Parfois, en tant que musiciens ou groupe, il est bon de confronter et de partager ses envies, ses visions artistiques aux autres pour s'enrichir mutuellement et de s'épanouir ensemble à travers une œuvre quelle qu'elle soit. C'est ce qu'ont fait le producteur Almeeva et la formation Toucan, deux entités aux parcours différents et qui s'étaient rencontrées la première fois lorsque la première avait collaboré sur le disque De nuit de la deuxième. Almeeva n'est autre que le projet solo electro-dance de Gregory Hoepffner, multi-instrumentiste et vidéaste ayant déjà bossé avec Jean Jean, Sure, Juni, Filotimo, Miles Oliver, Health ou encore Kabbel. Quant au quatuor Toucan, il s'est spécialisé depuis plus de dix ans dans le post-rock nourri aux nappes de synthés atmosphériques.
Atmosphérique, c'est le maître mot de Parallèles, cet EP commun sorti en juin 2024 et qui a retenu toute notre attention. En quatre titres, Almeeva & Toucan font honneur à une "dream-electro" (il y a bien de la dream-pop, alors...) envoutante et souvent dansante se divisant en quatre instants donnés dans différents lieux du globe et qui, l'on devine, sont censées illustrer leurs ambiances singulières. Ou alors, s'agit-il simplement du fruit d'une projection de l'imaginaire dans lequel on aime se perdre. Ainsi, le premier titre nous emmène dans une gare de Nagoya à 14h00, au moment peut-être où l'activité de ses voyageurs est la plus intense. En témoignent ses chevauchements de nappes de synthés, et son rythme cadencé et appuyé. Au musée d'histoire naturelle à Londres, on observe minutieusement ses prestigieuses collections dont l'immense squelette de Dippy dans le hall. On se prend au fur et à mesure de nos découvertes le poids de l'histoire dans la tronche, comme semble l'illustrer cette lente progression électronique nous rappelant un peu au passage, sur sa fin, l'instrumental de "This must be it" de Röyksopp à l'époque chanté par l'excellente Karin Dreijer (Fever Ray, The Knife). À 23h, la nuit est déjà tombée, on scrute les étoiles à Rome tout en arpentant ses rues dans une ambiance nocturne proche de celle d'un Drive de Kavinsky, mais avec des cuivres en prime.
Enfin, notre parcours s'achève en rave party à Ibiza, à 6h du mat', le cerveau probablement stimulé par des produits stupéfiants et autres psychotropes dont nous n'avons même pas connaissance dans le détail. La "journey" fut intense et longue, dans les faits, elle n'a duré que 18 minutes et 45 secondes. Mais que ce fut bon ! Le temps n'existe vraiment plus quand la transe hypnotique et ardente de Parallèles s'abat sur nos oreilles, et cette découverte se trouve être aussi une belle occasion de (re)plonger dans les discographies d'Almeeva et Toucan, toutes aussi dignes d'intérêt.
Publié dans le Mag #64



