Headwar en guerre avec ses instrus Headwar en guerre avec ses instrus Quiconque avait foutu les pieds à Mains d'œuvres pour assister à la précédente édition de la mort qui tue de Sale et Sauvage, ne pouvait rater la nouvelle (pour rappel, lire notre live-report Sale et Sauvage #4 dans notre numéro 21 ou directement sur notre excellent site web). On s'attendait à du lourd (5 ans, c'est marquant !), mais l'affiche tardait à se dévoiler. Un problème organisationnel qui aboutissait quelques semaines avant l'heure fatidique par l'annonce des bruitistes amiénois d'Headwar en tête d'affiche, habitués de ces soirées sales et sauvages, accompagnés du quatuor strasbourgeois de post-punk Le Chemin De La Honte, de l'intrigant one-man band pop lo-fi electro-noise Tropical Horses, du duo techno-no wave-noise Les Hôpitaux et du punk-rock virile de Triceps. Une affiche musicale assez violente sur le papier mais vraiment composée pour tous les goûts et qui permettait de faire encore de nouvelles découvertes à cette occasion. Tant sur la scène musicale (concerts, showcases acoustiques, piste de danse) que sur les différents stands (jeux de société, radio show, label) et ateliers (tatouage, sérigraphie, sorcellerie et féminisme...) montés pour cette soirée. On comptait même dans cette nouba, les projections frénétiques de Zeugl.

Cette année, Sale et Sauvage proposait une édition réduite commençant à 17h et finissant à minuit. Une décision de la mairie de Saint-Ouen qui provoquait du coup l'amputation d'une salle de concert (le gymnase) au lieu. Est-ce dû à un mauvais souvenir de la précédente édition ? Un voisinage un peu sensible et fragile ? Bref, un horaire forcément inadapté à la folle jeunesse parisienne, dont une grande partie s'était retrouvée dans le même temps au Pitchfork Festival à la Villette. Tout cela n'arrange pas les choses, et fatalement Sale et Sauvage, cinquième du nom, semble un peu vide par rapport à l'année dernière. Il n'y avait qu'à voir la faible affluence dans la zone du dancefloor sauvage où différents aficionados de rock féroce souvent d'obédience garage (dont Charles, boss du label Le Turc Mécanique), Guillaume Marietta et Froos moitié du label franco-belge Teenage Menopause) se suivaient sans grand succès derrière les platines. La majeure partie de l'audience ayant préférée profiter des instants de live que procurait la seule scène de la salle audonienne : la "Sale" !

À ce sujet, puisque c'est l'activité de la soirée qui nous intéressait le plus - et contrairement à l'année dernière - l'ambition de l'orga' sur la programmation était de moins miser sur le garage et laisser une place plus importante à l'expérimental sombre teinté de noise et d'électro. Seuls Triceps (qui n'est autre que le side-project punk du chanteur de Von Pariahs), un groupe pas avare en distraction (il n'y a qu'à voir leurs déguisements) et en énergie, et le post-punk de Le Chemin De La Honte paraissaient comme des formations rock sans velléités de bousculer les règles établies. Dans cette salle à la moiteur torride, suite au passage de Triceps, le temps se fige quand Les Hôpitaux nous plongent dans un magma sonore hypnotique et bruyant à l'aide de leurs machines et de leur seule guitare. Absolument pas rock'n'roll, tout comme comme Tropical Horses représenté par un seul homme aux commandes d'un O.M.N.I. psychédélique, entre pop lo-fi et noise électro, du transgenre musical comme on aime, et qui reste l'une des plus belles découvertes de la soirée. Le Chemin De La Honte nous a semblé bien plat à côté. Le groupe de post-punk monté par le duo Delacave, issu du collectif de la Grande Triple Alliance Internationale de l'Est (avec, entre autres, Scorpion Violente, The Feeling Of Love et Noir Boy George), ne manque pas forcément d'arguments pour soulever les foules, leur musique étant autant tendue que nerveuse mais les émotions ne décolleront jamais. Sûrement un blocage psychologique provenant d'un chant en langue française qui ne se marie pas super bien avec la musique.

Il est 23h40, la soirée se termine avec Headwar, à qui il reste très peu de temps pour exprimer ses pulsions bruitistes faites de bricolages et d'instruments qui le sont tout autant (une guitare cymbale, par exemple). Sur scène, les Amiénois sont fidèles aux concerts que j'avais vus d'eux avant : c'est bruyant et piquant, une urgence et une énergie incontrôlée qui divisent assez rapidement les foules. Pas celle de ce soir, évidemment, qui regarde religieusement ce spectacle. Pour ma part, pas de surprises au compteur, l'effet ne fonctionne plus et ne pouvait fonctionner car l'heure c'est l'heure, et la Police est venu le faire savoir au groupe et à l'organisation. Du rarement vu pour une soirée en mode festival. Le résultat de Sale et Sauvage #5 fut en demi-teinte pour les raisons évoquées mais l'esprit, lui, était bel et bien froid et malsain pour reprendre l'association de mots utilisé par l'organisation pour décrire l'univers de cette soirée décidément... sale et sauvage.