Amon Tobin - Isam Expérience électronique, véritable laboratoire de recherche musicale en lui-même, le nouvel album d'Amon Tobin est un cas à part dans la production actuelle. Là où l'on assiste de plus en plus à un revival des références old-school ou que les "hype" du moment s'abîment dans un conformisme des plus déplaisants, le brésilien semble avoir décidé de conjuguer ses travaux au futur. On pense de plus en plus au succès potentiel d'une musique afin de l'intégrer au processus de création artistique, l'auteur de l'excellent Foley room s'affranchit de ses considérations bassement mercantiles pour adopter le langage musical d'un visionnaire.

On peut d'ores et déjà dire qu'après les Bricolage, Supermodified ou encore Permutation, cet Isam ne peut que dérouter l'auditeur lambda (et les autres, plus initiés...). Parce qu'avec quelques années d'avance sur tout le monde, en élaborant des compositions aux architectures complexes, Amon Tobin livre avec ce nouvel effort un disque brillamment autistique, insaisissable et parfois incompréhensible. L'effet pervers de son inventivité presque outrancière étant dans le même temps d'annihiler les fondamentaux dubstep/électro/trip-hop glacial de ses précédentes productions, ici, s'il livre quand même une poignée de titres immédiatement bluffants, les trois autres quarts de l'album sont assez difficile d'accès et peuvent légitimement décevoir. Tout du moins lors des premières écoutes.

Une constellation de textures bruitistes, sorte d'extrapolation radicale de son Foley room expulsée de l'esprit tortueux d'un artiste/bidouilleur hors-norme, le nouvel album voit son auteur sauter quelques étapes en une seule fois et défier la logique jusqu'alors implacable de sa discographie. Le scénario semblait déjà écrit au moment de découvrir Isam, Amon Tobin semble s'être amusé de nos certitudes, du coup erronées, pour mieux les faire voler en éclat... et livrer par la même occasion ce disque que personne n'aurait pu imaginer avant de l'écouter. Ou presque. Une oeuvre à l'étrangeté organique, quelques fois limpide, d'autres fois plus énigmatique. Toujours avec quelques coups d'avance sur ses contemporains, le brésilien vient une fois encore marquer de son empreinte la musique électronique. Sauf que ça, on ne le comprendra vraiment que dans quelques années.