lieu habitué à recevoir de gros concerts puisqu'il accueille le festival Rock in Parc dans la capitale roumaine. La soirée débute avec "Rapsodia romana", un titre de George Enescu, violoniste et compositeur roumain du début XIXème, avant de recouvrir le public de gros son, c'est "Ciocarlia" qui fait la transition, c'est un des titres les plus "folkloriques" de Dirtylicious, le dernier album en date (2015) des Dirty Shirt qui en joueront ce soir-là quasiment tous les titres, seul "Balkanique" passant étrangement à la trappe. Avec "Moneyocracy", on arrive au cœur du sujet, refrain fédérateur, hurlements jouissifs, samples bien balancés, riffs surpuissants et rythmiques métalliques à souhait croisant le fer avec des airs traditionnels comme si de rien n'était. On a maintes fois noté les qualités d'amalgameurs des Roumains qui ne se contentent jamais d'écrire de bons parpaings, préférant oser la singularité et insuffler une énergie folle et authentique, des grains de folie venus d'un autre âge, de leur terre, de leurs racines. Et avec des morceaux de la trempe de "Dulce-i Vinu'", "My art" ou "Mental csardas" (ce dernier mettant particulièrement la pâtée à SOAD), on est près de demander la nationalité roumaine tant on se sent proche d'eux dans les sensations de bonheur qu'ils procurent. Les précédents albums, moins marqués par le folk sont aussi de la partie, surtout Freak show, si on n'est pas étonné d'entendre l'éponyme, "Saraca inima me" ou l'excellent "Rocks off". Terminer par "Bad apples", c'est s'assurer de foutre un bordel sans nom et de marquer les esprits... De Same shirt different day (2010), on trouve "UB" et "Manifest" qui encadrent une "Balada" instrumentale qui sert de pause au milieu du set. Enfin, en plein déluge sonique (bravo à Charles "Kallaghan" Massabo pour le travail -impeccable- sur le mixage), les Roumains font un détour par l'Allemagne et rendent hommage à Johannes Brahms avec une version un peu plus nerveuse de sa "Hungarian Dance No.5".
A noter que l'orchestre folklorique traditionnel et les métalleux devraient remettre ça cet été pour quelques concerts exceptionnels, l'aventure ne fait que commencer.
Publié dans le Mag #32