Atoms for Peace - Amok Avec aux commandes la paire Thom Yorke (également derrière le génial The eraser) / Nigel Godrich - tous deux pièces maîtresses de la comète Radiohead - accompagnée d'un trio de musiciens confirmés, soit Flea des Red Hot Chili Peppers, Mauro Refosco (connu pour son travail avec David Byrne) et Joey Waronker (Beck), Atoms for Peace avait déjà fière allure. Un projet avec line-up alléchant, aussi luxueux sur le papier que fatalement prometteur dans les enceintes, on ne pouvait décemment qu'attendre monts et merveilles d'Amok, premier opus long-format de ce all-stars band de la scène indie du dernier quart de siècle. Voire un peu plus tant cette constellation de talents ne semble pouvoir aboutir à autre chose qu'à un petit bijou du genre, en bonus propulsé dans les étoiles par le biais de l'excellent XL Recordings.

Démonstration par le son avec dès les premiers instants d'Amok ce "Before your very eyes" tout en élégance pop scintillant dans les cieux. De légères volutes mélodiques planant dans la stratosphère, quelques petits arrangements virevoltant autour d'une sphère créative engloutissant par la même occasion les egos des musiciens présents au casting de cette entité plus qu'attendue au tournant, le projet assume son statut. Rapidement, on comprend qu'au travers de compositions à la fois hypnotiques et veloutées ("Default" ou "Ingenue"), Atoms for Peace refuse la facilité, l'évidence comme le compromis artistique qui l'aurait conduit sur l'échafaud d'un mainstream insupportable eu égard son potentiel intrinsèque. Au lieu de cela, le groupe ose, prend des risques (mesurés), brise quelques barrières et autres matrices musicales pour créer sa propre identité sonore ("Dropped").

Et Amok pris dans sa globalité de confirmer l'évidence : Atoms for Peace est un terrain de jeu idéal pour Thom Yorke et sa bande : un espace d'expression dont l'écriture refuse frontalement une codification frustrante ("Unless", "Stuck together pieces") afin de distiller une musique à la hauteur de ses ambitions. Illimitées dans son registre electronica/pop/indie organique et euphorisant. Que ce soit sur "Judge, jury and executioner" ou "Reverse running", le quintet jongle entre les machines et l'humain, il fait de la matière sonore dont il dispose quelque chose d'ouvertement synthétique et quasi artisanalement bricolé. A à la fois charnelle et cérébrale, panoramique comme porteuse d'un magnétisme troublant (cet "Amok" éponyme final !), la musique d'Atoms for Peace est à l'image de ces femmes qui marquent une vie même après une rencontre éphémère, fugitive mais inoubliable : elle allie son charme intemporel à une beauté fascinante et fait invariablement succomber son auditeur.