The Algorithm était de passage à Londres début juillet. L'occasion de croiser Rémi pour lui poser quelque questions sur le groupe, son univers et même le Brexit.
The Algorithm @ The Dome, 02/2017
Salut Rémi, est-ce que tu peux brièvement présenter The Algorithm pour ceux qui ne connaissent pas ?
Salut, The Algorithm c'est un projet fusion entre métal et musique électronique que j'ai commencé en 2009 et aujourd'hui je joue à Londres.
Comment ton processus d'écriture a évolué depuis tes débuts ?
Au début, j'essayais vraiment de partir dans le plus de directions possibles dans le même morceau. C'était l'idée de créer un morceau et d'y mettre plein d'univers, partir dans tous les sens. Avec Brute force, j'ai essayé de me concentrer sur le flow et sur l'histoire plutôt que d'aller à droite, à gauche sans avoir d'histoire. Garder le groove, le flow, raconter une histoire, c'était ça, même si les morceaux vont moins loin dans le n'importe quoi.
Tous tes morceaux sont instrumentaux, s'il y avait des paroles, ça parlerait de quoi ?
Je pense que ça irait dans une direction science-fiction, très inspiré par des histoires du genre de Blade Runner, des récits des années 60, 70 comme ceux d'Isaac Asimov, ce genre de trucs m'influence beaucoup. Si j'arrivais à écrire des paroles et si j'arrivais à chanter, j'irais vraiment dans cette direction, essayer de créer des histoires autour des thèmes de la science-fiction et rattachées à tout ce qui est informatique, moderne.
The Algorithm @ The Dome, 02/2017
Quels sont tes livres et les films qui t'inspirent
Philipp K. Dick et Isaac Asimov pour la science-fiction, je ne suis pas quelqu'un qui lit énormément, je n'ai pas la prétention de dire que j'ai beaucoup de culture à ce niveau-là mais j'aime vraiment beaucoup cette science-fiction de l'âge d'or. Pour les films, je suis aussi attaché à la science-fiction. Récemment, "Arrival" était sympa, le truc avec la meuf robot "Ex machina" aussi, bref, tout le truc avec les machines genre Matrix.
En ce moment, des progrès énormes sont faits du côté de l'intelligence artificielle, tu penses qu'on verra un jour un ordinateur écrire de la musique ?
Oui... Forcément. Il y a beaucoup de choses qu'il faut arriver à comprendre mais c'est clairement possible. Mais l'intérêt de la musique, c'est que chacun apporte quelque chose, sa personnalité à travers le son, c'est ce qui fait que tu peux écouter de la musique partout dans le monde et personne ne crééra la même, chacun fait sa musique. Est-ce qu'un ordinateur peut arriver à avoir sa personnalité ?
Et ça ressemblerait à quoi d'après toi ?
Elle serait très proche de ce qu'on peut créer car c'est ce qu'on veut faire, ce qu'on voudrait. Créer de la musique aléatoire, c'est déjà possible, c'est même très facile mais il n'y a pas d'intentions derrière. L'intention, c'est le plus difficile, comment un ordinateur peut avoir une intention sans la programmer à l'avance ?
Dans quel pays tu reçois le meilleur accueil ?
En Angleterre, en France et en Italie, c'est là que ma musique est la mieux accueillie, ça dépend des concerts, ça dépend des lieux mais quand on joue dans ces pays-là, il y a toujours des fans absolus, des gens un peu fous, des gens qui nous offrent des cadeaux, on se sent vraiment aimé. En Australie, il y a beaucoup de gens qui nous écoutent mais on n'y a pas beaucoup joué, ça prend du temps de développer une "fanbase", un réseau qui maintenant existe en France ou en Angleterre. Quand on joue à Londres ou à Paris, on sait qu'il y aura du monde, que les gens seront au rendez-vous, par exemple, ce soir, il y a le Tech Fest en même temps, c'est pas évident, c'est comme si en France, tu fais un concert métal en même temps que le Hellfest, mais ce soir, il y aura du monde, on est content.
The Algorithm @ The Dome, 02/2017
Tech Fest, pour moi, c'est le summum du métal technique au Royaume-Uni, tu penses qu'il y a une limite humaine à cette technicité ou on fera toujours mieux ?
On peut retourner le truc de manière différente, ce qu'on considère technique maintenant va devenir "moins technique" avec le temps, ça deviendra commun et on trouvera "technique" autre chose. Par exemple Yngwie Malmsteen à l'époque faisait des trucs de fou, on trouvait ça impressionnant, tu le regardes maintenant, tu le trouves pas si technique. C'est des cycles qui se répètent. Ce festival a un bon avenir, il y a beaucoup de groupes qui émergent sur cette scène-là.
Que penses-tu de la scène musicale française ?
Elle s'est vraiment développée ces dernières années, il y a pas mal d'artistes qui sont en train de monter, je pense à Igorrr, à Carpenter Brut, à Perturbator, ces artistes font de la musique électronique un peu barrée, un peu métal, ils ont tous leur personnalité. On est tous assez uniques, assez fous dans un style de musique qui regroupait que des élitistes, on a osé, on a fait notre truc. Gojira aussi dans un autre style, c'est un bon exemple de réussite, ils n'ont jamais triché, tout est impeccable, tout est bien fait, c'est une belle inspiration.
The Algorithm @ The Dome, 02/2017
Tu parles d'Igorrr, tu as fait un remix, ça s'est passé comment ?
Ça s'est super bien passé ! C'est moi qui l'ai approché. J'écoutais Igorrr avant même de produire ma première démo, je suis un vrai fan, il m'a inspiré pour faire ce que je fais. Je suis un hipster, je le connais depuis 30 ans (rires). Ça faisait longtemps que je voulais faire un morceau avec lui, je l'ai approché et il a accepté directement, ça s'est fait très rapidement. Je lui ai envoyé des pistes des guitares, il me les a renvoyées à l'envers, c'est parti un peu n'importe comment mais c'était excellent. Ça s'est fait naturellement et dans la joie et la bonne humeur.
Je change de sujet, tu habites Berlin, tu joues à Londres, c'est quoi ton sentiment sur le Brexit ?
Oh la la. Comme beaucoup de monde, je trouve que c'est une erreur, comment des gens ont pu voter pour ça ? Je vais pas te faire une analyse politique... Musicalement, pour nous, c'est facile de jouer ici, on prend le tunnel, on montre le passeport et on passe. Avec le Brexit, on ne sait pas comment ça va se passer, ça va peut-être devenir comme les Etats-Unis ou d'autres pays où il faut un visa, il faudra le payer ? On ne sera pas sûr d'être accepté... Les musiciens en Europe vont avoir plus de mal à venir en Angleterre pour des concerts, des tournées, ça va restreindre la culture en Angleterre, ça va surtout affecter les petits et moyens artistes. Ceux qui sont les plus intéressants. Ça fait peur.
Quels sont d'après toi ces "petits artistes" qui ont un potentiel énorme ?
Il y a beaucoup de mes amis qui font des bons trucs, je pense à un de mes amis de longue date en France, son projet c'est Milkyway Project, il fait ça depuis très longtemps et il a jamais réussi à avoir une fanbase, c'est vraiment dommage, je lui fais un peu de pub par la même occasion. Un groupe français qui s'appelle Kadinja, ils ont sorti un album il y a quelques mois, c'est ultra technique, ça part dans tous les sens, c'est rapide, c'est métal progressif très furieux, très intensif, ils méritent plus que ce qu'ils ont maintenant car comme performance, c'est impressionnant. Il y a beaucoup d'artistes qu'on rencontre sur la route qui ne sont pas connus et font des trucs impressionnants, on se demande comment ça se fait, c'est un peu triste...
The Algorithm @ The Dome, 02/2017
Si t'étais un personnage de jeu vidéo ?
La raquette de Pong ! (rires) Geralt de Witcher 3, il a de la classe et c'est l'un des meilleurs jeux de ces dernières années.
Pour conclure, c'est quoi le futur pour The Algorithm ?
Là tout de suite, on fait quelques concerts, quelques festivals, on fait le Motocultor en août, avec Igorrr, il joue le jour d'avant mais on est sur la même affiche, c'est un festival très métal, c'est vraiment cool d'avoir la possibilité de jouer là-bas, on va faire l'Euroblast en octobre en Allemagne, on va jouer à Quimper en novembre... Après on va faire un break, on va écrire un nouvel album. Enfin quand je dis "on", c'est moi ! (rires) Avec Jean, on va bosser pour améliorer le live, avoir plus d'interaction, plus de viusels, développer le show beaucoup plus loin que ce qu'on fait maintenant...
Tu fais comme Gojira ? Filmer et regarder tes prestations pour te corriger ?
Je ne le fais pas mais ça m'arrive de regarder les lives quand des amis ou des gens filment. Ca fait mal car on est très critique, on remarque tous les détails. On n'est jamais content, c'est assez difficile de faire l'effort de le faire, mais quand on le fait, on en tire de bonnes leçons et c'est une bonne manière d'avancer.
- L'interview en vidéo: YouTube (1103 hits)
Merci à Rémi, pas merci l'anti spam de Google, et merci au Dome.
Photos : Pooly
Publié dans le Mag #29