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Inspiré par un obscur film apocalyptique du même nom signé par un certain David Webb Peoples, réalisateur mineur mais scénariste majeur (Blade Runner, Impitoyable, L'Armée des 12 singes...), The Blood of Heroes concrétise la rencontre au sommet de Justin K.Broadrick (Godflesh, Final, Jesu...), Bill Laswell, légende vivante de l'expérimentation musicale, Dr. Israel (producteur-ingénieur-acteur majeur de la scène dub, dance hall et reggae new-yorkaise) et la paire end.user et Submerged (grand mammamushi d'Ohm Resistance qui produit le projet), spécialistes des mélanges drum'n'bass/breakcore/hip-hop/électroniques. Une association plus que prestigieuse et dont on attend monts et merveilles qui sort au mois de mai 2010 son premier album éponyme.

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The Blood of Heroes Sur le papier, ça fait déjà mal : Justin Broadrick à la guitare, Bill Laswell à la basse qui la partage avec Submerged, lequel s'occupe aussi de l'électronique. On ajoute à ce déjà beau monde le toaster de feu Dr. Israel ainsi qu'Enduser tout autant cramé d'electro. Et pour compléter le tout, deux batteurs d'exception que sont Balazs Pandi et KJ Sawka avec enfin Gregor Filip pour épauler à la guitare et aux bidouillages electro... La belle affaire ! On a déjà vu nombre de super-groupes se ramasser lamentablement lorsqu'il s'agit de passer aux cas pratiques ! Sauf que là, ça tient toutes ses promesses et bien plus que cela. Pourtant l'affaire n'a pas été simple, les enregistrements se sont déroulés aux quatre coins des U.S.A., au Pays de Galles, en Hongrie. Mais grâce à internet, les échanges de fichiers, qui ont tout de même duré un an, ont permis d'accoucher de ce superbe album.

Car si chacun des protagonistes reste dans son domaine de prédilection, c'est pour mieux se compléter avec les autres et donner un tout cohérent, qui marierait harmonieusement Drum'n'Bass, Shoegaze, Drone, Breakbeat, Dub et j'en passe... tellement le résultat est impressionnant de maitrise et de pertinence. Avant d'analyser tout cela, j'ajoute que l'artwork signé Khomatech (alias Karol Lasia) est splendide (jetez un œil sur son site). Une respiration indus et ça commence très fort avec "Blinded", riff "Godfleshien" période Us and them, beat breakcore et flow ragga. On s'en prend plein les feuilles, on est déconcerté, et on en redemande tellement ça tabasse avec précision. La tension se relâche un peu sur "Chains" mais c'est pour mieux nous happer dans une ambiance electro-shoegaze aux basses plombées pour servir une belle mélodie qu'on croirait un remix de Jesu. Retour aux ambiances inquiétantes, "Salute to the Jugger" accouple la puissance de la drum'n'bass, la hargne du reggae-metal et l'electro pure et dure, une gifle. A peine remis que "Breakaway" enfonce le clou, basse vrombissante au service d'une jungle dévastatrice surdopée d'un breakbeat machiavélique.

A ce stade on pourrait se dire que ça s'éparpille dans tous les sens mais non, Broadrick au son de guitare si caractéristique sert de fil conducteur à l'ensemble. Et c'est pour prendre encore plus d'ampleur avec "Transcendent", mélodie solaire et planante, groove électro qui fait vibrer les basses. Justement, l'autre fil conducteur se nomme Laswell, bassiste qui repousse les limites du dub. Et il a l'air de s'éclater sur "Repositioned", titre ambient aux volutes drum'n'bass et electro-dub. Nous avec, ça tombe très bien ! On finit cette interlude en forme d'accalmie avec "Remain", où le géniteur de Jesu lâche tout son savoir-faire pour délivrer un titre ambient d'une finesse mélancolique rare reposant sur une rythmique clairement jungle quand elle ne laisse pas la place à des basses lourdes comme un quintal. Ça se redurcit sévère par la suite. La preuve avec "Wounds against wounds", breakcore de tueur et jungle nerveuse laissent planer une sourde menace indus. Ça fait mal mais qu'est-ce que c'est bon ! Dr. Israel revient sur l'ahurissant "Descent destroy" qui risque bien de mettre tout le monde K.O debout : riff en béton armé, rythmique dub pachydermique et feedback flippants, titre qu'on croirait échappé des sessions de "Love & hate in dub", une mandale ! La fin se profile mais quel final ! "Bound" commence avec un sample lancinant de guitare extrême-orientale qui se durcit véritablement sous des assauts breakbeats azimutés tandis qu'un muezzin vraisemblablement hachischin psalmodie tout son mysticisme. On se fait achever avec "Drift" où percus rastas se mêlent à la jungle-drone qui dépouille sévère, du grand art en somme.

Si vous ne l'avez pas encore compris à ce stade de la chronique, votre serviteur est complètement acquis à la cause de The Blood of Heroes, et pour cause ! Jamais un disque n'a remis au goût du jour avec une telle dextérité le crossover jungle-metal-breakbeat. Mieux, il a le mérite de faire bouger les lignes et surtout, pour une fois le casting de rêve du super-groupe tient toutes ses fabuleuses promesses. La claque de 2010 !