Fondé en 1992 par Thorsten Benning, Morten Gass, Robin Rodenberg et Reiner Henseleit (ce-dernier n'étant plus dans le groupe à l'heure où sont rédigées ces lignes), Bohren & der Club of Gore est, malgré son nom que l'on imagine sorti tout droit de l'univers death/black metal horrifique glauque, la référence européenne en matière de doom-jazz/ambient, sinon LA référence ultime tout court du genre. En 1994 puis 1995, l'entité allemande sort ses deux premiers albums, Gore motel et Midnight radio avant de voir Reiner Henseleit quitter la formation pour être remplacé par Christoph Clöser. S'ensuivra un silence discographique de plusieurs années jusqu'à la sortie, en 2000, de Sunset mission, puis surtout deux ans plus tard de Black earth, réédité par Ipecac Recordings en 2004.
Un coup de projeteur quasi inespéré mais largement mérité qui offre à quartet de sortir Geisterfaust (2005) puis Dolores (2008) dans des conditions idéales, le groupe affirmant dans le même temps, un peu plus, son emprise et son influence sur toute la scène spécialisée. En 2011, Bohren der club of Gore annonce son septième effort studio avec Beileid.
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Liens pour Bohren & Der Club of Gore
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Bohren & Der Club of Gore / Chronique LP > Piano nights
De retour avec un nouvel album cinq ans après Dolores, les maîtres du jeu du Bohren & der Club of Gore, indéniables mammamushis de la sphère doom-jazz planétaire qui ont entre-temps sorti discrètement l'EP Beileid (2011), livrent avec Piano nights une énième longue tirade emportant leur auditoire dans un véritable tsunami émotionnel. Une déferlante qui ne dit pas son nom et ne se dévoile qu'après de longues minutes d'introspection, explorant les méandres de cet univers à la fois elliptique et particulièrement immersif qui est le leur. Un monde où la lenteur hypnotique rythme un ensemble à l'étrangeté aussi classieuse que fascinante. Un espace d'expression au magnétisme qui fait peu à peu basculer l'état de pleine conscience de l'auditeur vers une douce torpeur narcotique.
Un (presque) coma sensoriel dans lequel on s'abandonne non sans verser quelques larmes, ce Piano nights exhalant une mélancolie à fleur de peau, une tristesse insondable qui marque les esprits de longues minutes durant, une fois l'écoute achevée ("Im rauch", "Bei rosarotem Licht"). Le trouble que le groupe instille en nous ne s'évaporant qu'au prix d'un petit moment de réacclimatation, on ne peut que se plonger encore et encore dans ce "Fahr zur Hölle", qui de par sa profondeur mélodique et ses arrangements subtilement névrotiques, nous emmène traverser le songe d'une nuit sans fin. Un voyage dans lequel on se perd, se laissant guider par des compositions qui serviraient de bande-son idéale aux films de David Lynch (Blue velvet et Lost highway en tête) si ce dernier n'avait pas déjà un compositeur attitré (NDR : Angelo Badalamenti). Mais la cinégénie de l'œuvre du Bohren & der Club of Gore est également ce qui sert son album ("Irrwege").
Lequel ne dérive pas vraiment d'un iota des productions antérieures du groupe, s'inscrivant même dans leur lignée directe, crépusculaire et irrémédiablement fascinante ("Ganz leise kommt die Nacht" ou "SegeIn ohne Wind"). Entre ambient volatil, doom atmosphérique et jazz neuroleptique, avec ce soupçon de structure labyrinthique aux contextes horrifiques et noctambules. Et sans doute qu'il est là, d'ailleurs, le privilège des très grands : donner l'impression d'écrire tout le temps le même album, des nocturnes long-format à la beauté claire/obscure fascinante, des pièces aux similarités confondantes et pourtant tellement indispensables de par leur inexorable et obsédante intensité ("Unrasiert", "Verloren (alles)"). Bohren & der Club of Gore ou la classe à l'état pure qui se répète encore et encore ("Komm zurück zu mir"). Sans jamais lasser.
Bohren & Der Club of Gore / Chronique LP > Dolores
Que Bohren & der Club of Gore soit considéré comme culte (à juste titre) n'empêche pas le groupe d'être parfois ennuyeux. Sur "Straub", pièce inaugurale de Dolores, les langueurs ambient/darkjazz du collectif allemand font qu'il soit quand même nécessaire de s'accrocher pour ne pas sombrer dans une torpeur naissante. Certes, les esquisses mélodiques, le travail sur les instrumentations, sont du plus bel effet, mais derrière ce minimalisme de façade, on a parfois du mal à entrer dans une oeuvre qui ne ménage pas l'auditeur de ce point de vue-là. Trois/quatre notes essaimées ci et là, un léger groove jazzy, des atmosphères aussi diaphanes que noctambules, on s'accroche et on se laisse aller à apprécier "Karin" et sa beauté ensorcelante, aussi feutrée que narcoleptique.
Le seul problème étant ici que lorsque B&DCG s'enfonce dans le versant le plus obscur de sa musique, il ne la rend pas plus "lisible", voire même à l'inverse, fait tout pour ce qu'elle soit encore plus insaisissable ("Schwarze biene"). Et là, on lâche un peu l'affaire, lentement, inexorablement, comme une histoire d'amour qui tanguerait, alors que le poids de l'habitude fige les sentiments dans des souvenirs passés, que la nostalgie fait insidieusement son oeuvre et que l'on n'arrive plus à regarder devant soi, seulement derrière. L'ennui, voilà l'écueil que l'on ne peut éviter lorsque l'on se plonge dans l'oeuvre des allemands, un récif sur lequel il est difficile de ne pas un peu s'abîmer quand le groupe se laisse aller à ses explorations sonores les plus minimales ("Unkerich", "Von schnäbein"). Dolores étant ainsi en permanence entre deux eaux, magnifiant des harmonies d'une élégance troublante ("Faul") autant qu'il égare l'auditeur au détour de quelques silences à peine entrecoupés de quelques poussées de fièvres ambient/drone narcotiques ("Welk", "Welten"). Tantôt bouleversant, tantôt décevant...
Bohren & Der Club of Gore / Chronique LP > Black Earth
A l'image de sa pochette (non il ne s'agit pas d'un obscur disque de death/black underground enregistré dans des catacombes tchétchènes), Black earth, est noir, sobre, abyssal. La quintessence du dark-jazz doomy aux textures ambient dépressives et élégantes portée par Bohren & der Club of Gore, c'est une musique à l'élégance incroyable, neurasthénique et d'une langueur hallucinée, se mouvant avec une infinie précaution au travers d'instrumentations immersives et de mélodies comateuses qui dansent lentement autour de l'auditeur. Soixante et onze minutes d'une oeuvre dans laquelle on doit accepter de se plonger sans retenue, puis de se laisser porter aux gré des coulées jazz éthérées instillées par le quartet allemand, une grosse heure d'une errance semi-consciente à travers les songes. Des compositions qui se rejoignent, se ressemblent, se complètent, indissociables les unes des autres tant elles ne forment qu'un seul et même ensemble, les allemands livrent une partition à nulle autre pareille, extrêmement proche de l'apathie sensorielle et pourtant paradoxalement envoûtante. (très) Classe.
Black earth est particulièrement troublant. On pourrait l'écouter en n'entrevoyant que sa surface, distinguant à peine ces nappes jazzy veloutées, ces inspirations ténébreuses... et l'on s'ennuierait rapidement (faut dire aussi que c'est terriblement.... lent, très lent même). Mais en acceptant le principe de suivre Bohren & der Club of Gore là où il veut nous emmener (comme souvent avec les productions Ipecac), le voyage musical se révèle être un mélange d'intrigues et de sensations étranges, où lenteur, minimalisme et redondance se croisent et se suivent dans un univers qui pourrait s'apparenter à du David Lynch musical... en plus sombre, la ressemblance avec les travaux d'Angelo Badalamenti (compositeur de quasiment tous les films du réalisateur de Sailor & Lula et Mulholland Drive) n'étant du reste pas si absurde que cela. Surtout quand le groupe semble entrer en prise directe avec notre esprit. "Crimson ways", "Maximum black", "Constant fear"... dans le genre, difficile de faire mieux : un clavier qui essaime ses arpèges avec un sens aigu de l'économie d'effets, une contrebasse qui lui répond au loin, un saxophone qui en de rares instants se fait remarquer et cette section rythmique imprimant un faux-rythme léthargique et fuyant. Hypnotique. Et exigeant certes, mais bluffant pour peu que l'on accepte de s'y perdre...