Black Light Burns - The Moment You Realize You're Going To Fall On ne le dira jamais assez, Cruel melody, premier album de l'excitant projet Black Light Burns et son casting 4 étoiles, avait tout d'un coup de Trafalgar à la maestria folle. Marquait-il pour autant la naissance d'un projet qui allait influer sur la décennie musicale à venir ou, à défaut, imprimer durablement sa griffe sonore si efficace ? Curieusement, la réponse arrive quasiment six ans plus tard après un disque de reprises assez oubliable (à quelques exceptions près...) et un hiatus de plus de trois ans, Wes Borland, l'homme de base, âme et architecte du projet, désirant alors se consacrer à la renaissance de Limp Bizkit (vu le résultat, il aurait du et pu s'abstenir). Le titre est à rallonge, le line-up a changé au 3/4 et l'excitation au rendez-vous, parce que comme chacun sait, plus c'est long plus...

"How to look naked" déboule la fleur au fusil et Black Light Burns nous rappelle très vite qu'il n'y a pas que la taille qui compte mais aussi le goût. Punky, rentre-dedans, catchy à souhait, ce n'est pas encore la panacée mais ça reste déjà plus crédible que certains des titres de l'album de reprises que Borland nous avait servi quatre ans plus tôt. On continue sur le même rythme et "We light up" avoine les tympans à très grande vitesse. Là, on sent que le groupe monte en pression. La preuve avec un "I want you to" cinglant et provocateur à souhait. Rock lourd vs electro-punk, une puissance d'impact qui ravage les conduits, une décadence ouvertement assumée mais un résultat quelque peu trop racoleur par moments. Pourtant, on voit bien que Borland sait où il veut aller, entre "The girl in black" et "The colour escapes", mélangeant ainsi dans le même tube à essais clash rock électro-punk et quelque chose de plus tribal, à la fois élégant et vénéneux.

Non conventionnel dans son approche créative, parfois électrisant, d'autres fois plus décevant, The moment you realize you're going to fall est également une collection de torpilles rock indus qui renvoient régulièrement à Nine Inch Nails, la griffe Borland en plus (les mauvaises langues en seront quittes pour dire "le talent de Trent Reznor en moins..."), que ce soit sur "Tiger by the tail" ou "Your head will be rotting on spike", sans parler de la bombe "Splayed" et dans une moindre mesure l'efficace "Scream Hallelujah". On prend son pied donc et plutôt deux fois qu'une, sauf que Black Light Burns nous refait le coup de l'album de reprises, en remplissant sa tracklist avec quelques titres encore une fois parfaitement inoffensifs sinon complètement inutiles ("Torch from the sky", "Because of you"). Comme si à trop vouloir en faire, il oubliait de sélectionner la crème de la crème en mettant dans le produit final tout ce l'ingé son a eu entre les mains pendant les sessions studio. Et quand cela donne "Bakelite", c'est clairement dispensable... ce qui est d'autant plus dommage que le groupe a encore dans ses cartons un "Grinning like a slit" efficace ou une élégante conclusion avec l'éponyme "The moment you realize...".

Verdict : une quinzaine de titres, c'était sans doute un peu "too-much", d'autant que ce côté fourre-tout voulu par Borland se révèle parfois un peu casse-gueule et donc un peu inégal, avec l'avantage de réserver quelques moments de rock à tendance industrielle, punk de très haute volée. Encore un petit effort, Wes, un album plus court, plus compact, tranchant... et on tiendra un Cruel melody 2.