Sold out ! Quasiment six mois avant l'événement, le Hellfest cuvée 2014 était sold out. Faut dire qu'avec l'affiche attrayante proposée par Ben et ses sbires, ça ne pouvait pas être autrement. Tu penses bien qu'on a voulu en savoir un peu plus. Alexxx a pris le temps de répondre à nos questions le temps d'une interview riche en infos et anecdotes. Go !
Hellfest 2013
Salut Alexxx... Tout d'abord, en guise d'introduction, peux-tu nous présenter en quelques mots ton background, tes activités dans la musique avant le Hellfest et tes fonctions au sein du festival ?
La musique, j'en fais depuis quinze ans avec notamment Otargos, Kause 4 Konflikt, Psoriasis. Entre les tournées et les collaboration avec pas mal de labels, j'ai toujours travaillé dans le milieu de la musique. Parallèlement graphiste, j'ai monté une association qui organisait des concerts, fait de la radio : et ai donc touché à pas mal de domaines qui gravitaient autour de la musique metal. J'ai ainsi monté mon réseau avant de rejoindre l'équipe de Hellfest il y a environ deux ans. A la base, j'avais démarché l'association pour réaliser un stage en tant que graphiste, puis je suis rentré au sein de l'équipe.
Concrètement, mes missions sur le festival sont celles d'un chargé de communication et de production. En gros, je m'occupe de tout ce qui à trait au "community management" : gestion du site internet, des réseaux sociaux, aide aux partenaires et opérations marketing en plus du fan club que nous venons de monter : le Hellfest Cult. A coté de ça, je fais également de la production artistique : je m'occupe d'héberger et de transporter, au niveau interne et externe, tous les artistes et invités du festival.
En parlant du Hellfest Cult, peux-tu m'en dire plus ? L'intérêt de ce fan club pour le festival, le nombre de membres aujourd'hui, leurs avantages, quelle finalité pour le festival ?
C'est notre première année, c'est une sorte de beta test. On a compris qu'il existait une communauté de "fans" du festival assez forte qui ne se posait pas particulièrement la question de la programmation. Car chaque année, nous mettons en place une billetterie pendant l'exploitation pour l'année suivante, et certains sont contents de pouvoir acheter directement leurs places pour l'année suivante, sans se soucier de la programmation. Il se passe quelque chose, il y a une entité, et ces gens-là suivent le festival, quoi qu'il en soit. Cette communauté, on a décidé de la "regrouper" sous la même bannière, et de créer un système de "fan club" qui n'a jamais vraiment été fait au sein d'un festival, en créant la "milice" du festival qui supporterait nos opérations. On pensait regrouper, au moment de monter le projet, peut-être 300 personnes, mais ça a éclaté car en quinze jours, nous avons eu environ 1.000 personnes. Nous avons voulu nous arrêter à 1.000 inscrits pour des raisons logistiques : pour une première année, on ne peut pas se permettre de faire quelque chose de trop gros, car nous sommes là pour "soigner" un peu cette communauté. Pour le moment, cette communauté a comme avantage un accès à un groupe privé et une plateforme privée où le Hellfest met des exclusivités. Le déroulé du Hellfest leur est dévoilé en exclusivité. A coté de ça se créent des groupes de discussions, des groupes de rencontres via une interface complète avec des concours et des interactions. Je ne peux pas vraiment tout dévoiler car ça reste interne au groupe, c'est un peu fermé pour le moment. Il y a également la possibilité d'acheter du merchandising collectif et surtout de porter les couleurs du blouson "supporter" du festival. En plus, nous sommes en train de voir et de repenser le site de l'exploitation festival, du fait de l'importante programmation, et seront mis en place de nouveaux services pour cette communauté : il y aura certainement des accès en VIP, peut-être un bar privé pour cette communauté pour boire un verre sans forcément faire la queue et aussi permettre de se retrouver. L'idée est de pouvoir faire vivre le festival "autrement", sans forcément être sectaire. Ca permettra aussi à des festivaliers qui viennent seuls au festival, on a pu le constater, de retrouver d'autres personnes. Ce fan-club permet donc à cette communauté de se rencontrer, de partager des choses, et c'est bien là le point le plus important qu'on a voulu mettre en place.
Hellfest 2007 : la boue et le foin...
Quelques changements ont pu être perçus sur le site du Hellfest l'année dernière, avec une nouvelle Valley, une Warzone en plein air et une nouvelle zone de bouffe. Quels sont les points positifs et négatifs constatés lors du bilan ? Y aura-t-il des réajustements pour l'édition 2014 ? Quels sont les changements que l'on pourra découvrir en 2014 ?
Je ne vais pas pouvoir répondre à toutes tes questions... Quand toute l'équipe technique fait des études de terrain et surtout les flux de circulation, on est obligé d'attendre le jour J de l'exploitation pour concrètement avoir des résultats. Cela signifie qu'on ne peut pas dire : "en utilisant ce schéma, on est sûr que ça va se passer comme ci ou comme ça". Pour 2013, nous sommes bien conscients que le site a été changé, mais c'est vrai qu'il y a eu un engouffrement du côté de la Warzone, que l'on aimerait bien agrandir, qu'il y en a eu un également du coté des Mainstages et que là, en attendant Iron Maiden, nous sommes bien conscients qu'il va falloir agrandir cet espace pour accueillir plus de monde devant les Mainstages. Le but du festival, c'est que tous les festivaliers puissent profiter sans se retrouver dans une boîte à sardines, d'autant plus que le festival affiche complet cet année. De nouveaux arrangements vont être faits au niveau des flux de circulation, de l'agencement, de la décoration... Il va vraiment y avoir du changement. Vraiment. Et à tous les niveaux. Même pour le Metal Corner, qui est l'antenne parallèle du festival, nous allons miser gros pour offrir un autre cadre encore plus sympa et dynamique. Il se passe tellement de choses que nous ne pouvons pas encore affirmer par A + B que ça va se passer comme ci ou comme ça, du fait que l'on soit à cinq mois du festival (ndlr : l'interview est réalisée le 13 février).
Quel bilan tirez-vous de l'année 2013 ? De mon point de vue, ça semble s'être bien passé, mais il parait que le festival a été déficitaire.
Oui, nous avons fait un bilan négatif, tout simplement à cause de la concurrence, de la taxe sur la bière, les taxes CNV (ndlr : Centre National de la Variété), les taxes SACEM : nous avons eu des charges supplémentaires qui ont été très lourdes et qui justifient en partie le déficit. Bon, après, il n'y a pas du tout péril dans la demeure... Alors tu analyses, tu fais le tour de la question, on a peut être perdu de l'argent l'année dernière à cause des taxes, des charges, mais cette année, nous annonçons sold-out et nous allons rééquilibrer la balance sans problème, d'autant plus que cette année, nous n'avons pas de concurrence en France, dans registre.
Que t'évoquent d'une part l'annulation du Sonisphere, qui pouvait représenter un outsider sérieux en France, et, a contrario, le métal qui a le vent en poupe sur certains festivals et notamment une belle journée au Main Square ou une journée spéciale Rammstein l'année dernière aux Vieilles Charrues ?
Qu'il n'y ait pas de Sonisphere, nous, ça nous arrange. D'autant plus que ce n'est pas la même politique de travail, le Sonisphere ayant tendance à ramener des têtes d'affiche sur un parking en mettant les frites à droite et les t-shirts à gauche. Ce n'est pas comme ça que nous fonctionnons. D'ailleurs, si le Sonisphere ne réitère pas, c'est peut être parce qu'il lui manque quelque chose. Après, qu'il y ait d'autres festivals sur les pays limitrophes, pourquoi pas, ça n'empêchera pas le Hellfest de perdurer car nous avons été élus "festival à la meilleure ambiance". Nous sommes conscients que les festivaliers recherchent plus qu'une simple programmation. Donc, quand tu as une programmation diabolique comme nous sommes heureux de l'annoncer cette année, et qu'en plus tu as des structures, une ambiance et des décorations, et bien je pense que tu as tout gagné, et c'est ce qu'attendent les gens. Tu parlais de Rammstein... Nous, nous y étions, ce n'a pas été un succès pour les Vieilles Charrues, ça a même été un gros risque. Nous avions émis l'idée de programmer Rammstein, mais le groupe a préféré travailler sur un festival plus "grand public", et finalement, tu t'aperçois que les Vieilles Charrues ont fait moins d'entrées que l'année précédente. Ils ont pris une casquette car ils ont voulu mélanger les publics. Alors oui, tu peux voter pour la pluralité des publics, mais dans le métal, ça marche moins. Beaucoup de gens sont allés voir Rammstein, mais beaucoup de gens sur place n'étaient pas forcément fans de ce genre de musique, et donc ça ne l'a pas fait. Nous aussi nous avons pris une casquette l'année dernière, mais les Vieilles Charrues aussi, même s'il faut rajouter les effets de la crise...
Nous sommes mi-février et le Hellfest a déjà dévoilé depuis belle lurette sa programmation et le festival est complet depuis une dizaine de jours. Estimes-tu que le festival a aujourd'hui passé un cap supplémentaire ? Le public est-il de plus en plus exigeant pour connaître l'affiche au plus tôt ? Le Hellfest connaîtra-t-il un engouement comme le Wacken qui annonce complet en 48 H ?
C'est difficile à dire. Tout d'abord, le fait que le festival soit complet si longtemps à l'avance, c'est une grande surprise pour nous. Nous sommes très contents car d'habitude, nous annonçons les groupes plus tard. Ben, le directeur du festival, a annoncé tout ce qu'il pouvait dire dès maintenant. Résultat des courses : le festival est sold out, c'est une bonne chose. Le festival rêve-t-il de devenir de plus en plus grand ? Oui, c'est sûr que ça serait bien. Après, nous ne sommes pas propriétaires des terrains comme le Wacken, nous ne sommes pas en Allemagne, la musique métal a eu du mal à faire sa place chez nous. Même si aujourd'hui le Hellfest est une entreprise qui fonctionne, il faut savoir qu'il y a moins de dix ans, ça a été très très difficile. Quand tu entends l'historique de Ben et la façon dont il s'est battu pour mettre en place ce festival, tu te dis que ce n'était pas gagné d'avance. Maintenant, la communauté, mais pas dans son intégralité, semble avoir accepté le festival et pour que l'on devienne plus grand, il faudrait soit que nous touchions plus de subventions, soit que nous ayons du terrain et donc plus de place : pour l'instant, nous ne l'avons pas. On travaille à chaque fois à s'agrandir au maximum pour accueillir plus de monde et ce afin que Hellfest reste un festival agréable. Je ne sais pas ce que sera le Hellfest dans dix ans, mais déjà, nous sommes conscients et heureux de pouvoir vivre cette expérience et de la partager avec un maximum de monde.
Hellfest 2007 : la boue et le foin...
Si je ne me trompe pas, c'est peut être la première fois dans la vie du festival qu'une tête d'affiche de niveau international se produira chaque soir, avec notamment deux groupes que vous avez ignoré l'année dernière : qu'est ce qui, en un an, a changé la donne ?
On a quand même fait des éditions avec Iggy Pop, Scorpions, Alice Cooper, Deftones, Kiss, Def Leppard, Guns N Roses... il y a quand même eu par le passé des têtes d'affiche assez importantes et conséquentes. Le fait que la programmation 2014 soit ce qu'elle est, c'est à la fois un coup de chance, mais aussi un coup de risque, car au moment où Ben va à la recherche des talents, parfois ils ne sont pas disponibles, soit ils demandent trop cher, ou alors l'agent ne veut pas les faire jouer. Mais quand c'est le groupe qui demande à jouer, tu ne peux pas te permettre de dire "non, on ne veut pas de vous !", surtout quand il s'agit de gros groupes. Evidemment, Iron Maiden, on en a beaucoup parlé et en interne, on s'est dit : "merde, est-ce qu'on aura Maiden, est-ce qu'on aura Maiden ?". Et on soupçonne même cette année que ce soit Iron Maiden qui ait demandé à son agent de venir jouer cette année au Hellfest, car quand tu es un groupe international, aussi fédérateur qu'Iron Maiden, que tu joues sur tous les festivals et que tu vois que le Hellfest a la meilleure ambiance, les meilleures décos, et qu'il y a tous les retours des artistes et de la presse, le groupe se pose des questions : "Mais pourquoi moi, je ne joue pas dans ce truc là ?". Surtout quand tu es plus proche de la fin de carrière que du début. Nous sommes conscients que la programmation de cette année est assez colossale : sans être plus royaliste que le roi, je ne crois pas qu'en France, on ait eu une programmation rock avec une telle amplitude.
Hellfest 2008 : Clisson
J'imagine que le festival a dû se battre durant les premières années avec les agents et tourneurs en tout genre pour choper des groupes. Maintenant que le festival est reconnu de tous, exigez-vous des exclus ou des dates uniques en France pour le festival, jouez-vous de cette position de leader dans le secteur ?
Ce qui se passe, c'est que ce n'est pas nous qui décidons pour les artistes. Si tu prends l'exemple de Def Leppard que Ben est allé chercher l'année dernière aux Etats-Unis, on voulait offrir l'exclusivité en Europe. Le groupe dit "oui, pas de problème pour l'exclusivité" mais une fois le contrat signé et que l'agent a vendu, tu t'aperçois que comme par hasard, le groupe a tourné également en Espagne, à droite à gauche. Donc l'exclusivité, tu ne l'as plus, et pour ça, tu ne peux rien faire. On tente d'avoir l'exclusivité, mais le groupe est toujours maître de ses décisions. Et quand on te fait un coup comme ça, tu ne peux pas te retourner et dire "Non, vous ne respectez pas les contrats,...". On n'est pas du tout comme ça et de toute façon, ça serait peine perdue : tu rentrerais dans une paperasse administrative infernale et tu ne pourrais jamais rien faire. Même si Ben fait la programmation et qu'il décide de qui joue, quand l'artiste est validé, c'est ensuite cet artiste qui est chez lui.
En ce qui concerne la programmation, et bien que ça ne date pas de cette année, le Hellfest rivalise avec les plus gros festos européens... Avez-vous la volonté de devenir le plus gros festos européen ?
Je ne sais pas si nous avons l'intention de devenir le plus gros... en fait, non, je ne le pense pas. Nous avons l'intention de devenir un festival reconnu en France, ça oui. Après, le Hellfest n'a même pas dix ans. Tu parlais du Wacken tout à l'heure. Ce festival a quel âge ? 20, 25 ans ? (NDLR : 24 cette année, il a débuté avec 6 groupes pour 6 euros en 1990) Il a un public allemand. Avant qu'on soit plus gros que Wacken et qu'on arrive à faire sold out comme eux, il y a encore du chemin. Nous, ce que nous voulons, c'est redorer l'image du métal et du rock en France. Il y a dix ans, les mass médias s'en branlaient du Hellfest. Et maintenant qu'il va y avoir un rassemblement de 45.000 personnes par jour à Clisson, ils se doivent de s'interroger sur ce qui se passe. C'est un peu ça la gloire de notre truc : nous créons un évènement durant lequel nous sommes tous fans de la même musique, et c'est ça qui est grand. Après, nous n'avons pas l'intention de devenir le plus gros... On serait content de détrôner les Vieilles Charrues. Si nous arrivons, en France, à montrer que le mouvement musical "metal" est en train d'enrhumer tous les festivals qui sont subventionnés alors que nous sommes quasi autonomes, c'est quand même énorme. Imagine l'aventure : tu pars de rien et tu arrives à ça... En plus, pour une musique qui est, à la base, cataloguée de marginale, surtout en France. Si tu parles de la musique que toi et moi nous écoutons, tu n'as aucune considération, et quand les médias en parlent, ils disent souvent de la merde, car ils ne savent pas trop de quoi ils parlent. Et nous, ça nous fait rire car nous faisons tous partie de cette même secte secrète qu'est le metal. En les entendant parler, tu te rends compte qu'ils ne savent pas de quoi ils parlent. Nous sommes là, tous ensemble, et il se passe quelque chose et tu leur montres ce qu'on fait, et ainsi, en devenant de plus en plus gros, "on existe". C'est différent aux USA et même dans le reste de l'Europe mais en France, nous avons un peu la rage de dire que cette musique, même dans les petites structures, est très peu considérée, que ce soit dans le rock soft que dans les groupes les plus occultes et plus extrêmes. Et nous sommes donc contents de dire que, non seulement nous sommes suivis, que les mass médias s'intéressent de plus en plus à nous, et que le rassemblement de personnes est tellement conséquent sans un seul incident, avec des groupes assez prestigieux, que tu enrhumes tout le monde. Le but est de faire valoir la musique telle qu'elle est, de faire un festival hyper beau qui se détache de tout et à partir d'une collectivité qui est à la base marginale.
Après Iron Maiden, Black Sabbath, Aerosmith, il va être difficile de viser plus haut. Sans déconner, vous avez encore des cartes dans le chapeau, car là, j'ai vraiment du mal à voir ce que vous pouvez proposer de plus gros.
Et bien il y en a... Evidemment, tout le monde pensera de suite à Metallica, AC/DC,... Mais ça, c'est encore autre chose, c'est une autre stratosphère. Ce qui se passe, c'est qu'en 2011, nous avions quatre scènes : en 2012 on passe à six scènes. En 2010, nous étions loin d'imaginer qu'on aurait quelques années plus tard Iron Maiden sur l'affiche. On est incapable de dire ce qu'il y aura en 2015. Ce qui est sûr, c'est que ça sera les dix ans, et que des gros groupes, il en reste encore : Alice In Chains, Rage Against The Machine,... Au sein du bureau, aucun nom n'est tombé, on ne sait rien : c'est Ben qui garde ça secrètement, et je ne sais même pas s'il a déjà des propositions qui sont tombées. Mais connaissant le boss, tout est possible !
L'année prochaine, le Hellfest fêtera ses dix ans : avez-vous d'ores et déjà prévu quelque chose d'exceptionnel, une journée supplémentaire, un best of de la programmation des neuf premières éditions ?
Non. Pour le moment, nous savons que ce sera les dix ans, mais pour l'instant, on prépare tellement les nouveautés de l'édition 2014 que nous nous concentrons vraiment là-dessus. Il va y avoir pas mal de changements et de nouveautés. Le Hellfest va vraiment être repensé, et nous sommes conscients que les festivaliers veulent toujours avoir un petit truc en plus. Et en 2014, il va se passer quelque chose. Je ne peux pas spoiler car il y a encore des projets en réflexion et que rien n'est confirmé, mais il va y avoir du lourd !
Hellfest 2010 : On a vu Christine Boutin
Quelles sont tes fonctions pendant le week-end du festival ? Trouves-tu du temps pour aller voir certains groupes qui te sont chers dans la programmation ? N'éprouves-tu pas une certaine frustration de ne pas pouvoir assister au show d'un groupe que tu tenais énormément à faire figurer sur l'affiche ? Quels sont les cinq groupes que tu ne louperas pas cette année ?
Frustration ? Non, aucune. Nous travaillons avec les artistes en amont pendant très longtemps, nous avons une sorte de relation épistolaire virtuelle. Je suis moi-même amené à rencontrer ces artistes car je suis dans les bureaux de production et à l'accueil : je gère donc toutes les équipes de "run" et les équipes d'accueil des artistes, et on gère toute sorte de problèmes. L'année dernière, je voulais voir Danzig que je suis allé voir, et c'est tout ce que j'ai vu si ma mémoire est bonne. C'était la fin du festival. Ah non, je suis passé en coup de vent voir le show "spécial" de Down suite à l'annulation de Clutch. Donc frustré, pas du tout, car nous sommes enfermés dans les bureaux de production à gérer pas mal de choses mais ça m'arrive, quand je vais sur le site de l'exploitation et que je fais un tour le vendredi vers 20h. Quand je rentre dans mon bureau, le site est désert, et quand j'en ressors pour la première fois, le site est rempli et il y a alors une sorte de montée d'émotion énorme ! "Voilà ce qu'on a réussi à construire en un an !" et ça, c'est amplement suffisant. Tu t'aperçois que quand tu es au cœur de ce truc, la musique et les shows en eux mêmes sont annexes. Tu ne te dis plus : "j'ai envie de voir ça sur scène", car tu travailles pour le Hellfest, tu ne travailles plus pour les concerts mais pour l'évènement en globalité. Après, cette année, j'aimerais bien voir Clutch, mais vraiment si j'ai te temps car généralement, je me lève à 8 heures et je me couche à 6 ! En gros, je dors deux heures ! Je ne fais que courir, mais ce n'est vraiment pas très grave car le Hellfest, je l'ai fait en tant que festivalier, en tant qu'invité, en tant qu'artiste et en tant que salarié : et bien pour moi, festivalier, c'est ce que j'ai le moins aimé car j'ai maintenant l'opportunité de travailler au sein du festival.
Peux-tu nous faire part d'anecdotes concernant les groupes reçus sur le Hellfest ?
Qu'est-ce que je pourrais te raconter ?... On me le demande souvent mais comme il se passe dix ou quinze choses par minute, ton cerveau n'a pas le temps d'enregistrer tout car il agit immédiatement et qu'il est surchargé d'informations... Ah, en 2012, Machine Head : le groupe avait réservé un tour bus qui venait les récupérer après le show, et ils se sont trompés dans les dates de réservations. Le tour bus qui devait les récupérer tout de suite après le show pour les emmener à Paris le soir-même en vue de récupérer un avion n'est donc jamais arrivé. Sans tour bus, tu te retrouves dans l'urgence avec Machine Head et son staff, environ 15 personnes au total, avec des flight case à gogo... en te disant : "mais merde, les gars ont un avion dans quatre ou cinq heures, on est à Clisson, qu'est-ce qu'on fait ?". Donc, ça a été la course à trouver une entreprise de tour bus un vendredi soir à 22 heures. On a bataillé, tu passes un certain temps à trouver des solutions avec des taxis, et comme Machine Head était tellement pressé, on voit les taxis arriver, on envoie les gars dans les vans, et ils sont partis en oubliant un technicien qui était parti pisser. Ces taxis font Clisson - Paris et ça bombarde, ils ont des contraintes de temps, il faut que ça aille hyper vite, et à peine les taxis arrivés, en une minute, les vans étaient déjà dégagés et je vois l'autre revenir la bite à l'air "et moi, je suis tout seul, je fais partie du crew de Machine Head !". Résultat des courses : il a fallu faire la guerre au talkie walkie à appeler tous les barrages un par un pour arrêter les bagnoles. Je te laisse imaginer la boule de stress, mais on a réussi à arrêter une voiture et faire récupérer le technicien, mais ça a été une bonne lourdeur. Je te laisse imaginer quand les bagages sont perdus, quand Arcturus a perdu ses tenues de scène,... Il y a des anecdotes à la pelle et chaque année, tu as des querelles d'artistes. Ou tu as aussi des artistes un peu plus difficiles que d'autres, des artistes un peu bourrés car ils ont fait la fête et qu'ils se sont perdus, tu es censé en ramener six et il en manque un, il faut le retrouver, et retrouver un métalleux parmi un métalleux... j'ai beau être fan de la musique, je ne connais pas forcément tous leur tête...
Et cette rumeur selon laquelle Kiss demande des loges "brutes" en y aménageant son propre mobilier ?
Non, ça ne va pas jusque-là, mais Kiss, ça amène beaucoup de monde, même leur cuisinier. Kiss est une entreprise, c'est vraiment très très gros, donc, ils ont des riders qu'on essaye de suivre, mais ce sont des Américains qui disent "on veut de la glace, on veut des salles de musculation,...". Nous, on s'arrange pour que les headliners soient reçus de la meilleure façon à répondre à toutes leurs demandes, et quand on ne peut pas le faire, on s'arrange pour leur trouver une solution équivalente. Mais non, Kiss ne vient pas avec son mobilier, mais il viennent avec beaucoup de choses et ils sont très nombreux ! Mais ce sont des productions énormes, donc c'est normal qu'ils aient besoin d'avoir beaucoup de monde avec eux.
La pinte Hellfest tout fraiche
Malgré le fait que le festival soit aujourd'hui ancré dans l'univers des festivals en France, les médias arrivent encore à monter des reportages complètement délirant sur le métal (M6) : quelles retombées a eu ce reportage sur votre festival ? Finalement, cela n'a t-il pas été bénéfique en terme de soutien ?
Bénéfique ? Non. Ce reportage n'a pas fait de bien, ni de mal. Nous avons été touchés que les gens soutiennent le festival, mais le Hellfest a eu le nez creux et comme M6, nous ne nous sommes pas engagés dans le propos. Les gars d'M6 sont venus en caméra cachée, ils nous ont roulé dans la farine en arrivant et en nous disant "on fait un reportage sur telle chose" et ils ont utilisé des images de caméra cachée de l'année 2012 pour faire des commentaires complètement inadmissibles. Mais quand il y a eu "l'attaque" à la suite de la diffusion du reportage, M6 n'a pas communiqué, et on s'est dit : "Si M6 ne dit rien, et bien on ne va rien dire, car ça pourrait nous retomber sur le bout du nez". Et je pense que nous avons bien fait, et même si nous avions préparé des communiqués prêts à être lancés, on préférait attendre car nous étions conscients du soutien de toute la "scène". Mais on s'est aperçu que l'effet a grossi hyper vite mais qu'il est très vite retombé et si le Hellfest était intervenu, cela aurait fait boule de neige et ça nous aurait retombé dessus. Et M6 se défendait en disant "ce n'est pas nous, c'est une boîte de production avec qui on travaille qui a monté le reportage". En gros, il a eu beaucoup d'émulsion autour de ce truc là avec les "pour" et les "contre", et finalement, les deux concernés qui étaient Hellfest et M6 ont préféré rester en dehors de tout ça, et si nous avions vraiment mis le nez là-dedans, ça nous aurait porté plus préjudice qu'autre chose, car ça peut soit nous ralentir, soit soulever des lièvres... Et après, cette information, si tu ne la contrôles pas, tu as intérêt de faire très attention. D'ailleurs, si les gens de M6 demandaient à revenir, ont leur dirait non, même si on se doute qu'ils viendraient en caméra cachée et feraient comme d'habitude avec cette voix off qu'on connaît tous si bien. Il ne faut pas oublier que même si le festival est bien intégré au sein de la communauté de Clisson, il y a quand même des communautés et des minorités qui nous cassent les couilles, Nous, on leur répond qu'on ne fait rien de mal, ça reste de l'expression artistique, parfois un peu plus occulte qu'autre chose, mais on est pas plus violent que ce que faisait Avoriaz pour le cinéma d'horreur. Pour répondre vraiment à ta question, ce reportage ne nous a porté ni préjudice, ni avantage, mais nous avons quand même été émus de l'engouement de la pétition en ligne, en ayant, je le redis, le nez creux de ne pas se manifester.
Quelques chiffres ?
Le Hellfest est le plus gros chantier électrique de France. En terme de boisson : 12.000 litres de vin et 143.000 litres de bière. Tu imagines qu'on s'entend bien avec Kronenbourg. 700 journalistes et 400 médias, 112.000 festivaliers en 2013. Pour 2014 : 45.000 par jour donc 135.000 plus les invités et artistes, on va être à 150.000 personnes tout confondu. Plus de 2.000 bénévoles, presque 500 salariés et intermittents sur le site, 10 millions d'euros de budget cette année contre 8 millions l'an dernier.
L'interview est terminée. si tu as quelque chose à ajouter, c'est le moment.
On est content que le festival soit complet maintenant. Beaucoup de nouveautés sont prévues cette année. Nous sommes désolés pour ceux qui n'ont pas eu l'opportunité de prendre leur place et si la billetterie est un peu plus chère cette année, mais nous avons des charges de plus en plus importantes, et nous sommes obligés de composer ainsi car le budget artistique augmente du fait que les artistes ne vendent plus de disques et pour qu'ils gagnent leur vie, ils augmentent leur cachet. On promet tout de même un Hellfest dantesque et je pense que ceux qui n'ont pas pris leur place vont s'en mordre les doigts !
Merci à Alexxx et Roger Replica pour le relais.