Nous étions de retour à La Roche-sur-Yon pour la deuxième édition de Quai Metal qui se tient dans la sublime salle du Quai M. En association avec Base Production, Quai M a reconduit son festival de metal malgré les annulations de dernière minute de groupes emblématiques l'année passée. On ne peut que saluer et approuver leur décision !
Quai Métal - Scar of the sun
Les odeurs de bois encore présentes nous ont accueilli dès les portes franchies et nous avons retrouvé avec bonheur cette salle à l'acoustique parfaite, dont la beauté est au diapason de sa configuration qui permet à tous une vue imprenable sur la vaste scène.
Les Grecs de Scar Of The Sun ont inauguré cette nouvelle édition avec un modern metal oscillant entre death mélodique, metalcore et djent. Le chanteur nous a parlé de la crise économique grecque, de l'histoire des hommes qui n'ont plus d'emprise sur un monde dominé par les banques. On a senti toute leur rage dans le growl du chanteur et le désespoir de tout un peuple dans son chant clair. Un moment de puissance et d'émotion.
Pour autant, je ne m'attarde pas. Le Quai M a changé son organisation en créant un chevauchement entre les concerts afin que plus de festivaliers puissent assister aux concerts donnés dans la plus petite salle de 100 personnes. Je découvre les Seeds Of Mary, groupe de rock alternatif bordelais du label Klonosphere. Une jolie découverte avec un style bien à eux : c'est sombre, intense, une violence sourde qui pulse. On ressent de multiples influences, notamment de Korn. J'apprécie particulièrement la voix du chanteur, grave et chaleureuse, tantôt clair, tantôt scream.
Cette première soirée commence très bien et je décide de me rendre au bar de l'étage où je suis accueillie par une équipe de bénévoles souriants proposant un large panel de bières dont des artisanales à des tarifs non prohibitifs. Une fois servie, je ne résiste pas à l'envie de la déguster sur la grande terrasse en bois surplombant la gare de La Roche-sur-Yon. Le lieu est vraiment agréable. Je vois la file des affamés s'étirer devant le foodtruck (nouveauté bienvenue de cette année) sur le parking en contrebas.
Quai Métal - Oceans
Ma bière encore en main, je retourne dans la salle principale où un public enthousiaste réserve un bel accueil à Oceans. Le groupe allemand nous offre une prestation parfaitement maîtrisée de metalcore tant vocalement que musicalement. Quelques pointes agressives de death viennent relever le tout et permettent d'éviter l'écueil où sombre parfois le metalcore. Pour leur première fois en France, les Berlinois ont galvanisé leur public avec un groove accrocheur et des refrains simples à scander, une musique pleine de mélancolie et de noirceur brute. Loïc Rosseti, le chanteur, se révèle être un excellent frontman faisant participer pleinement son public.
Et pour la deuxième année, je retrouve Bad Situation dans la petite salle qui remplace au pied levée Florence Black. Et je suis loin d'être la seule, au vu du nombre de mains qui se sont levées lorsque Aziz, le chanteur, a demandé qui était revenu cette année. Le duo nous a entraîné dans leur punk rock survitaminé qui est leur marque de fabrique et le public s'est déchaîné !
Retour dans la grande salle et changement total d'ambiance avec Equilibrium ! Quai M s'est offert le luxe d'accueillir le célèbre groupe de folk metal allemand qui enflamme les salles depuis presque 25 ans. Les sons de la flûte et autres instruments traditionnels se mêlent aux riffs de guitare et à la violence de la batterie, au synthé pour accompagner un frontman déchaîné venu nous conter les légendes mythologiques de son pays dans un très beau growl. Le style est flamboyant, puissant et rythmé, les wall of death se succèdent dans le pit. Le concert se termine sur un véritable succès. Je regrette juste l'absence de musiciens traditionnels sur scène.
Quai Métal Equilibrium
Un moment de pause et c'est au tour de Septicflesh, célèbre groupe de metal symphonique athénien, d'embraser la salle ! Décidément, le Quai M a vu les choses en grand ! La voix caverneuse du chanteur s'harmonise parfaitement avec la musique sombre et le style grandiloquent du groupe. Fondé en 1990, Septicflesh est très professionnel et nous délivre un grand show grâce à son leader, super communiquant. Le groupe a plus de 30 ans, pour autant ses qualités perdurent et le plaisir des musiciens est toujours aussi neuf et authentique.
Cette première soirée s'achève et nous repartons très enthousiastes. Pour moi qui travaille le samedi, j'apprécie également que les concerts se terminent relativement tôt pour un festival.
Le deuxième soir arrive et nous attaquons avec Overcharger, groupe bordelais, qui a fait du metal sudiste américain sa marque de fabrique. Les riffs sont lourds, le son est gras, les basses sont très présentes. Il y a des moments franchement bourrins, d'autres plus calmes, les breaks se succèdent pour mieux nous percuter ensuite. Ça sent la Bud et la sueur âcre et pourtant, le public qui apprécie, n'y est pour rien !
Quai Métal Overcharger
Je regagne la salle principale et le changement d'ambiance est radicale avec Hypnose. C'est même un peu perturbant et il me faut quelques minutes pour entrer dans leur monde. Mais ensuite, je plonge et me noie dans leur univers si puissant et si poétique. Originaire de Montpellier, Hypnose pratique le metal expérimental ou plus exactement le metal cinématique, comme ils l'indiquent eux-mêmes, afin d'allier leur passion de la musique à celle du cinéma. Leurs chansons en français, en anglais ou même en espagnol, incorporent des extraits de diverses œuvres littéraires ou cinématographiques comme "L'étranger" de Camus ou de "Pierrot le fou" de Godard. Des riffs doux et apaisants accompagnent ces extraits diffusés en arrière fond sonore, parfois, la voix claire et douce du chanteur vient se superposer à ces moments. Puis aux fréquents breaks succèdent des passages qui déboitent franchement et la voix gutturale du chanteur s'élève pour souligner ces moments plus lourds, plus noirs, parfois emplis d'une rage maîtrisée. La musique est complexe, techniquement très bien exécutée avec de nombreux changements de rythmes, mélangeant plusieurs styles. Une batterie qui peut évoquer Gojira et alors, on ne s'étonne pas qu'Hypnose ait pu faire leur première partie. Leur musique est aérienne, plus poétique qu'hypnotique, c'est une délicate mélancolie qui s'exprime avec élégance avant de lâcher sporadiquement une rage cathartique. Bien que je sache que c'est techniquement compliqué, j'aurais aimé un support visuel à ces voix des inconnus ou des stars déclamant les extraits d'œuvres et s'élevant dans les ténèbres de la scène. Hypnose est, pour moi, la découverte et mon gros coup de cœur du Quai Metal 2024.
Je mets un moment à retrouver mes esprits et à quitter l'univers d'Hypnose qui m'avait emmenée aussi loin. Je finis par me décider à aller écouter Vestige, groupe parisien, créé en 2022. Se plaçant dans la mouvance du metal shoegaze, Vestige nous a emporté dans une ambiance mélancolique, un monde torturé ponctué de riffs se faisant tantôt doux, tantôt tranchants et violents. J'ai trouvé leur concert assez plat comparé à l'écoute de leur album, ou bien est-ce que j'étais encore enivrée par la merveilleuse prestation d'Hypnose ?
Quai Métal Vestige
Nous faisons de nouveau un grand écart avec l'arrivée des pionniers du metal indus en France dans les années 80, Treponem Pal. La voix puissante et rauque de Marco s'élève et balance chant guttural et clair en alternance. Treponem Pal, c'est un peu un patchwork d'ambiance et de style : une rafale de cuivre nous entraîne dans un univers orienté ska puis des blasts fulgurants nous renversent avant que des riffs nous emmènent dans un nuage atmosphérique tortueux. Le public est au rendez-vous, moi, j'avoue avoir du mal à suivre. Cependant, je n'oublie pas leur contribution à la veine indus en France et je retrouve parfois les sonorités qui ont pu inspirer un groupe indus comme Shaârghot.
Petite pause bienvenue sur la terrasse où nous échangeons avec les copains autour d'une bonne bière artisanale avant d'aller voir le dernier groupe du festival : Lofofora ! Nous nous rendons ensemble dans la grande salle en espérant que le groupe ne nous concocte pas un meeting politique malaisant comme au Hellfest. Et heureusement, non ! Le groupe est venu pour jouer, pour partager avec son public et Reuno, chanteur et frontman de talent, est très en forme ce soir. Il prend un plaisir évident sur la grande scène du Quai M à balancer son phrasé rap au milieu des riffs de guitares saturées et des envolées punk. Le public, très nombreux, ne résiste pas et bientôt tout le pit est en mouvement. Un très beau show !
Quai Metal se termine et nous faisons le point avant de partir : une programmation très éclectique cette année, peut-être trop ? Le festival n'a pas rassemblé autant de monde cette année. La tenue de l'Omega Sound Fest le même week-end a certainement joué. Pour autant, Quai Metal possède un atout de taille et indéniable : la qualité de sa salle possédant une acoustique extraordinaire et offrant un grand confort aux spectateurs.
Nous remercions sincèrement Quai Metal de nous avoir invité de nouveau cette année, nous avons hâte de découvrir la programmation de l'année prochaine !
Photos : Nolive
Publié dans le Mag #62