Yann Motocultor Commençons par le commencement : comment est né le Motocultor Fest et quelles sont les grandes étapes qui vous ont amené à créer l'un des festivals de metal les plus palpitants de France ?
L'histoire débute par un groupe : Motocultor. Fondé en 2006 par une bande d'amis, le groupe commence par faire quelques concerts autour de reprises de hits disco et de génériques populaires, le tout alimenté par une dose de metal, en incluant des reprises de Metallica et Sepultura. J'organisais de plus en de concerts en salle, puis après avoir été bénévole sur l'ancien festival de Saint-Nolff, j'ai eu l'envie de créer notre propre festival plein air sur le Pays de Vannes où le groupe serait tête d'affiche, ce qui a été le cas sur les deux premières éditions. En attendant de réussir à convaincre la mairie de Saint-Nolff de nous accueillir sur le site de Kerboulard, nous avons fait nos preuves sur différentes communes du Pays de Vannes, notamment en salle sur la commune de Saint-Avé en 2007 et 2008 devant 200 puis 450 personnes. À partir de 2010, nous avons réalisé sur la commune de Séné la première édition plein air avec près de 4500 entrées. Ensuite, nous avons été sur Theix pour les éditions 2011 et 2012 où le festival a continué de grandir jusqu'à 11 000 entrées. En 2012, nous baptisons les deux scènes que nous appelons la Dave Mustang et la Supositor Stage. En mars 2013, après de nombreuses négociations, la mairie de Saint-Nolff nous permet, à notre grand soulagement, de faire une édition sur leur site de Kerboulard. C'est presque la consécration.
En 2015, il y a un accord oral avec la mairie de Saint-Nolff pour que le festival puisse y rester durablement. Cette année-là, une nouvelle scène sort de terre : la Massey Ferguscène. 60 groupes et plus de 20 000 festivaliers seront présents sur cette édition. Pour son édition 2018, le festival est annoncé sold out et atteindra la barre des 30 000 festivaliers. Behemoth, Alestorm, Ministry, Sepultura, Cannibal Corpse, ou encore Perturbator étaient à l'affiche. En 2019, le Motocultor Festival innove par l'ajout d'une quatrième journée, un jeudi thématique. Elle sera premièrement celtique, réunira un marché médiéval et "Excalibur The Celtic Opera Rock" ainsi qu'Alan Stivell : 42 000 entrées. Cette édition record fut marqué par le concert atypique et décalé d'Henri Dès & Ze Grands Gamins. Après deux années blanches en 2020 et 2021, l'édition 2022 marque la 13ème édition du Motocultor Festival, et l'ajout d'une nouvelle et quatrième scène : La Bruce Dickinscène. 2022 fut l'année des records. 44 000 festivaliers se sont réunis autour de 105 groupes et d'un jeudi rock qui a notamment fêté le retour des Libertines. En 2023, le festival a déménagé à Carhaix ce qui est un grand challenge pour nous.

Comment se compose l'équipe du Motocultor ? Quel est le rôle joué par chacun ? Combien de salariés toute l'année, combien d'intermittents le temps du festival, de bénévoles pour faire tourner la machine ?
Le noyau se compose d'une équipe restreinte et soudée d'environ 10 personnes dont 3 salariés à temps plein et 3 salariés à temps partiel. En 2022, nous avons eu l'aide précieuse de 850 bénévoles, cette année nous en cherchons 1000, afin qu'ils puissent profiter du festival et bénéficier d'un engagement plus court en terme d'amplitude horaire.

On peut dire ou pas que le Motocultor est un peu le petit frère du Hellfest ? Ou vous n'avez aucun point commun si ce n'est peut-être la zone géographique ouest et le style musical ? Le festival met-il toujours à disposition une partie de ses équipes ?
Nous sommes plus petit, plus récent et proche géographiquement. Nous partageons effectivement la même passion pour le metal et avons quelques bénévoles ainsi qu'un ou deux prestataires en commun. Cependant, nous n'avons pas les mêmes objectifs.

En parlant de zone géographique juste avant, on a appris que le festival déménageait à Carhaix. On pense aux Vieilles Charrues, c'est le même site ? Quelles sont les raisons de ce changement de lieu ? Ce départ était-il inéluctable pour grandir ou survivre ?
Oui, c'est le même site que les Vieilles Charrues. En juin 2022, le festival apprend que la mairie n'autorisa plus le festival sur une durée de quatre jours. Pourtant, depuis le COVID, la formule 4 jours est devenue la norme dans les festivals metal européens et les élus ne justifient pas les raisons de leur choix. C'est un format essentiel qui nous permet d'optimiser de nombreux coûts. À cela s'ajoutent la perte à venir de terrain de parking et l'absence de possibilité d'aménager le site de Kerboulard, alors que nous avions des solutions de financement des travaux. Depuis 2019, nous étions en réflexion sur un possible déménagement du festival et en juillet 2022, nous actons donc le départ de Saint-Nolff après huit éditions. Nous avons su saisir l'opportunité d'aller sur Carhaix. Nous avons de la chance de pouvoir continuer le festival dans de bonnes conditions sur un site qui a été aménagé pour l'accueil toute l'année de grands évènements culturels et sportifs. Nous pouvons enfin nous projeter sur le long terme et investir dans du matériel. Nous changeons de lieu mais notre projet ne change pas de nature. Le festival souhaite rester à taille humaine et convivial avec une jauge à 15 000 personnes par jour. Nous restons sur quatre jours et quatre scènes et nous accueillerons l'an prochain 110 groupes dont une majorité de groupes internationaux. Nous continuons à mettre en avant la scène metal régionale amateur et émergente ainsi que les artistes traditionnels bretons. Pour notre taille de festival, les capacités en stationnement sont parfaitement adaptées.

Est-ce qu'on peut dire que le festival ouvre un nouveau chapitre de son existence avec ce nouveau lieu et l'épreuve de la pandémie de COVID peu avant ?
C'est une nouvelle ère qui démarre à Carhaix, en effet ! Nous avons un bon accueil de la part des habitants, et la mairie a tout de suite donné son feu vert quant à notre installation.

Est-ce que le Motocultor se fixe des limites dans sa programmation ?
Notre programmation se base sur des groupes d'envergure nationales et internationales dans les styles rock et metal. Nous allons aussi vers les musiques traditionnelles en lien avec le metal pour garder une cohérence. Depuis 2007, nous proposons un festival éclectique.

Motocultor Festival Le "gonflement" des cachets dû notamment à la chute de la vente des disques peut-il mettre en péril un festival comme le vôtre ? Quelle est la part du budget du festival attachée à la programmation ? Est-ce que le festival est en bonne santé financière ?
La part du budget artistique devient de plus en plus important. C'est plus du tiers du budget. Pour continuer, nous avons du augmenter le prix du billet. Le festival a connu une année difficile en 2022. La reprise post-COVID des concerts a été rude l'an dernier. Pour 2023, nous retrouvons un rythme normal des ventes billetterie.

Les années précédentes, une journée "spéciale" ouvrait le festival, ce qui ne semble pas être le cas cette année, alors que le festival passe à quatre scènes. Une explication particulière à ce sujet ?
Nous n'avons pas trouvé de tête d'affiche pour le jeudi nous permettant de donner une couleur à cette journée d'ouverture. Cependant, la journée est très large dans les styles et nous proposons du rock avec Royal Republic, du hard rock avec les Australiens de Wolfmother. La prog du jeudi cette année fonctionne bien pour les pass 4 jours. La vente des pass 3 jours a quasiment disparue.

As-tu en tête des petits groupes que vous avez programmé il y a longtemps et qui maintenant sont devenus importants dans le monde du metal ?
Behemoth et Kreator, qui pourraient presque être tête d'affiche au Helffest. Je crois qu'on a été l'un des premiers en France à programmer en festival Carpenter Brut, Jinger, Lord Of The Lost, Bloodywood et Electric Callboy. Ces groupes grandissent très vite. La scène metal continue à se renouveler.

Qu'y a t-il encore à améliorer selon toi au niveau de toute l'organisation du festival ? Il est souvent évoqué une demande d'amélioration de la partie restauration par exemple...
Pour la restauration, il y a eu de grands changements l'an dernier et les files d'attente ont disparu. On va rester sur la même formule en 2023. Pour cette année, nous allons proposer des casiers (lockers), ce qui permettra à nos festivaliers de mettre en sécurité leurs affaires sensibles. Nos priorités seront aussi d'améliorer l'éclairage public, la signalétique et le nettoyage de l'ensemble des sanitaires.

Est-ce que tu penses qu'il y a un regain d'intérêt pour la musique rock et metal en France ?
Depuis, le COVID et avec le déménagement à Carhaix, je n'ai pas pris le recul pour réfléchir à cela avec profondeur. La scène metal se renouvelle un peu, mais pas suffisamment. Le public des festivals metal vieillit, selon les statistiques de nombreux sondages publics. Pour son avenir, il faudrait beaucoup plus de nouveaux groupes qui percent.

J'ai évoqué le Hellfest tout à l'heure, est-ce que son existence à apporté du positif ou du négatif au Motocultor ? On pourrait facilement imaginer que les festivaliers qui n'ont pas pu se procurer de pass au Hellfest se dirigent vers le Motocultor...
Le Hellfest n'apporte que du positif pour la scène metal. On entend des gens dire qu'ils ne veulent plus aller au Hellfest mais ils vendent leur place en moins d'une heure. Il n'y a pas de basculement de public vers nous. 2022 et 2023 fait à peine plus de monde que l'édition 2019, alors que la programmation est plus ambitieuse.

Quel est ton agenda annuel, une fois qu'une édition du Motocultor est terminée ? Quand commence le booking des groupes, la recherche de partenaires, la promo, etc... ?
Le booking des groupes commence 16 mois avant les dates d'une édition. La recherche de partenaire se fait dès maintenant pour l'an prochain. Une fois le festival terminé, il y a les bilans à faire et, en même temps, il faut démarrer fort la promo car tous les festivals européens de metal communiquent dès début septembre pour l'été suivant.