Bien antérieur au Hellfest, le festival Muscadeath, organisé par Carnage Asso, s'est tenu pour la 22 ème fois à Vallet, près de Clisson. L'association, toujours emmenée par ses fondateurs, Benoît, Manue et Ghislain et ses 40 bénévoles, passionnés de Death, a attiré près de 800 festivaliers au Champilambart les 20 et 21 septembre 2024.
FT-17
Fidèle à un style pointu et ciblé de metal, le death, le festival a su évoluer et grandir en proposant depuis 2021, la soirée du vendredi, réservée au black. Les plus grands noms se sont produits dans cette salle perdue au milieu du vignoble : Benighted, Carcass, Bénédiction, Loudblast, Napalm Death... Il manquait au palmarès du Muscadeath le célèbre Aborted, emmené par son frontman et fondateur, Sven de Caluwé que nous avons eu le plaisir de rencontrer en interview.
Nous sommes partis en speed vendredi soir : j'étais dans les starting-blocks et à l'heure pile, la porte de mon bureau a volé ! Je retrouve Nolive et nous partons aussitôt après un changement rapide de style vestimentaire. Après un super accueil d'Alexandre qui nous offre une bouteille de Muscadet estampillée Muscadeath, j'enchaîne aussitôt avec l'interview de Pénitence Onirique pendant que Nolive part shooter FT-17. Je n'aurai malheureusement pas l'occasion de les découvrir tellement la discussion avec Bellovesos et Logos m'emporte.
C'est sur un petit nuage que je découvre la salle et j'adore : une salle spacieuse, décorée de toiles noires tendues donnent un aspect intimiste, cocoon même, sans fioriture et en parfaite adéquation avec les styles musicaux proposés. Un bar, une plateforme PMR et à l'opposé une vaste scène directement accessible au public se déploie sur toute la largeur de la salle. Passé les tentures noires, nous découvrons le merch artiste et celui des labels comme Les Acteurs de l'Ombre et L'Ordalie Noire, puis la deuxième salle regroupant le merch du festival, de nombreux exposants et même un tatoueur.
Houle
L'extérieur propose bar et restauration. Quelques barnums, tables et bancs sont disposés au fond de la cour. J'ai beaucoup apprécié de ne pas être obligé de prendre des jetons puisqu'on nous donne le choix entre CB ou jetons. Des bières artisanales, du Muscadet et des softs sont proposés à des prix abordables. La restauration est également assurée par des bénévoles : les incontournables américains, y compris végétariens et des frites. C'est basique, le choix est limité mais c'est bon, on est servi avec le sourire, dans une belle organisation et pour une fois, je ne me ruine pas pour manger en festival.
Pendant mon échange avec Pénitence Onirique, Nolive est donc allé shooter FT-17, groupe de metal mélodique extrême qui nous conte l'histoire du poilu Marcellin. La voix narrée du chanteur, grave et posée, lit le journal intime du jeune soldat qui découvre les horreurs de la première guerre mondiale puis l'enfer de Verdun. Une entrée en guerre la fleur au fusil, symbolisée par la tenue bleue et rouge garance des soldats français de 1914. Le show se poursuit et la réalité cauchemardesque de la guerre a raison des premières illusions. Le black metal de FT-17 est parfait pour symboliser la noirceur de la guerre et la descente aux enfers que vivent les malheureux protagonistes de celle qui devait être la der des der. Le rouge Garance laisse place au bleu horizon. Le journal du soldat Marcelin se veut plus grave, il nous plonge dans l'horreur. La deuxième partie de leur set nous entraîne dans les affres de la guerre grâce à une basse lourde, un chant de plus en plus rauque, et des riffs de plus en plus agressifs. Ce fut un moment immersif passionnant.
Pénitence Onirique
On retrouve quelques amis, mais il est bientôt temps de regagner la salle pour assister au concert de Houle, que nous souhaitions découvrir depuis un moment. Emmenée par sa frontwoman, ce groupe de black metal mélodique parisien nous entraîne dans l'univers rude et brutal des marins pêcheurs, on ressent la laideur, la crasse, la peur qui sont le quotidien des petites gens de la mer. C'est fort, brutal, envoûtant, visuel. Les cirés dégoulinent sur scène, la crasse s'accumule sur les marinières et la peau, les harpons se font menaçants et les poings se lèvent dans la foule et sur scène comme un roulis incessant, scandant chaque chanson. Le rythme alterne entre la trompeuse douceur du désespoir et la fureur violente des éléments, le tout ponctué de longs riffs.
L'unique scène oblige à une pause, bienvenue, entre chaque groupe, permettant de se remettre d'un concert avant d'enchaîner avec un nouveau groupe et un nouvel univers.
Ruyyn succède à Houle, la furie du monde succède à la furie de la mer, dans le black cathartique de Romain Paulet que vous pouvez retrouver en interview dans le Mag Fest 2024. C'est puissant, envoûtant et le public se laisse emporter. Je vois les mêmes poings se lever, s'abaisser, encore et encore, encourageant, accompagnant créant une vraie communion salvatrice dans la folie destructrice de Ruyyn.
Le black est un style qui puise énormément dans mes émotions, qui m'apaise et me vide comme une séance d'hypnose. Je vide mon esprit en attendant l'arrivée de Pénitence Onirique. C'est un groupe que nous aimons beaucoup et que nous avons découvert lors de notre premier concert post-COVID où nous étouffions tous sous nos masques, dans des salles aux trois quart vides suintantes d'angoisse. Quel bonheur de découvrir ce groupe, installés dans un canapé Louis XV (concert assis obligatoire) qui, l'espace d'une heure, nous a emmené bien loin du cauchemar de l'instant. Pénitence Onirique entre en scène et arbore, à l'occasion de la sortie de leur troisième album, Nature morte, de nouveaux masques. Les anciens, couvrants toujours totalement les visages, laissaient penser à des branches d'arbres dorées, des cornes de cerfs atrophiés. Les nouveaux évoquent les fêtes de Sabbat et les excès orgiaques avec leurs breloques brillantes oscillant au moindre mouvement. Leur nouvel album, à la composition plus technique, plus rapide, gagne en puissance et retranscrit à merveille l'envie, la jalousie, la violence, la peur, le besoin du sacré de l'homme que le groupe expose à travers la théorie du mimétisme, fil conducteur de Nature morte.
Ad Padres
Puis, la réalité reprend ses droits : le travail m'attend dans quelques heures, nous reviendrons demain poursuivre notre immersion au Muscadeath.
Nous attaquons le deuxième soir avec Sven, le leader d'Aborted, pour une interview très sympa, ce qui ne nous permettra pas d'assister au set complet de Karras. Ce groupe parisien puise ses influences dans le death old school et le méchant grind et délivre une musique extrême, brutale avec une basse puissante à la Kilmister qu'il annonce dés le départ avec un "On fait du Rock and Roll !". Nous les avions déjà vus au Motocultor cette année et il me reste toujours cette impression de sale, cette volonté de salir son public, de le rouler dans la fange. Karras fait référence au père Damien Karras dans l'Exorciste. La violence de leur concert est telle que l'on imagine les combats fantastiques de ce prêtre contre le Mal et que l'on en ressent toute l'intensité malsaine et inhumaine. Je sors de la salle encore assommée par la brutalité du groupe. La soirée commence très fort et la pause entre les groupes permettra à mon esprit de tenter des resets pour mieux décharger mes émotions.
Karras
On enchaîne ensuite avec Mortuary, groupe lorrain formé en 1988, visiblement très heureux de se produire au Muscadeath. Ils nous ont bien laminé avec un death mâtiné de thrash saupoudré de quelques touches de grind. C'est rapide, très rapide, violent, très violent. Entre hurlements, riffs de bûcheron et rafales de blast beats, le groupe nous aura malmené tout le long de leur set et me laissera l'impression d'être passée sous un rouleau compresseur. Le sourire satisfait du chanteur en fin de concert et la joie des festivaliers me confirmeront que c'était un putain de bon moment !
Ad Patres fait son entrée sur scène alors que je suis encore en train de me demander comment je vais survivre à la brutalité de cette deuxième soirée du Muscadeath. Je n'ai pas l'habitude d'enchaîner les groupes de death, mes sens sont perturbés et je peine parfois à trouver mon souffle tellement les émotions ressenties sont intenses. J'attends la déferlante et là, patatras : problème de micro, la voix du chanteur est inaudible. Problème vite résolu car, dès la deuxième chanson, le son revient et nous révèle la belle voix du nouveau chanteur aux pieds nus, Josh. Les Bordelais délivrent un death old school hyper agressif, avec un death growl très profond, caverneux. Malgré la brutalité du genre, le groupe a dégagé une vraie joie, des sourires, un plaisir partagé d'être au Muscadeath en remplaçant, en dernière minute, Acranius.
Aborted
Après une pause frites et une bonne bière pour reprendre des forces, je retourne dans la salle et découvre Karl Willetts, le chanteur des Anglais de Memoriam. Avec ses très longs cheveux blancs, il a un look détonant ! Mais ne le prenez pas pour un papy car bientôt ses rugissements de guerrier envahissent l'espace. C'est du death old school, efficace et classique, le public semble ravi. Mais je n'accroche pas. Je préfère faire une pause pour mieux profiter du dernier concert, mais reviens chanter pour l'anniversaire de Karl avec les festivaliers.
Memoriam
Le moment que j'attendais tant arrive ! Aborted ! J'admire les décorations de la scène avant leur arrivée. Je suis au premier rang et je tiendrai bon jusqu'à ce qu'un coup de rangers en plein crâne ne me fasse abandonner cette place de choix. Mais je ne regrette rien car Aborted est réellement le leader de la scène européenne du brutal death ! Après bientôt 30 ans d'existence, le groupe nous délivre un set millimétré avec une qualité technique et musicale rare. La voix de Sven est puissante mais maîtrisée, et mes oreilles frémissent de bonheur. C'est tout aussi violent, brutal et cela tabasse vraiment, mais avec une élégance que je ne pensais pas un jour trouver dans ce style musical. Je suis réellement sous le charme. La dernière chanson arrive et comme moi, toute la salle regrette que le set soit passé si vite. Vivement le temps de les revoir.
Notre week-end au Muscadeath s'achève, nous repartons la tête emplie de souvenirs et les oreilles saignantes. J'oscille entre une nostalgie précoce et un soulagement bienvenu après ces concerts si intenses. Mais la réponse est déjà là : nous reviendrons l'année prochaine.
Un grand merci au festival Muscadeath pour leur invitation, la qualité de leur programmation et de leur organisation, aux bénévoles souriants et bien sûr à Alexandre de M&O Office pour son accueil très pro et sa gentillesse.
Publié dans le Mag #62