Mercredi 26 juin

Welcome To Hell ! Welcome To Hell ! La veille du début officiel du festival est toujours un peu spéciale, avec ce sentiment étrange de calme avant la tempête. Nous faisons le voyage de Paris en covoiturage avec Guillaume, un fan de power metal et de hard rock ultra sympa, qui nous partage avec entrain ses bons plans et recommandations de groupes à voir cette année. Avec le nouvel accès proposé par le festival depuis le parking Ouest, nous atteignons plus rapidement l'entrée pour récupérer nos bracelets. Les 34°C mettent en branle nos organismes, particulièrement lors du montage des tentes sur le camping, si bien que c'est seulement en début de soirée que nous bougeons prendre le pouls des premiers festivaliers au Hellcity Square. Aussi bizarre que cela puisse paraître, c'est de l'électro et du rap qui fait office de fond sonore lorsque l'on arrive sur les lieux pour déguster le premier verre bien mérité, après cette journée qui a paru interminable (levé à 6h). Après quelques échanges avec des inconnus avec qui nous avons partagé notre planning en décortiquant soigneusement la prog' par jour, nous battons en retraite afin de nous reposer et d'être prêt pour le lendemain. En rejoignant le camping, quelques sourires se manifestent avec promptitude en découvrant les accoutrements de certains festivaliers (on n'était pas prêt pour le string panthère avec le paquet bien visible...).


Jeudi 27 juin

Arrivés aux alentours de 12h au niveau de la Hellstage, tout en attendant l'ouverture de la zone presse, nous tentons de trouver de l'ombre, tant le soleil et la chaleur sont plombant. C'est le groupe indonésien de punk hardcore Turtles Junior qui a l'honneur d'ouvrir les festivités sur la scène centrale du Hellcity Square. Crêtes sur la tête pour la moitié du quatuor, les garçons ont bien digéré leurs influences telles que Discharge et The Exploited (le chanteur et le guitariste portent respectivement un t-shirt des deux groupes britanniques, ce n'est pas un hasard). Avec ses morceaux très courts et rapides, sa rage remontée au taquet et des chœurs efficaces et fédérateurs, le quatuor est dans son élément et fier de jouer ici. Il ne cesse d'ailleurs de crier "apéro" entre chaque titre, un mot qu'il a dû apprendre durant son séjour en France... Les keupons, on ne les refait pas.

13h, la section W-Fenec du Hellfest est au complet, heureuse de se retrouver. Après avoir récupéré nos accréditations, on prend le temps d'échanger sur le Hellfest, sur nos plannings et autres sujets variés, tout en croisant quelques têtes connues (attachés de presse, confrères, copains...). Il est 16h et quelques, il est grand temps de débuter les festivités.

Komodrag & The Mounodor : Fusion de deux groupes armoricains (le quintet Komodor et le duo Moundrag), ce groupe né en 2019 est un condensé parfait de rock seventies et psychédélique, à mi-chemin entre Crosby, Stills, Nash & Young, Jefferson Airplane et Grand Funk (pour reprendre leur bio). Venu défendre leur premier album, Green fields of Armorica, il déploie une énergie incroyable et un groove indiscutable, notamment avec son excellent hit "Born in a valley". Sans vouloir jouer trop sur les mots, quand on joue ça sur la Valley, cela donne un peu de sens au propos. Le groupe (mais surtout son style musical) a subi en quelque sorte une renaissance avec ce show au Hellfest, un festival qui ne met pas assez l'orgue Hammond, les tambourins et les maracas en valeur, je trouve. Au passage, gros big up pour l'allure générale des gars (cheveux longs, moustaches et rouflaquettes, fripes de l'époque...) en totale adéquation avec la musique qu'ils jouaient. On a fait un bond en arrière de 40 ans.

Thrown (N) : C'est sous le soleil mordant de Clisson que nous débutons par le concert de Thrown. Un hardcore pur et dur qui retourne la Warzone. Alors, tout n'est pas parfait loin de là, car malgré une débauche d'énergie musicale des plus agréables venant de la scène, on ne peut que constater, depuis le public, un enchaînement de souci au niveau du son. C'est d'ailleurs un peu le fil rouge de la journée sur l'ensemble des scènes du festival. Batteries inaudibles, micros des chanteurs coupés, basses ultra saturées. Un véritable florilège ! Reste la prestation de Thrown qui est juste parfaite mais qui aurait mérité mieux.
Thrown : Je croise mon confrère Guillaume de TV Head que j'ai rencontré sur l'édition précédente et papote avec lui en attendant les Suédois de Thrown, un groupe chaudement recommandé par le collègue Nolive. Le show commence avec un petit retard sur un son hip-hop électro, qui amorce l'aspect hybride de leur metalcore/hardcore portée sur quelques vagues réminiscences de neo-metal (petits samples, voix rappées/gueulées, saccades rythmiques...). Les guitaristes, dont un habillé d'une veste noire à capuche en plein cagnard, envoient de gros riffs mastocs et nous déboitent les oreilles. Notre premier parpaing sonore de la journée. Une belle surprise, les copains ont toujours raison.

Immolation : Après avoir constaté l'impact important que procure sur nous le post-metal/doom dense et sombre de Morne sur sa fin de set, l'Altar nous plonge dans une teinte lumineuse rouge pour accueillir les death-metalleux américains d'Immolation. Pendant que Slaughter To Prevail était en train de tenter de battre le record du plus gros wall of death sur la Mainstage 1 ou encore de chanter sans micro pour tester la portée de sa voix, le quatuor ne s'embarrasse pas avec ce type d'objectifs annexes et préfère miser sur sa technique et sa rapidité. L'air de rien, cela fait plus de 30 ans qu'ils nous balancent un death metal très bruyant. D'ailleurs, cela va leur coûter cher puisque par moments, les guitares et les basses se noient sauvagement dans une forme de brouhaha inaudible dans lequel seuls la batterie et le chant restent à la surface. Puissante, intense et démoniaque, la musique des Américains parvient à nous procurer des sensations d'étouffement. Ça doit être la chaleur... on a presque évité l'immolation, ah ah...

Slaugher to Prevail (N) : Je suis ensuite parti le pas alerte sur la mainstage voir Slaugher to Prevail et son rugissant frontman Alex Terrible dont le scream sans micro s'entend sur toute l'étendue des mainstage. Comme à son habitude il donne de sa personne, s'ouvrant le front à coup de micro et descendant dans l'arène pour tenter de mettre en place un wall of death dans un public qui de toute évidence n'a pas la moindre idée de ce que c'est. Apres 20 minutes de mise en place laborieuse, un énorme mais timide wall of death s'ébranle sur les terres clissonnaises. Au final, un show poussif, lui aussi handicapé d'un son tournant et très inégal qui n'avait pas besoin d'un public qui, de toute évidence, pensait être sur son canap' devant Arte Concert.

L'ambiance à Shining ! (Hellfest 2024) L'ambiance à Shining ! (Hellfest 2024) Brujeria : Brujeria ou Kerry King ? La question m'a longtemps trotté dans l'esprit. Le gang americano-mexicain a eu finalement mes faveurs car l'ancienneté que j'ai avec lui est bien plus longue. J'ai découvert cette formation en 2000 avec Brujerizmo, à l'époque où ils étaient chez Roadrunner Records et que Dino Cazares de Fear Factory en était aux commandes. Et de façon assez surprenante, après 24 ans, j'y ai retrouvé son esprit à travers ce concert sous la Altar. Mené par trois chanteurs survoltés, Brujeria a groové et blasté en mode hispano, leur petit "plus", sans oublier la mise en scène très gangsters avec leurs faces cachées par des bandanas pour la majorité de ses membres et une tête décapitée empalée sur le piquet du drapeau mexicain. Pas impressionné du tout par leur esprit tordu, ni d'ailleurs par leur prestation relativement assez proche de leurs albums. Par la suite, on m'a fait comprendre que Kerry King, c'était du Slayer avec une voix différente... Je ne regrette pas mon choix après coup.

Baby Metal (N) : A force de vouloir en faire beaucoup en fait trop...

Sylvaine (N) : La suite est moins drôle mais des soucis administratifs nous ont bloqué un moment. Ce qui ne m'a pas empêché de voir le plus beau concert de la journée : Sylvaine, une artiste prodige qui porte son projet musical de main de maître. On y retrouve de l'émotion, un musique allant de la mélodie mélancolique à la lourdeur noire des abysses sonore d'un scream maitrisé appuyé par une lourde basse et une guitare qui tâche. Le résultat est féerique, et la foule est conquise, certains me diront qu'ils ont même failli pleurer durant le concert tellement cela leur avait pris aux tripes.
Sylvaine : J'ai découvert il y a quelques mois un clip de ce groupe norvégien mené par la talentueuse chanteuse Kathrine Shepard et dont les musiciens sont Français, puisqu'elle réside actuellement dans notre pays visiblement. Leur musique m'avait positivement interpellé, je comptais bien valider mes premières impressions sur ce mélange intelligent d'ambiances atmosphériques et angéliques avec un brin de maléfice black-metal. Et ça ne loupe pas. Alors que je m'attendais à une montée en puissance progressive type post-metal, les premiers morceaux (dont une partie sans basse !) de Sylvaine sont très black atmosphériques et magnifiquement amenés par la voix très possédée et primales de Kathrine. Leur musique ensorcelante aime jouer avec les oppositions et jamais le groupe ne nous décevra tout le long de son set.

Megadeth : Par curiosité, nous avons bifurqué sur la Mainstage 1 pour voir quelques titres de Megadeth avant de prendre part à celui des Norvégiens de Shining dans la Temple. Souvent déçu par les concerts de la bande de Dave Mustaine, ce fut - à notre grande surprise - tout le contraire. L'ex-Metallica, qui a pris un sacré coup de vieux, a fait preuve de précision, d'envie et de force pour servir sans vaciller une sorte de best-of de son groupe ("Symphony of destruction", "A tout le monde", "Holy wars..."). Mention spéciale à son backing band plus pro que pro.

Landmvrks (N) : Commence fort pour tomber dans la mièvrerie. Ceci dit le concert était chouette même si c'est pas mon truc, et c'est enfin une belle prise de responsabilité de la part du festival que de mettre aussi haut sur l'affiche un groupe comme Landmvrks.

Shining : Je ne crois pas me planter en disant que c'est l'un des shows les plus spectaculaires de cette édition, pour ne pas dire le meilleur. Les Norvégiens nous ont présenté une set-list très spéciale puisqu'il s'agissait, ni plus ni moins, de l'intégralité de leur album culte Blackjazz, sorti en 2010. Je ne m'y attendais pas du tout, surtout que quelques festivaliers m'avaient assuré auparavant que le groupe de metal d'avant-garde (initialement quartet de jazz instrumental) était sérieusement parti en couille depuis qu'il avait goûté à la "pop music". Ils mettaient en joue Animal assurément, que j'ai aussi eu bien du mal à avaler/digérer. Considérons-nous chanceux d'avoir vécu un show aussi barré, hypnotique, étonnant et fracassant, sourd parfois, au light show stroboscopique, et aux sonorités mêlant black, indus/electro, prog, metal, free jazz et expérimental. Shining a fait un bien fou à cette programmation qui ne s'ouvre pas assez aux formations musicales portées par l'hybridation des genres. On se demande encore comment le Hellfest a pu passer à côté de Ni par exemple, qui dans son genre, est tout aussi exceptionnel. Toutefois, on a pu se contenter quelques jours plus tard du show de Pensées Nocturnes qui, lui aussi, aime pousser les frontières. Le concert de Shining se termine avec une version très personnelle du très célèbre "21st century schizoid man" de King Crimson, mais sans le chanteur d'Enslaved cette fois-ci. Un frénétisme inoubliable, comme les solos de saxo de Munkeby !

Cradle Of Filth : C'est avec un cerveau mis à l'épreuve par Shining que nous attendons sagement le concert des légendaires black-metalleux anglais. À deux pas sous la Altar, les Allemands de Sodom envoient leurs salves de riffs thrash avec une teinte black manifeste, un groupe que j'ai brièvement découvert dans les années 90 avec Tapping the vein. Les teutons n'ont apparemment pas trop perdu de leur superbe, jouant ainsi pas mal d'anciens titres à un public qui a répondu présent à l'appel. Le Hellfest n'est-il pas, après tout, le lieu parfait pour les moments de nostalgie musicale ? Il est 1h05, les lumières tombent, une musique symphonique retentit, celle de l'intro de leur dernier album Existence is futile dont le premier titre ("Existential terror") inaugure un show qui sera celui typique d'un festival, je m'explique : voulant contenter tous les fans, les Anglais ne prennent pas de risque en puisant un seul titre par œuvre (sauf pour Midian) dans leur abondant répertoire (13 albums studio, 4 EPs). N'étant pas des experts de Cradle Of Filth au point de reconnaître chacun des morceaux, on préfère prendre un malin plaisir à être témoin d'un spectacle dans lequel l'imagerie mythologique, mystique, gothique, et horrifique est primordiale. Musicalement, c'est ultra carré, tout en répond au cahier des charges nommé "be unhealthy as fuck", bien qu'on soit par moments un peu déçu des difficultés que rencontre Dani Filth a maîtriser parfaitement la synchronicité de son chant sur la musique (on pense plus particulièrement à l'excellente "Cruelty bought thee orchids"). Doit-on s'en plaindre ? Absolument pas ! Mais le leader, lui, ne s'est pas privé avec malice (et probablement avec beaucoup d'ironie) de qualifier le public d'horrible. La passion reste intacte des deux côtés.


Vendredi 28 juin

La Famille Pierrafeu au HF24 La Famille Pierrafeu au HF24 Smash Hit Combo (N) : Le deuxième jour commence sous un beau soleil d'été. Smash Hit Combo est dans la place, le public aussi, malgré les organismes fatigués et l'heure matinale, ainsi que l'ingé son ! On peut d'ailleurs dire bravo car après une journée exécrable niveau son, sincèrement la pire en dix ans, le son a été parfait toute la journée (bon ok, il y a toujours des petits couacs en début de journée mais ça, c'est normal).
Smash Hit Combo : Dans l'idéal, si Enhancer n'avait pas merdé musicalement parlant et serait toujours en activité, nul doute qu'on ne serait pas très loin de la prestation énergique des Smash Hit Combo sur la Warzone. Alors, on aime ou pas, mais admettons quand même que les rappeurs-metalleux alsaciens ont fait le job et nous partagent entre autres leur adoration pour l'animé japonais et Akira (en introduisant "Kaneda", morceau récent groovy et entrainant). Des geeks assoiffés de gros sons et de punchlines pour commencer la journée, on ne va pas s'en plaindre.

The Acacia Strain : Je ne connaissais pas. Je suis venu, j'ai vu, j'ai perdu... mes oreilles ! Il faut dire que le deathcore des Américains bucheronne sec. Sortant de Smash Hit Combo la fleur au fusil, je n'étais pas prêt pour cette heure intense de hardcore et de metalcore mêlé de sludge et de noise. Une mise en scène minimale pour une puissance maximale, avec de beaux discours sur l'amitié et le savoir-vivre, une basse de couleur jaune, et des circle pits à n'en plus finir. Les gars m'ont requinqué pour attaquer cette journée avec une jauge de motivation à son plein.

Dropout Kings : Allez, un peu de sport, on retraverse le site pour atteindre la Warzone et découvrir ce groupe de trap metal de Phoenix, Arizona. À peine une quinzaine de secondes après le début des hostilités, et l'un des deux chanteurs est déjà dans le public. Ça promet ! L'énergie plus que débordante du quatuor traduit à la perfection le son qu'ils proposent à l'audience clissonnaise qui prend un pied fou à leur répondre du tac au tac. Dropout Kings me rappelle instinctivement Ho99o9, groupe qui était présent l'année dernière, mais avec une touche plus neo-metal dans l'ensemble. C'est vivifiant et sautillant, un show rock tel qu'il devrait toujours l'être.

Black Rainbows : On sort des ambiances bourrines pour se "ressourcer" avec du stoner pur jus de grande qualité, qui rocke et nous fait décoller. Les Italiens n'ont pas trahi leur réputation scénique, c'est un groupe à voir sur scène, surtout quand le soleil tape. Le souci de chant au tout début n'a pas déstabilisé le trio qui a su avec un grand professionnalisme nous gaver de leurs tubes imparables tels que "Holy moon" ou, a contrario, tout fraichement sorti, comme "Dogs of war", titre présent sur un split avec Nebula, autre excellent groupe de stoner qui devait être présent sur cette édition et qui a dû tristement annuler sa tournée à cause du décès de son bassiste survenu quelques semaines avant.

Speed (N) : Je me suis concocté une journée plutôt HxC vu la qualité incroyable de la programmation de la warzone (y a pas à dire, ils savent monter un running order les mecs du HF). C'est sous un soleil qui tape déjà violemment que Speed arrive devant une foule plutôt éparse. Le chaudron Warzone se remplit, le pit s'anime, les curieux s'entassent et la double pédale percute l'assemblée en pleine poitrine ! Les Australiens imposent leur Hardcore en taille patron. Le chanteur et le bassiste intervertissent leur rôle après avoir fait la même avec l'un des guitaristes. Le KDS est de mise, distribution de pains musicaux sur scènes et physique dans le pit. Le public est aux anges et la centaine de fans du genre qui occupe le centre de la Warzone s'en donne à coeur joie !

Karnivool : C'est en attendant Lofofora sur la Mainstage 2 qu'on a, sans vraiment l'avoir désiré, assisté à la prestation des Australiens. C'est spatial, un brin prog, bien exécuté (normal), joli et tout, mais cela ne prend pas. En réalité, le show ne décollera pas à cause d'un manque d'égarement et/ou de prise de risque. La raison qui fait qu'un show de rock est très souvent poignant. En clair, tout est récité à la perfection, et cela se ressent. La musique reste néanmoins bonne, il serait plus judicieux de les découvrir en premier lieu via leur disque. À titre de comparaison, Klone, qui joue en même temps que Lofofora et qu'on ratera malheureusement, fait 100 fois mieux que Karnivool dans un style un peu similaire. Et puis, merde, ce nom...

Lofofora : L'un des groupes que j'ai vu le plus de fois sur scène. Pourtant, j'avais le choix entre eux et Klone, mais c'est plus fort que moi, j'ai naturellement choisi la bande de Reuno car leurs shows ne sont jamais écrits d'avance, qui plus est avec leur imprévisible frontman, et que c'est en public que sa musique prend tout son sens. Je ne regretterai pas ma décision car j'avais raison. Les Lofo démarrent tambour battant avec des oldies ("La chute" puis "Les gens"), histoire de satisfaire les vieux de la vieille comme moi qui ont connu les débuts et la première époque du groupe dans les années 1990, puis s'attardent sur quelques titres de Vanités. Mais le clou du spectacle, que personne n'avait vu venir (en tout cas du côté des festivaliers), se situe à mi-parcours lorsque deux militantes Femens déboulent sur scène craquant des fumigènes et déployant des slogans #Metoo contre les violences faites aux femmes. Lofofora les laisse s'exprimer tranquillement puis enchaîne alors un monumental "Macho blues" de circonstance.
Cette mise en scène était plutôt cocasse dans le sens où quelques heures après se produisait sur la même scène le groupe de glam-hard rock Steel Panther. L'anti-Lofofora par excellence, les Américains sont connus pour leurs positions sexistes en ramenant des femmes sur scène tout en les incitant à se foutre seins nus. Alors en plein week-end d'élections législatives, Reuno et sa bande en profitent également pour déborder du cadre purement musical en diffusant sur son écran derrière des messages politiques très explicites pour faire barrage à l'extrême droite, et s'aide de la tribune qui lui est offerte pour mettre une pique au Hellfest (sur ses affaires de harcèlements, l'écologie, le côté Disneyland du metal... et ShakaPonk). Bref, c'en est beaucoup trop pour une partie du public qui se serait contenté d'un simple concert de musique, sans le militantisme qui va avec ("Jouer "Macho blues" suffisait amplement, pas besoin de ramener des Femens qui cassent le dynamisme du spectacle et n'apporte rien de plus à la cause féministe", m'avouera un festivalier le lendemain.). Ce concert du quartet au Hellfest nous a permis de découvrir un nouveau titre, "La machette", issu de son prochain album, Cœur de cible, attendu pour octobre. Les Lofo quittent la scène comme ils sont arrivés, avec deux vieux morceaux que sont "L'oeuf" et "Justice pour tous". Quand Lofofora passe quelque part, il en reste toujours une trace.

L'un des nombreux bars au Hellfest 2024 L'un des nombreux bars au Hellfest 2024 Stinky (N) : Une telle énergie nécessite une pause surtout avant de remettre cela avec le groupe du crû, Stinky, dont la fan base locale va sans aucun doute prendre d'assaut le bitume encore fumant après le passage des Australiens. Stinky, c'est un nouveau line-up depuis 2022, mais en concert, pour le moment, on a le droit aux grands classiques du groupe avant la sortie de leur nouvel album Solace en novembre. Et bien les enfants quelle prestation !!! Clair et sa bande ont mis en apnée l'assemblée, ne laissant le temps que d'une petite inspiration juste avant "Sliders". Les sourires se sont imprimés pour de longues heures sur le visage des coreux présents pour ce moment plein d'énergie. On a assisté à un moment de communion, certes pas dans le calme, plus dans l'ambiance d'une messe apocalyptique offerte par les Blues Brothers.

Fear Factory : Sauvé après de longs problèmes judiciaires avec ses ex-membres, c'est avec un nouveau chanteur (l'italien Milo Silvestro) et batteur (Pete Webber) présents dans ses rangs depuis début 2023 que le célèbre groupe de metal industriel investit la scène de la première Mainstage. Et pour tout vous dire, avec ce nouveau line-up (Tony Campos restant à la basse et Dino gérant la guitare), on n'y voit que du feu en comparaison avec les anciens. Milo a une voix proche de Burton, tandis que Pete est à l'aise pour reproduire les rythmes d'une précision chirurgicale des quatre batteurs passés dans le combo depuis 1989. Et oui, encore un groupe à l'âge avancé qui en 2024 nous séduit toujours autant en balançant des tubes qui ont construit notre parcours de métalleux. "New breed", "Shock", "Edgecrusher", "Demanufacture", "Replica", "Zero signal"... Bref, si t'as la quarantaine, tu vois ce que je veux dire : Fear Factory est toujours là, et en forme !

Harm's Way : Tiens donc, un bodybuilder tatoué tout droit sorti de sa salle de muscu pour aller chanter dans un groupe de hardcore SxE invité à jouer au Hellfest ? Ça fait un peu cliché, mais on est en plein dedans ! La testostérone et le corps musclé de James Pligge est à l'image de la musique des Chicagoans : de la pure puissance (et violence). J'y vois du Hatebreed avec un petit côté sombre en plus. Ceci étant dit, la musique du quintet devient assez monotone sur la longueur (la chaleur nous ferait-elle perdre la tête ?), si bien qu'on a accueilli avec grand plaisir leur reprise sous stéroïdes de "Propaganda" de Sepultura pour nous "réveiller". Si, si, le mot est bien choisi.

Kanonenfieber (N) : Après ces deux magnifiques moments d'ultra violence musicale, je m'offre un moment de dark avec le black métal des Allemands de Kanonenfieber. C'est une expérience complète et aux petits oignons que nous offrent les teutons. Ils nous emmènent en première ligne dans les tranchées de la grande guerre. Ils nous immergent dans l'horreur de ce moment historique. C'est soigné dans les moindres détails. Scéniquement, musicalement, visuellement, tout y est. Pas une fausse note, et cela au sens propre comme figuré. D'ailleurs, le public ne s'y est pas trompé, Temple est remplie, écoutant avec assiduité et intérêt les riffs sombres et ravageurs de l'escouade, appuyés par une double pédale hypnotique qui t'enfonce à chaque impact un peu plus dans la boue sanguinolente des funestes tranchées de la Meuse.

Satyricon : C'était l'un des grands rendez-vous de cette journée. On avait un peu peur pour eux, sachant qu'un proche nous avait averti que leur matos s'était perdu à l'aéroport. Peu importe l'issue finale, les Norvégiens ont assuré un show à la hauteur de la qualité de leur black metal, qui selon moi, est surement le plus accessible d'accès que je connaisse. Les textures glaciales et mélodiques sont accompagnées de rythmes à la fois lourds et sauvages pour bien équilibrer le set, tout en puisant leurs morceaux dans cinq albums de leur discographie (de Nemesis divina à Deep calleth upon deep). La bande de Satyr et Frost sont en pleine forme, le public regroupé dans une Temple bondée l'est tout autant, on ne voit pour ainsi dire pas le temps passer tant le plaisir est immense. Les Norvégiens terminent leur cérémonie black n'roll avec leur classique et groovy "K.I.N.G.", pour rappeler le poids de leur groupe dans l'histoire de cette musique occulte ? Peut-être, mais il y a une sacrée concurrence en la matière sur cette nouvelle édition du Hellfest, à commencer par Emperor qui les succède sur la même scène une heure après.

Shaka Ponk (N) : Après un set revival de Clawfinger sur la Warzone qui a enthousiasmé son public de connaisseurs direction Shaka Ponk que j'attendais avec beaucoup d'impatience et d'espoir. En arrivant sur zone on assiste à la fin du set de Tom Morelo, un set de qualité et une belle présence sur scène de l'ancien guitariste de Rage qui d'ailleurs ponctue son set des riffs qui ont fait le succès de RATM. Une scène minimaliste du plus bel effet attend Frah, Sam et leur bande. Le concert de Shaka commence, très belle intro, lumière aux petits oignons et grosse présence scénique du frontman. Mais la magie est de courte durée. Alors même si c'est un super concert, le choix de la set list me fait vite basculer dans l'ennui le plus profond. Bref, une performance solide mais un show classique qui ne résonne pas pour les terres brûlées du Hell.

Emperor : Habitués au Hellfest, et ce depuis le quasi tout début, les Norvégiens sont comme à la maison à Clisson. Et ça s'est particulièrement vu ce soir. Véritable légende pour beaucoup d'afficionados de black metal, les patrons ont fait le boulot avec une grande classe. D'une intensité rare, Emperor a ravi les spectateurs en visitant sa longue discographie, tout en insistant sur leurs deux premiers album studios : In the nightside eclipse (1994) et Anthems to the welkin at dusk (1997). Les Norvégiens, qui font fi du maquillage "evil", ont pu démontrer à quel point leur "black side" est racé, vivace et sacrément mélodique. Emperor est loin d'être déchu de son trône.

Fu Manchu : Il est quasi minuit et c'est en mode posé et avec une vue large sur la Valley et son public que nous scrutons le show des Californiens. Alors que Machine Head semble - d'après des retours convergents - faire LE concert du festival, nous préférons prendre notre rasade de stoner fuzz bien gras dans les oreilles. Et on a bien fait tant le show a été groovy, lourd et goûtu, tenant son aplomb malgré quelques secousses rock et des soli endiablés délivrées ci et là par Bob Balch. Scott Hill est ultra ravi d'être là, remerciant régulièrement le public. Avec sa façon de chanter à la Lemmy (micro-plongeant), il nous embarque avec facilité dans son univers, fait participer le public, notamment sur le hit "California crossing" (on aura droit au duo "Eatin' dust" et à l'inévitable "Evil eye" en introduction), avec une énergie aussi débordante que la musique de son groupe. On découvre aussi avec plaisir quelques nouveautés dont l'excellent "Hands of the zodiac" paru sur The return of tomorrow, le dernier album de Fu Manchu sorti cette année. Bref, on a beau ne pas avoir vu Kyuss (normal !) ou Sleep cette année au Hellfest, peu importe : la scène stoner rock américaine à d'autres maîtres dont Fu Manchu.

Le corbeau veille au HF24 Le corbeau veille au HF24 Machine Head (N) : C'est dans une légère torpeur que j'entame Machine Head... et là, cette claque ! La bande de Robb a boudé les festivals de longues années avant de repartir sur les routes l'année dernière. C'est le coeur plein d'envie que Machine Head foule la scène de la mainstage, piétinant et enflammant le public pendant une heure et demi d'un concert sans faute. Robb est en grande forme, laissant au placard ses réguliers problèmes de justesse vocale (bon ok, il y a eu quelques pains, mais vraiment rien vu le passif). MH à réussi à mettre en mouvement ce lourd paquebot qu'est le public 2024. Le show est grandiose, alternant effets de lumière, pyrotechnie et feu d'artifice. Apres 10 ans de présence, j'ai pu assister à l'un des plus beaux concerts du Hellfest et il faut bien rendre à César ce qui appartient à Barbeau. Il n'y a que ce festival qui peut nous offrir cela. Ce concert était tellement parfait que j'ai failli rentrer et laisser tomber Prodigy que je voulais voir...

Prodigy (N) : Néanmoins, encore groggy des uppercuts musicaux assénés par MH, je traîne et Prodigy balance d'entrée ses classiques. Bon, sur scène, le jeu de lumières rend le show pas fou fou, mais on se retrouve tous à tournoyer et danser avec frénésie. L'alchimie prend forme. On passe un chouette moment en compagnie des derniers courageux qui sont restés sur place. C'est le coeur léger que l'on rentre après cette deuxième journée qui était parfaite. Bon concert, belle prog, bon son (il faut le re-souligner tellement la première journée était catastrophique).

Body Count : Comment ne pas louper ce monument de la fusion parfaite entre rap et rock ? Vivre Body Count en spectacle est un véritable retour à nos émois d'adolescents. C'est sur le légendaire "Body count's in the house", taillé pour le live, que les Américains menés par le charismatique Ice-T inaugurent le show. D'ailleurs, le groupe mettra un point d'honneur à livrer dès le départ de vieux morceaux ("Bowels of the devil", "There goes the neighborhood") pour que le public puisse rentrer plus directement dans le bain, tout en rendant hommage à Slayer ("Raining blood" et "Postmortem") puis plus tard à The Exploited. Nous ne sommes pas surpris par l'ambiance dégagée par ce show et son atmosphère visuelle très fidèle à l'image qu'ils projettent (notamment celle de la rue et des gangs). Ça tabasse bien sous toutes ses formes et les messages d'unité et de fraternité bien amené par le frontman avant certains titres (dont "No lives matters") font plaisir à entendre, exception faite pour une remarque homophobe et masculiniste maladroite et embarrassante avant "Manslaughter". En parlant d'unité, on a apprécié leur featuring avec le chanteur de Biohazard qui a joué juste avant sur la Warzone. On les aurait bien vu nous délivrer ensemble un "My way" par exemple, mais c'est sur un medley de The Exploited que le duo s'exprime. Rendre hommage est une habitude pour Body Count, mais ils sont passé à côté de leur version d'"Hey Joe" d'Hendrix. A ce titre, soulignons notre petite déception sur le fait que le groupe a totalement zappé Violent demise: The last days, sans compter les quelques tubes important qui auraient pu épicer leur concert (on pense en premier lieu à "Body count" ou "KKK Bitch"). Mais ne boudons pas notre plaisir intense de découvrir aussi des morceaux de la dernière décennie comme le puissant "Manslaughter" ou le tout récent "Psychopath". On a apprécié aussi l'intervention vocale de la jeune fille d'Ice-T, visiblement très à l'aise sur scène avec les musiciens. Body Count nous quitte avec son classique tant attendu : "Born dead". Quoi de mieux pour terminer cette journée intense ?


Samedi 29 juin

Eihwar : On débute notre journée avec ce duo pagan-electro-folk français. Parfait pour se mettre dans une ambiance conviviale et festive, même si des zones d'ombres planent dans leur musique mystique. Basé sur une rythmique entrainante et une dualité vocale complémentaire (féminin/masculin - chant clair et aéré/grognement...), le son d'Eihwar a le mérite de nous transporter. Sous une Temple plutôt bien remplie, les Toulousains ont marqué des points ce jour-là, tout en bénéficiant d'une belle exposition.

Blockheads : Je ne m'attendais pas un jour à revoir les Nancéens. La dernière fois remonte à une vingtaine d'années et je n'ai pas l'impression que Blockheads a vieilli, ça tangue toujours autant qu'avant. Leur intense brutalité contenue dans des morceaux grindcore très courts leur permet de parler longuement entre chaque punition sonore. On ne pourra pas leur reprocher leurs divers remerciements (tout le monde y passe, à commencer par les bénévoles) et les gros doigts d'honneur au capitalisme. On se souviendra, c'est certain, de cette violence expéditive.

Alien Weaponry (N) : Du thrash à l'ancienne avec une touche de Maori, un mélange réussi et le riff de "Raupatu" est juste incroyable. Si tu ne les a jamais vus, il ne faut pas les louper, mais bon, cela commence à faire longtemps que le groupe tourne et c'est vrai qu'il ne se renouvelle pas des masses depuis 2018 et la sortie de leur premier album. Au final, un concert qui tient la route et un public qui se laisse emmener malgré le froid et l'humidité.

Uuhai : C'est la grande mode des groupes de folk-metal mongols. Après The Hu, voici Uuhai, et on n'en est franchement pas très loin : instruments et vêtements traditionnels, chant diphonique et plus classique en VO, bien sûr, fusion entre heavy metal/hard rock et musique folk mongole. Bref, si on connait un peu cet univers musical, rien ne devient surprenant. Un peu comme les gens autour de moi, je contemple ça plus comme une curiosité qu'autre chose. C'est très bien joué, le groupe harangue même la foule, mais comme dirait notre Chichi national : "Ça m'en touche une sans faire bouger l'autre". Quitte à choisir, j'aurais préféré m'élever aux chants plus classiques et chamaniques d'Huun-Huur-Tu.

Spotlights : Voici l'exemple parfait d'un concert qu'on aurait dû apprécier à sa juste valeur, le shoegaze doom massif du trio new-yorkais ayant de sérieux arguments à faire valoir (et je ne parle pas de sa ravissante bassiste). Malheureusement, leurs effusions de drone et de basses percutantes nous prennent à la gorge avec surprise, et inondent nos oreilles au point de ne rien déceler musicalement. Tout est noyé dans une lourdeur dérangeante. Bien évidemment, loin de moi l'idée de tomber dans des sentiments excessifs, mais il est toutefois regrettable que la bonne prestation de Spotlights n'a jamais vraiment réussi à être mise en valeur avec un son réglé/mixé comme il se doit. On a tenté de trouver le meilleur positionnement pour profiter au mieux du show, c'est au fond et au centre qu'il fallait être pour éviter le pire. On l'a réalisé bien trop tard.

La Gardienne des Ténèbres au HF24 La Gardienne des Ténèbres au HF24 Total Chaos : C'était donc ça, le street-punk ? Total Chaos porte bien son nom avec son punk-hardcore sous cocaïne et ses membres qui ont l'allure d'anarcho-punk middle class aimant la "booze" (le tarin du guitariste ne trompe pas, à moins que...). Il nous fallait bien notre dose de punk à l'ancienne journalière sur la Warzone, et c'est chose faite avec ces Californiens peu intimidés par la foule.

Dusty Lovers : L'une des plus grosses déceptions de ce Hellfest fut l'annulation d'Oxbow (qui n'est plus du coup, suite au départ d'Eugène Robinson en pleine tournée). Pour les remplacer, les programmateurs ont décidé d'embaucher des Français qui ne jouent pas vraiment dans la même catégorie. Les Dusty Lovers se plaisent dans un rock efficace et passe-partout aux refrains énergiques. Fatalement, sans prise de risque et sans véritable personnalité, leur musique se révèle un peu fade à nos oreilles. On aurait bien vu les Nantais intégrer la prog' de Rock En Seine plutôt que celle du Hellfest (les locaux jouaient pour la deuxième fois ici). Cela n'a pas gâché pour autant notre plaisir de rencontrer des musiciens communicatifs et heureux de donner le meilleur d'eux-mêmes sur scène.

Sanguisugabogg (N) : En attendant Wayfarer et leur Black métal far-ouest, je m'offre en dessert, après une pause repas, une note de Sanguisugabogg en étant bien décidé à en découdre avec les autre metalheads présents devant la scène. Alors le groupe donne, encore et encore, c'est très gras comme une tartiflette en plein soleil, et un groupe d'une vingtaine de furieux tente de mettre l'animation dans le pit mais Dieu que ce public est poussif ! C'est même la première fois que j'arrive à rester une chanson complète en plein milieu de la zone de combat sans que personne ne me bouscule dans un moment de joie virile, pire, il semble que toucher quelqu'un soit devenu tabou. Tant pis, on s'agite quand même tout seul et on participe dans la joie à des circles pit aussi violents qu'une queue leuleu à la fête de l'école des enfants.

The Casualties : On reprend une rasade de punk hardcore à l'ancienne après celui des Total Chaos juste avant sur la même scène. Cette fois-ci, ce sont les Casualties, autre représentant américain du street-punk crêté, mais un peu plus connu que ceux qui les ont précédés sur la Warzone. Clairement, on a droit là aux petits frères de The Exploited, l'ADN sonore ne trompe pas. Au moins, nous ne sommes ni étonnés, ni trompés par la marchandise et cela nous a permis de mieux connaître les New-Yorkais, notamment à travers leur dernier album en date, Written in blood. Comme c'est aussi un peu l'anarchie dans leur line-up, on a découvert leur "nouveau" chanteur, David Rodriguez, arrivé en 2017 après le départ de l'historique Jorge Herrera, ainsi qu'un nouveau bassiste prénommé Doug. The Casualties a su avec une certaine conviction (ce n'était pas toujours très bien carré...) nous offrir un panaché de morceaux qui ont fait sa carrière et l'un des groupes de punk rock américain les plus emblématiques des 30 dernières années. On terminera en rendant un hommage particulier à la double crête rose du chanteur.

Wayfarer (N) : C'est vraiment un beau moment. Certes, c'est pas sur du black métal que tu te défoules mais musicalement c'est solide, le projet tient ses promesses et ce mélange de Black avec des sonorités qui sentent le tabac à chiquer et le whisky de mauvaise qualité est réussi. Ils nous font un set de belle facture même si les basses ont parfois sifflé, rendant le chant brouillon.

Brutus : Nous avions envie d'en avoir le cœur net : est-ce que Brutus vaut le coup en live ? Les Belges étant l'un des formations indés les plus plébiscités du moment, c'était par conséquent l'un des concerts les plus attendus de la journée et la quantité de monde devant la scène ne démentait pas ce constat. Pas forcément très convaincu sur disque à titre personnel, mais très bien placé aux premiers rangs, leur post-metal/hardcore nous prend aux tripes et se révèle en effet être d'une ampleur considérable sur scène. En tout cas, concernant certains morceaux emblématiques (je pense à "War" en premier, mais également "Liar"). Brutus est un groupe dévoué à son art, son implication est totale, en particulier celle de Stefanie, la batteuse-chanteuse dont les lignes mélodiques de sa voix épouse parfaitement la lourdeur des cordes. Le set du trio flamand perd cependant un peu de fraîcheur sur la longueur, devient moins surprenant, si bien que mon attention et mon intérêt pour cette représentation s'effrite progressivement. Est-ce dû à l'ordre des chansons jouées ? À la redondance du style ? Probablement un peu de tout ça.

Extreme : Après une pause plutôt bien méritée pour nos oreilles (et le corps), et tout en ayant en fond sonore le show (un peu chiant, non ?) du guitar-hero Yngwie Malsteen, on se dirige vers la Mainstage 1 pour assister à la prestation d'Extreme. Cette formation qui a connu le succès au début des années 90, à l'époque du revival glam/hard rock avec son inévitable Extreme II: Pornograffiti - qui sera pour le coup dominant dans leur setlist - a été honnêtement irréprochable. Si tant est qu'on ait un minimum d'affinités avec la bande du guitariste virtuose Nuno Betancourt et du chanteur au bandana, Gary Cheronne. Pas une seule trace d'une quelconque sénescence nous a été donné de constater : une énergie de dingue, aucune usure technique en termes d'interprétation, un rendu sonore impeccable, une joie de jouer qui fait plaisir entre les musiciens, une bonne vibration avec le public, et une setlist super bien équilibrée et rythmée entre morceaux très punchys, parfois lourds et des ballades (dont l'inévitable "More than words"). Un concert qui nous a permis aussi de nous mettre à la page sur leur discographie, notamment avec Six sorti l'année dernière, et de constater qu'Extreme n'est pas tombé dans les extrêmes (pardon...) et ne s'aventure pas trop à déborder de son style de prédilection : un hard rock efficace, sans tout le côté putassier qui va avec.

Accept (N) : La fatigue et la pluie me pèsent et je finis par abdiquer et je m'offre une sieste salvatrice afin de profiter de Mass Hysteria qui ont pour habitude de toujours être à la hauteur. Je profite de l'attente pour assister au set d'Accept, c'est vraiment pas ma came, mais c'est solide. Mark Tonillo du haut de ses 70 ans donne une leçon de chant, de présence qui renvoient au placard bon nombre de frontmen qui pourraient être ses petits enfants. Appuyer par un Wolf Hoffmann en totale maitrise de son art, Accept fait plus que le job pour le ravissement des adeptes d'heavy. Bon j'avoue, ça a beau être bien je suis content que cela s'arrête.

L'un des nombreux slams au Hellfest 2024 L'un des nombreux slams au Hellfest 2024 Chelsea Wolfe : Voici un des autres concert les plus attendus de la journée. Sauf que c'est sous la flotte et de manière progressive que nous l'avons vécu cette fois-ci, comme si elle faisait partie intégrante du spectacle. Vêtue de noir avec épaules nues, la charmante et énigmatique Chelsea Wolfe ne déconcerte pas. À chaque fois que l'on assiste à l'un de ses shows, la louve nous plonge dans cette ambiance crépusculaire si particulière, à la fois pleine de douceur et de pesanteur dans laquelle se mélange musique électronique, gothique (très sombre, donc), néofolk, shoegaze et parfois doom. On s'y plait comme dans un cocon insécurisé, c'est lancinant, mais des sursauts peuvent survenir ci et là. On a pas mal apprécié le déroulé de la set list avec une mise en avant de son dernier album, She reaches out to she reaches out to she, et une progression du show sans temps mort et d'une intensité excitante et vibrante. Le concert se termine sur une note acoustique avec "Flatlands", titre issu de son album unplugged dont on avait honteusement oublié l'existence. Une belle surprise.

Mass Hysteria (N) : L'armée des ombres est présente dans le snake pit, et Mass entre en scène avec la ferme intention de rallier l'assemblée à ses troupes. La pluie est là mais rien n'arrête le bulldozer Mass, qui lance le plus beau des messages, "La joie comme vengeance". On assiste a du grand Mass pendant une heure, un Mouss des grands jours et un groupe qui utilise à la perfection le snake pit monté pour le concert de Metallica. La foule est conquise, le pit est en mouvement et l'assemblée headbangue à coeur joie (pas plus quand même, faut pas déconner). On pourra regretter les nombreux classiques qui manquent à l'appel mais leur liste de tubes est tellement longue que même deux heures de concert n'y suffiraient pas. La pluie s'intensifie et j'abdique avec le sourire quand même (merci Mass !).

Mr. Bungle : C'est précédé d'une rapide pause restauration entre la Warzone et la Valley que nous nous rapprochons de cette dernière avec quelques inquiétudes. En effet, la flotte commence sérieusement à être un vrai problème, elle s'intensifie comme pas possible, si bien que même un minimum protégé, il nous sera difficile de tenir sans être trempé de l'intérieur. La bande du frontman Mike Patton, portant pour l'occasion de jolies couettes rouges, n'en a rien à foutre et balance principalement des reprises très personnelles au public (Timi Yuro, 10cc, Van Halen, Slayer, Sepultura...) avec quelques invités surprises (le fils de Van Halen et Andreas Kisser de Sepultura), ainsi que des morceaux de sa première démo réenregistrée en... 2020. Le supergroupe (seul Trey Spruance et Trevor Dunn sont restés, le trio s'est associé depuis sa reformation en 2019 à Dave Lombardo et Scott Ian) n'a plus grand-chose à voir musicalement avec le Mr. Bungle époque 1991-2000 qui a plus nos faveurs. Peu importe, c'était carré, la folie et la joie de jouer et de partager est restée, le paquet-surprises des covers est finalement bien tombé, et c'est bien là l'essentiel de ce qu'il faut retenir de ce cirque aux numéros virevoltants.

Metallica : Bizarrement, je ne m'attarderai pas plus que ça sur Metallica, bien que les Américains soient la tête d'affiche de la journée et du festival. Je ne suis plus le fan que j'ai été quand j'étais gamin/ado, mais j'ai la chance de voir une légende du metal reprendre majoritairement ses classiques ce soir (grosso modo un panel de ceux présents du premier jusqu'au Black album). Le mode "best-of" est le gros point positif de leur show, même si certains ratés font grimacer jusqu'à l'aigreur (le solo de "Master of puppets", la tenue rythmique irrégulière et approximative de Lars Ulrich, une reprise pourrie et totalement gênante de "L'aventurier" d'Indochine faite à la basse et au chant accompagné de la guitare de Kirk). Là où ça se gâte un peu plus concerne les petits détails qui peuvent te niquer ton concert. Le premier est lié à la projection des images sur les écrans, sensé servir d'appui visuel quand tu es très loin de la scène (c'était méga blindé) et que les musiciens sont quasi invisibles à l'œil nu. Les images en continu de la scène et des musiciens étaient quasiment inexistantes sur les gros écrans (chacun comportant 4 petits écrans disposés n'importe comment... pour finir avec une visibilité encore plus dégueulasse !). Cela aurait pu être un groupe de reprise avec une imitation parfaite de la voix de James Hetfield, c'était pareil. J'exagère à peine. Le deuxième détail est lié au son, et particulièrement celui de la gratte du chanteur que l'on avait du mal à percevoir au loin. Ça manquait tristement de patate par moments. Et le troisième point, déjà un peu évoqué ci-dessus, c'est l'interprétation de certains morceaux emblématiques qui n'était pas toujours au niveau. J'ai été déçu par la manière avec laquelle Robert, pourtant excellent bassiste, rejouait les lignes de basse de feu Cliff sur l'emblématique "Orion", la fluidité n'était pas tout à fait la même, et ça s'entendait. Finalement, le meilleur élément de Metallica sur ce concert était son frontman, dont la voix s'embellit avec le temps. Ces deux heures sont passées très vite, la pluie s'est estompée, il est temps d'aller se coucher. Tant pis pour Suicidal Tendencies qui clôt cette journée avec Saxon et Eivor, il nous faut garder encore un peu d'énergie pour la dernière journée qui réserve encore de belles surprises.


Dimanche 30 juin

Pensées Nocturnes : Arrivé un peu en avance à la Temple aux alentours de midi, on observe les membres de Pensées Nocturnes s'affairer pendant leurs balances et leur impatience manifeste de commencer. Le décor est à la fois glauque et drôle (avec une mention spéciale au drapeau du fond mentionnant un "Depuis 1909"), et correspond à l'image que projette leur musique, à savoir une sorte de cabaret sauce black metal avant-gardiste. Le groupe apparaît sur l'air de "Douce France" de Charles Trenet et présente un set totalement déjanté durant lequel on sera décontenancé par cette mixture sonore à la fois tendue et mélodique. L'intensité du groupe mené par Léon Harcore nous rappelle à la fois Pryapisme (groupe avec lequel nous avions eu la chance de les découvrir la première fois en 2017), Igorrr, Mr Bungle, Fantomas, et bien d'autres comme Sleepytime Gorilla Museum. On ne vous simulera pas la joie que nous avons eu d'assister à un concert qui casse l'image trop restreinte que beaucoup de gens se font du metal. Oui, bande de petits newbies, on peut faire du (très) lourd avec un accordéon, un trombone, une trompette, tout en campant le rôle de clowns dégueulasses pour lesquels le sarcasme n'a plus vraiment de secret.

Le stand Savage Lands au Hellfest 2024 Le stand Savage Lands au Hellfest 2024 Brand of Sacrifice (N) : Le truc du dernier jour, c'est qu'il faut aussi préparer le départ et donc plier le campement. Au final, j'arrive à temps pour le show de Brand of Sacrifice le groupe de brutal deathcore canadien. Effectivement, c'est brutal, et j'adore ! Kyle Anderson s'impose d'entrée comme un frontman de combat en balançant un chant scream de haute facture comme un manouche balance des mandales en fin de soirée au bal populaire du village un soir de 14 juillet. C'est du brut. L'Altar vibre et danse, la foule s'agite en restant en apnée durant les 40 minutes d'un set sans fautes.

Dool : Juste avant de rejoindre la Valley, on est passé devant High On Fire qui a déversé avec brio du bon sludge bien gras et lourd sous le soleil tapant, il fallait être courageux. Que les choses soit claires, Dool n'est pas du Tool qui joue du Doom. Quoique qualifié par certains de doom-metal, on y voit plutôt là un clin d'œil à la pesanteur de leur rock élancé plaisant à l'oreille, grâce aux travail mélodique des guitares. Clairement, Dool n'a pas grand-chose à voir avec Black Sabbath ou Pentagram. Les Néerlandais, menés par la voix munificente en harmonies de son chanteur androgyne (on m'a signalé après coup qu'il s'agissait d'une personne née hermaphrodite et non binaire), sont plutôt à rapprocher à la fois de la scène post-metal et prog/psyché. Il y avait à boire et à manger dans cette musique, mais tout n'était pas nécessairement délicieux à la première bouchée. Un groupe à revoir peut-être dans un autre contexte pour confirmer ou infirmer cette impression.

Thron : Ces Allemands pratiquent un black metal mélodique plutôt familier (jusque dans le maquillage) avec une louche de heavy metal qui passe relativement bien. On constate au bout de quelques titres que le quintette est doué dans son genre de prédilection, à tel point que ses membres ne se risquent pas trop à faire fausse route (certains passages du show m'ont fait penser à du Dimmu Borgir sans clavier). Néanmoins, et sans faire la fine bouche, on quitte la Temple avec la sensation d'avoir vu un concert de Thron réussi et le souvenir spécial d'une double pédale terriblement perçante, de guitares lourdes et agressives à la fois, et d'un chant plutôt monotone mais absolument maîtrisé.

Scowl (N) : Je réunis mes dernières forces pour me rendre en Warzone afin de découvrir Scowl et son hardcore qui mélange allègrement des touches de pop-punk-rock. Ca peut faire peur au début mais c'est maitrisé à la perfection avec les vocalises de Kat Moss dont la chevelure colorée flamboyante illumine le pit tumultueux de la Warzone. Ça bouge, c'est dansant, l'énergie et les sourires du groupe sont communicatifs et entraînent l'assemblée dans un violent bordel bienveillant dont seul le public de cette scène est capable. Vraiment un joli moment et un groupe à suivre absolument dans le futur.

Rendez-Vous : Programmer ce groupe parisien de post-punk synth(new)wave au Hellfest marque peut-être les prémisses d'une nouvelle ère pour le festival. Le public évolue, alors pourquoi ne pas accueillir des formations qui jusqu'alors étaient plus propices à jouer sur d'autres évènements rock hexagonaux ? Avouons quand même que cela aurait de la gueule de voir un jour Shame, Viagra Boys ou Crack Cloud à Clisson, pour rester dans la case post-punk. Reconnaissons l'effort d'ouverture du Hellfest vers le rock avec un grand R. En vérité, les programmateurs ont bien fait car Rendez-Vous nous a offert un brin de fraîcheur dans ce torrent successif de décibels et de growls/cris/beuglements. Les copains m'avaient dit que du bien de Rendez-Vous. Non seulement ils avaient raison sur toute la ligne, mais ce concert m'a permis aussi de limiter ma montée de seum lorsque que je me suis rendu compte que les frites que j'avais achetées juste avant le show étaient totalement sursalées et immangeables. #Vismaviedefestivalier

Drug Church : Je n'ai jamais eu connaissance de ce groupe de punk-hardcore, fondé en 2011 à Albany, tirant largement ses inspirations d'un post-hardcore mélodique voire pop-punk. On pourrait les rapprocher de manière assez paresseuse à Fucked Up, tant la voix éraillée et frontale de Patrick Kindlon (qui est aussi dans Self Defense Family) rappelle par moments celle du canadien Damian Abraham. Ce breuvage sonore nous ravit indubitablement et, ces musiciens sont, en plus, de très bons clients en live. Leur passion et dévouement n'ont jamais été feints sur cette Warzone qui a monté en température. Belle découverte, en tout cas.

Yoth Iria (N) : Après ce moment de plaisir, je prends la direction de Temple puis Altar pour Yoth Iria puis Shadow of Intent, j'avoue, j'en peux plus de ses aller-retour à braver une foule qui se densifie au fur et à mesure que la journée avance. Yoth Iria a fait un show classique et solide malgré l'état d'ébriété évident de son frontman. "C'est du Rock !" comme dirait Eddy le Quartier. C'est pas le concert du siècle mais c'est ultra efficace avec un black mêlant la puissance du doom et des riffs heavy dans une atmosphère lancinante et sombre.

Therapy? : Je ne vais surement pas faire plaisir à mes collègues du W-Fenec qui sont majoritairement tous fans des Nord-Irlandais, à qui nous avions offert une couverture il y a de cela quelques années. En effet, je n'ai pas vraiment pris de pied sur ce show pour une raison simple : l'absence d'appétit pour leur style musical. Mais je comptais tout de même vivre au moins une fois l'expérience en live dans l'espoir de changer d'avis. Fatalement, dès les premiers titres, je me rends compte assez vite que, non seulement je suis en train de me faire chier (notamment justifié par un manque cruel d'originalité), mais également que les pauvres Therapy ? font face à un problème de son qui au final s'est réglé assez vite. Toutefois, l'ambiance était au top avec un public ayant répondu présent à l'appel de leurs idoles de jeunesse, généreux, qui leur ont servi sur un plateau cinq titres de Troublegum dont le tube "Nowhere", et une collection de chansons puisées dans toute sa discographie. Je décide de partir vers la Warzone au moment où le trio commence à lancer le riff d'"Iron man" de Black Sabbath... j'ai pris ça comme un signe pour m'en dissuader, mais il ne fut que de courte durée.

Shadow of Intent (N) : Je suis en place dans le pit pour Shadow of Intent que j'attends de pied ferme et je ne vais pas être déçu. Les groupes ricains ont une constance en musique : c'est pro, c'est millimétré, c'est efficace ! Le frontman Ben Duerr et sa bande ne dérogent pas a la règle. D'entrée, il balance des mandales vocales parfaites pleine bouche qui te font rougir les joues. Brice Bulter nous gratifie d'une prestation de haut vol à la batterie, c'est vraiment un excellent batteur qui bonifie le death du combo. Au final, un concert superbe, maitrisé de bout en bout, sans pain (ça nous change de Metallica). Avec le temps, c'est devenu l'un des groupes leader d'une scène pourtant riche en pépites depuis quelque temps avec des groupes qui mériteraient une mainstage comme Lorna Shore. Après cette gifle musicale, petite pause qui m'a quand même permis de jeter une oreille sur les sets de Wiegedood et the Black Dalia Murder. Franchement, les deux étaient chouettes mais j'ai choisis de faire l'impasse car je les vois plus tard dans la saison.

On a la dalle au Hellfest 2024 ! On a la dalle au Hellfest 2024 ! Show Me The Body : C'était sans conteste l'une des meilleures surprises de la journée, pour ma part. Contrairement à Therapy ?, les New-Yorkais de Show Me The Body proposent un challenge musical beaucoup plus excitant aux oreilles. Armés d'un banjo électrique au son particulier, d'une basse qui gronde, d'une machine, d'un batteur enragé, et d'un orateur survolté, le trio nous embarque dans son univers unique mêlant punk-hardcore, post-hardcore, post-punk, noise-rock avec un brin de phrasés rap. Le groupe suggère une vision singulière de faire de la musique tout en prenant soin de ne pas nous laisser dans l'accotement de leur chemin sinueux. Il peut paraître par moments légèrement brouillon, mais se rattrape vite par des progressions enivrantes, des riffs puissants, des saccades rythmiques galvanisantes. C'est riche comme jamais, mais surtout l'énergie et la place laissée aux textes de Julian Cashwan Pratt rend Show Me The Body tellement vivant qu'on en redemande à chaque fin de chansons. La Warzone était pleine et stimulée, une force qui a rendu ce show incomparable et précieux.

Sierra : Beaucoup de festivaliers n'ont pas compris sa présence en remplacement de City Morgue à la Valley, et pourtant, l'une des dignes représentantes de la synth-darkwave française est bien là, seule avec ses machines et son micro en ce début de soirée. Ce style électro n'est pas dans l'ADN du Hellfest, mais ce dernier ne se refuse pas grand-chose tant que ça tabasse (à l'image de The Prodigy présent le vendredi). La conséquence de ce constat est que la jauge de la Valley n'est pas remplie, d'autant plus que Royal Blood et The Black Dahlia Murder performaient sur d'autres scènes à ce moment-là. Cela n'a pas empêché Sierra d'envoyer sa bonne grosse dose de basse aux oreilles d'un public à la fois curieux, incrédule et convaincu. Pour nous, cela a été une réussite, même si l'effet d'allégresse n'est plus vraiment de mise. C'est comme si nous avions revu deux fois le même film, puisque nous avions eu la chance de la découvrir en première partie de Carpenter Brut dans un Zénith blindé il y a quelques années.

Batushka : C'était une authentique messe occulte à laquelle nous avons pris part. Un show calibré et une mise en scène unique dans un festival : encens, cierges, autel, prêtre et disciples masqués en toges à capuches, crâne, et autres imageries liturgiques... Ça vous pose le décor, et je ne crois pas me tromper en affirmant que sans tout ça, Batushka serait moins populaire, car leur black metal n'apporte rien de plus (mais pas moins) que ce qui nous a été donné de vivre en la matière tout au long de notre parcours au Hellfest, hormis les très beaux chœurs inspirés de l'église orthodoxe qui apportent un vrai "plus". Un rituel à vivre au moins une fois, que nous n'avons heureusement pas loupé.

Batushka (N) : Un de mes immanquables de la journée se profile. Les Polonais de Batushka avec leur messe noire. Alors, il ne faut pas s'attendre à être pris dans une débauche de violence. Là, on est dans l'hypnotique, le truc qui te prend fermement par les épaules, qui te plaque au sol et qui t'enfonce lentement mais fermement dans le sol. C'est une expérience visuelle, sonore et sensitive globale sans commune mesure. On se retrouve dans l'univers liturgique envoûtant emmené par les prêtres musiciens du groupes, chantant missel à la main. On est hors du temps durant l'intégralité du show et c'est une ovation du public qui conclut le concert pour remercier le groupe de sa superbe prestation.

Crosses (N) : J'ai ensuite voulu voir le concert de Crosses mais personne sur scène en arrivant sur place. En fait, problème de son et concert interrompu après deux chansons. Décidément, les souci de son auront bien émaillé cette édition qui, paradoxalement, est sans doute l'une des meilleures à ce niveau, lorsqu'il n'y a pas d'incidents.

Crosses : La loose de la journée et de cette 17ème édition ! Impatient de mesurer l'impact sur scène des titres electro-pop du groupe de Chino Moreno de Deftones et de son acolyte Shaun Lopez (ex-guitariste de Far), c'est avec incompréhension qu'après 2 titres ("Invisible hand" et "This is a trick") qui inauguraient un super concert, le son de la façade s'éteint brutalement. On se dit que le show va repartir sous peu, on attend, puis Crosses quitte la scène subitement. Tandis que les gens se barrent progressivement de la Valley avec une frustration palpable, nous rongeons notre frein en écoutant de loin le spectacle des Queens Of The Stone Age et en se disant qu'on ne loupait rien, leurs shows étant un peu les mêmes depuis de nombreuses années. On se dirige avec JC et Rocco au VIP pour noyer notre déception dans un verre de l'amitié tout en assistant dans le même temps à la projection du concert très engageant de The Offspring. On apprendra un peu plus tard que Crosses est revenu sur scène 40 minutes après leur arrêt pour y jouer quatre titres...

Madball (N) : J'avais envie de finir avec The Offspring, mais mon amour de Madball aura été plus fort. C'est sans regret, tellement Freddy Cricien est en grande forme. Il court en chantant, traversant la scène de long en large en mode zébulon. Le groupe donne à une assemblée toute acquise à sa "cause", prête pour la révolution. Madball nous gratifie d'une heure de concert où l'on se retrouve vite en apnée. Bain de foule, chant en slam, participation du public... et un Freddy qui demande à The Offspring de jouer moins fort ! On lit la joie au travers des sourires figés sur les visages des coreux présents en masse. Un beau final pour ma part. J'ai quand même eu le plaisir d'assister à la dernière chanson de The Offspring et c'était chouette de voir que le chanteur a repris du poil de la bête et retrouver de la qualité vocale.

Foo Fighters : C'est le début de la dernière ligne droite avant la fin de cette nouvelle édition fantastique du Hellfest. J'ai décidé de me faire une heure de Foo Fighters et une autre de Dimmu Borgir. Ben oui, il faut faire des choix. Concernant la bande de Dave Grohl, je ne m'attendais pas vraiment à les voir programmés un jour ici, et pourtant, ils sont bien là. Ça va être l'occasion de savoir s'ils ont toujours autant la patate que sur les précédents shows auxquels j'ai pu assister. Au fur et à mesure que les titres s'enchaînent (en gros, un mega best-of composé de hits de stade), j'ai la sensation d'avoir déjà vu ce spectacle tant les différences sont infimes : un frontman plein d'énergie qui ne tient pas en place et toujours blagueur avec son public, une setlist bien pensée pour faire participer le public, une interprétation des morceaux quasi parfaite, des clins d'œil musicaux (ici à Ozzy Osbourne, Black Sabbath, Beastie Boys et Nine Inch Nails), des petits solos de guitares et j'en passe. Cette heure passée avec les Foo a été sans surprise, mais d'une générosité salutaire. C'est tellement rare de les voir que le plaisir est intense, d'autant plus quand cela fait une éternité qu'ils n'ont pas pondu un album studio digne de la qualité de leurs shows.

Dimmu Borgir : La Temple est peuplée à 150 %, je pensais pouvoir me frayer un chemin tranquillement en me disant que la plupart des festivaliers étaient occupés sur la Mainstage. Eh ben non, et je me retrouve dans les courants de passages... Peu importe, ce qui compte est de profiter pleinement du dernier concert de cette édition 2024 avec l'un des groupes les plus emblématique de la scène black norvégienne. Dimmu Borgir revisite quasiment intégralement et avec talent sa carrière, bien mis en valeur par un light show agrémenté de flammes et un son puissant. J'avais l'impression d'être perdu dans les enfers pendant une heure. On termine donc sur une excellente note, claqués mais heureux.


La boule de feu rayonne au HF24 La boule de feu rayonne au HF24 C'est l'heure du bilan de cette 17ème édition avec un parti pris pour un listing "+/-" non exhaustif.

Les points positifs :

- On le disait en tout début, la programmation bien plus en adéquation avec nos goûts, mais des choix plus difficiles à faire que l'année dernière. C'est ainsi beaucoup de dilemmes auxquels nou avons du faire face : Biohazard vs. Emperor, Brujeria vs Kerry King, Lofofora vs Klone, The Prodigy vs Bodycount, Chelsea Wolfe vs Kataklysm, Mr. Bungle vs Nile, Julie Christmas vs Metallica, The Offspring vs Madball, ...

- La Gardienne des Ténèbres : cette nouvelle et sublime création de 38 tonnes et 10 mètres de hauteur, imaginée et réalisée par la compagnie nantaise La Machine est une chimère mécanisée mi-humain, mi-scorpion, qui a pour rôle de garder les portes de l'enfer. Active à la tombée de la nuit, elle crache du feu, mais aussi de l'eau, bref, de quoi être l'objet de la curiosité des festivaliers qui n'ont eu de cesse de la photographier.

- La propreté du festival et la démarche écologique qu'il entreprend avec le renouvellement des déchets et une meilleure gestion de l'énergie

- Les nombreux accès aux sanitaires et points d'eau, qui font aussi face à des files d'attentes importantes à certaines heures de la journée.

- L'ambiance joyeuse et conviviale du festival, pas de violence, toujours bon enfant. Cela ne change pas sur ce point, et c'est tant mieux !

- Le camping gratuit

- Les partenariats du festival avec des assos/ONG (Savage Lands, SPA, Hellcare...)

- La variété de l'offre culinaire, il y en a pour tous les goûts. Mieux vallait être végétarien pour ne pas trop faire la queue.


Les points négatifs :

- Le prix du pass 4 jours qui ne cesse d'augmenter, certains festivaliers m'ont fait le pari qu'il dépasserait les 400 euros plus vite qu'on ne le pense.

- Un petit regret que le festival n'ouvre pas plus sa prog à des styles un peu plus ambitieux ou différents qui inondent actuellement le spectre de la musique rock (noise-rock, indus, post-punk, rock XP, punk-rock mélodique...) au détriment de groupes "has been" ou "populaire" (ShakaPonk est en un bel exemple), même si on reconnaît que c'est la marque du Hellfest de jouer avec la nostalgie des quadragénaires/quinquagénaires.

- De plus en plus de touristes curieux, d'influenceurs, de Youtubers, des chantres du "j'y étais !"... Cela dépasse le cadre de ce pourquoi ce festival est né au départ, à savoir attirer des fans de musiques plus ou moins extrêmes.

- Les problèmes techniques, notamment de son, qui sont incompréhensibles (pour ne pas dire inadmissibles) au vu de la taille, de l'expérience et de la notoriété du festival.

- La circulation sur le festival qui est de plus en plus compliquée à certains moments de la journée (240 000 entrées payantes), à la fois pour circuler de scène en scène et en particulier sur la Valley.

- La vue compliquée sur les Mainstages quand c'est ultra bondé de monde.

- Les files d'attente interminables au Sanctuary pour la vente du merch du festival.

- Impossibilité de prendre un demi, seul les pintes sont possibles : ça pousse à la consommation et les prix sont parfois osés (7,5 euros pour un 60cl de Carlsberg).

- Restauration : cher pour ce que c'est avec un mauvais rapport qualité/prix sur plusieurs stands. Un conseil : privilégiez votre propre bouffe si vous voulez manger mieux ou si vous n'avez pas un gros budget

- Pas de point d'eau sur le camping, ce problème n'a pas bougé.

- La fouille approximative des sacs à l'entrée.

- La jalousie autour du succès constant de ce festival attirant de nombreux débats souvent stériles.

- Pas de feux d'artifices habituels pour clore l'édition. Des festivaliers ont exprimé leurs mécontentement, quand d'autres affirmaient au contraire que c'était un mal pour un bien (que les animations de feux étaient déjà bien trop présentes et qu'il fallait relativiser sur la conso d'énergie du fest).