binaire_bete_noire.jpg Binaire aime jouer avec les codes, les genres et les sensations... Une fois passé l'effet de surprise du sample made in windows qui ouvre Bête noire, le deuxième effort discographique des marseillais rentre directement dans le gras avec un premier titre aussi court qu'abrupte, furieusement punk, et possédant quelques accents new-wave qui font qu'on ne peut ranger le groupe dans une quelconque case musicale. Forcément, Binaire est inclassable et si tentative il y avait de catégoriser sa musique, ce serait une démarche injustement réductrice. Car après Filth abhors filth, le groupe lâche sa bête industrielle punk new-wave et se révolte en bombant le torse. Contre qui, contre quoi ? La réponse se trouve dans les titres des morceaux de l'album : du savoureux "Kasque à pointe" au plus subtil "Vote for me" en passant par le frontal "t'as qu'à bosser" et le plus révolutionnaire "Barricade". Rien à redire, Binaire a la rage au ventre mais contrairement à son effort inaugural, a réussi à la canaliser afin de lui donner plus de consistance et d'énergie destructrice à l'ensemble. Frapper toujours plus fort là où ça fait mal, tel semble être le leitmotiv du groupe. On croit des choses, on pense savoir des tas de trucs que l'on ignore en réalité et Binaire aime tout simplement nous ouvrir les yeux en dynamitant nos convictions.
Vénéneuse ("30 ans et Devo", "Avale !"), le groupe fonce droit dans le tas et ne se soucie pas des dommages collateraux, il ose, envoie la sulfateuse et kärcherise encore et encore jusqu'à anésthésier les cortex cérébraux histoire de provoquer un petit lavage de cerveau forcé et de remettre le peuple dans le droit chemin ("Fashion"). La démarche de Binaire est artistiquement politique, le monde vit dans son éphémère et apparente tranquilité, les marseillais sont dans l'urgence et ne cherche qu'à bousculer les certitudes de l'auditeur confortablement installé dans son fauteuil ("Express"). Animale, la musique du combo phocéen semble s'être un peu assagie dans la méthode, mais aucunement dans l'esprit. Et si elle sait se faire plus structurée, moins bordélique qu'auparavant, c'est uniquement afin de gagner en efficacité ce qu'elle perd en spontanéité. Dévoilant des arrangements instrumentaux plus soignés, elle montre un visage un peu plus matûre qu'à ses débuts, même si l'on sent bien que l'apparente architecture méthodique de l'oeuvre peut voler en éclat à tout instant. C'est également ce qui fait la force de Binaire, bousculer les convictions, placer l'auditeur dans une atmosphère de chaos sonore permanent afin de le maintenir sous pression constante. Résultat des courses : ça gueule, ça envoie des décibels dans tous les sens et on en prend plein la tronche. Mais on en redemande... La démarche est subversive, osé et franchement casse-gueule, mais, en restant farouchement indépendant, en ne se laissant jamais aller à la facilité, le concept "Punk vs machine" ou "Binaire vs le reste du monde" fonctionne à plein tube.