Hellfest 2023 - Ambiances Hellfest 2023 - Ambiances La seizième édition du Hellfest a été marquée une fois de plus cette année par des histoires extra-musicales qu'on ne peut évidemment taire mais dont on se serait tout de même bien passé : l'annulation de Birds In Row, reprochant aux organisateurs leur manque de clarté sur les violences verbales et sexuelles ; la présence de l'acteur Johnny Depp venu jouer avec Hollywood Vampires et accusé de violences conjugales, créant un malaise pour un certain nombre de personnes ; la présence de personnalités proches de l'extrême droite comme le dessinateur Marsault ou bien celle de néo-fascistes (les tatoos ne trompent pas). La liste n'est clairement pas exhaustive - tiens, rajoutons également au passage son impact environnemental - mais on sent que le Hellfest, qui se dit "apolitique", essaye tout de même d'être à l'écoute et de progresser sur pas mal d'aspects : prévention des violences sexistes et sexuelles avec la brigade Hellwatch, supervisée par un psychologue clinicien du CHU d'Angers, et de stands d'aides et de soutiens aux victimes ; optimisation des groupes électrogènes ; accès facilité aux PMR... Dans le fond, tout pourrait être meilleur, mais cela ne se réalise pas d'une année à l'autre visiblement. On en reparle dans quelques années.

S'agissant des améliorations, le Hellfest a fourni des efforts sur l'accessibilité du site, le confort et la sécurité des participants, tels que le plan de covoiturage avec une plateforme dédiée et gratuite afin de diminuer le nombre de véhicules ; l'installation d'une passerelle éphémère passant au-dessus de la départementale pour dissuader les personnes de longer la route ; le déplacement de la scène Valley, désormais à ciel ouvert, pour aérer l'espace et fluidifier les passages des festivaliers ; ainsi que le recul des loges et de la zone PMR pour accéder plus rapidement aux Mainstages. Dernier petit point concernant la sécurité : une étude-enquête récente a montré que seulement 2% des participants pensent qu'elle n'est pas satisfaisante, selon Corentin Charbonnier, anthropologue et auteur d'une thèse sur le festival. Autant dire qu'avec un chiffre pareil, toute personne victime de violence ou autre délit est un fait très rare. À titre personnel, aucun des membres de notre équipe n'a été témoin de ce genre de faits graves. Ce qui ne veut pas dire que cela n'existe pas, bien entendu.

Lemmy veille sur les festivaliers au HF2023 Lemmy veille sur les festivaliers au HF2023 La scénographie post-apocalyptique très travaillée n'est pas en reste, c'est ce qui fait aussi la notoriété du Hellfest et le charme de son site. Nos photos parlent d'elles-mêmes, mais citons tout de même quelques œuvres situées après avoir franchi les portes de la Cathédrale, dans la zone où se déroulent la majorité des concerts, et qui ont égayé notre curiosité, comme cette magnifique statue de tête de mort chromée sur laquelle sont posés des papillons et reposant sur un socle nous souhaitant la bienvenue, ou encore "La roue de Charon", œuvre temporairement posée près de la Valley, conçue par Peter Hudson, mettant en scène une ronde de squelettes lancée à l'aide de cordes par les festivaliers et censée activer un stroboscope et une animation. Nous découvrons aussi la statue de Lemmy de 12 mètres de haut et faite d'acier de l'artiste Caroline Bisset, inaugurée l'année précédente, et au pied de laquelle se trouve, parait-il, une partie des cendres du leader de Motörhead. Sans trop vouloir dévoiler le reste des œuvres, sachez tout de même que le Hellfest prépare un très gros projet qui devrait prendre vie en 2025, à savoir un nouvel espace situé à côté du Hellcity Square qui était occupé par une ancienne boîte de nuit, le Looksor (Philippe Katerine s'en est par ailleurs inspiré dans sa célèbre chanson "Louxor, j'adore"). Ce dernier accueillera non seulement une brasserie, un bar-restaurant et une aire de jeux pour enfants, mais surtout une nouvelle attractivité spectaculaire : un grand parvis dans lequel prendra place "La gardienne des Ténèbres", une chimère femme-scorpion de 38 tonnes et 10 mètres de haut qui pourra être mobile et accueillir 25 personnes à son bord. On nage ici dans le surréel, si bien que l'expression "Le Disneyland du metal" donnée par quelques observateurs désabusés, prend ici tout son sens. L'équipe du Hellfest compte à terme valoriser son patrimoine grâce au tourisme en collaboration avec la ville de Clisson, l'agglomération, le département et la région. Cet avant-propos que nous jugeons utile nous permet de nous diriger sans plus tarder vers le compte-rendu de nos intenses aventures lors de cette nouvelle édition marquée majoritairement par la chaleur et le soleil.

Préparer un festival comme le Hellfest est primordial. 180 groupes en 4 jours, sans compter les scènes alternatives (HellStage, Metal Corner), n'est pas une mince affaire. Chaque créneau horaire comportant jusqu'à trois groupes à la fois, nous oblige en amont à tout passer au peigne fin afin de connaître les priorités à chaque instant. Car il est non seulement impossible de tout voir, mais il est encore plus compliqué d'assister à un concert dans son intégralité si tu as un double intérêt présent sur un même créneau horaire (ex : Pantera/Melvins le dimanche, par exemple), des déplacements d'une scène à l'autre pour être bien placé pour le prochain concert, une file d'attente pour les photographies à gérer sur une autre scène, des pauses bouffes, des rencontres pro ou pas, des cartes de sauvegarde à copier en zone presse.... Cette préparation passe logiquement par de l'écoute intensive de chaque artiste, de la prise d'informations et des notes diverses et variées (notamment si le groupe présente un intérêt, si ses shows valent le coup, s'il est un bon sujet pour de la photographie, la possibilité de le revoir plus tard dans l'année, la rareté de ses apparitions, s'il a été déjà vu ou non...) dans le but de déterminer les priorités, vu que le W-Fenec n'a pu compter que sur une seule accréditation pour la rédaction. Un tableau/feuille de route réalisé pour l'occasion en a surpris plus d'un lorsqu'on le sortait sur le site pour faire un point régulier ("Il est cool ce tableau, tu l'as eu où ?"). À partir de là, le plus gros du boulot de préparation était fait. Ne manquait plus que la phase d'organisation des plus classiques (transport, affaires personnelles, cashless...).


MERCREDI 14 JUIN

Sceno magique au Hellfest 2023 Sceno magique au Hellfest 2023 Ce mercredi matin, notre collègue photographe JC vient nous (Rocco et moi-même) chercher en voiture depuis Paris pour partir direct à Clisson. Le voyage de 4h tous ensemble nous a permis de faire le point sur pas mal de choses concernant le festival. À mi-chemin, les fans du Hellfest étaient déjà présents en grand nombre sur les aires de repos de l'autoroute et quelques signes du diable ont été échangés sur les voies en pleine route. JC dépose ses affaires dans son gite à une demi-heure des festivités puis nous arrivons à Clisson, ville qui s'est mise aux couleurs de l'évènement (boulangeries vendant des gâteaux à l'effigie du festival, le Leclerc avec ses bières Hellfest...). Direction le parking du fest', les routes ont été déviées pour faciliter son accès. Une fois garé, des navettes en bus nous permettaient d'accéder à l'entrée du site pour récupérer nos accréditations/pass, mais au vu des temps de passages et du monde déjà bien présent, on se dirige à pied chargé comme des mules. Bon ou mauvais choix ? En tout cas, les efforts physiques pour porter les sacs pendant près d'une heure ont été intenses, si bien qu'on arrive épuisés au camping pour monter les tentes, toujours en compagnie de JC qui a été de bout en bout d'une aide très précieuse. Les bracelets ont été récupérés au guichet entre temps, ce qui nous a permis de croiser l'inénarrable Guillaume Gwardeath et de traverser rapidement le Hellcity Square (une sorte de grand hall aux décorations de village façon Camden où se situent les espaces partenaires, des tatoueurs, des petits évènements comme la scène HellStage, le Metal Market, bref le passage obligé pour rejoindre les portes de la Cathédrale qui ouvrent le site des principaux concerts). L'ambiance est déjà bien présente, dont celle d'un stand d'une marque de batterie (ou de baguettes de batterie, on ne sait plus trop) dans laquelle chaque festivalier peut venir blaster ou groover.

Les Early Maggots malmènent un fan au Hellfest 2023 Les Early Maggots malmènent un fan au Hellfest 2023 L'installation est terminée et nous rejoignons la HellStage qui accueille la finale d'un concours de air guitar qui vire au grand n'importe quoi. Un jour avant le début officiel du festival, on peut dire que les festivités ont déjà bien commencé. Cet échauffement avec ces diverses animations (rajoutons ce petit concert sympa au stand ESP d'un groupe de reprises de Slipknot composé de deux chanteurs de Early Maggots (le tribute band français) en tenue avec les zikos de Dropdead Chaos) nous projettent de plus en plus dans cette ambiance chaude si particulière. Les déguisements tous aussi farfelus les uns que les autres (l'homme bière, le centurion romain, Jesus, les Templiers, les fameux Pikachu, les fées...), que nous croiserons jusqu'à la fin de cette longue bringue musicale, nous arrachent des sourires. La playlist qui tourne dans cette zone de passage alterne punk, hardcore, hard rock, heavy rock, rock n' roll et metal, histoire de varier les plaisirs. Le mal de dos dû aux charges et déplacements jusqu'au camping commence à se faire sérieusement sentir, si bien qu'on inaugure notre première bière au Hellfest pour se rafraichir puis se poser. Cette bière est vendue 6,60€ la pinte (+1,20 pour le verre) par des itinérants appelés les "désoiffeurs" portant dans leur dos jusqu'à 30 L de bière. La visite du Metal Market clôt notre journée, c'est l'occasion de parcourir les longs couloirs de ce grand marché vendant une ribambelle de produits liés à la culture metal (t-shirt, sweats, bonnet/casquette, disques, bijoux, tissus, sérigraphies, guitare...).

En revenant au camping, quelle fut notre surprise de constater qu'il n'y avait pas de points d'eau proche... C'est le petit bémol puisqu'il faudra se déplacer jusqu'au Metal Corner pour recueillir ce liquide précieux aidant pour beaucoup de choses (la bouteille de 5 L est à privilégier dans ce cas). Même le nombre de toilettes est plutôt restreint pour un camping accueillant tout de même 30 000 personnes (20 minutes d'attente en moyenne pour un besoin très très pressant, c'est plus qu'handicapant). Pour terminer sur le sujet, la douche à 6 balles fait mal aussi au portefeuille (elle était à 2 euros sur les autres gros festivals auxquels nous avons participé).



JEUDI 15 JUIN

Un couple fan de Ghost au Hellfest 2023 Un couple fan de Ghost au Hellfest 2023 C'est une journée relativement courte aujourd'hui en termes de programmation, ce sera celle pour laquelle nous prendrons nos marques, ce n'est pas plus mal car le rythme se fera crescendo au fur et à mesure des festivités. Quittant le camping, on croise de nouveaux campeurs en sens inverse, on se dit que cette soirée-là risque d'être bien plus mouvementée que la précédente. On ne s'y trompera pas. En attendant, nous flânons dans le Hellcity Square, échangeons avec des festivaliers, dont ce couple admirablement vêtu en l'honneur de Ghost (non programmé pour cette édition), restons coi devant une jam session assez désastreuse de Pantera au stand Binocle, ou encore devant un groupe d'electro punk sévissant sur le toit d'un stand et subissant quelques problèmes de son... Puis arrive le spectacle, mi-cirque, mi-théâtre, du combat de catch de dessinateurs à moustaches (tout un concept !) sur la HellStage. La scène se transforme en ring avec un annonceur en costard et cigare à la main accueillant des poms poms girls totalement déjantées puis des catcheurs-dessinateurs aux drôles de noms qui sont soumis à des thèmes par le public. Ce dernier est chauffé à bloc et l'occupe jusqu'à l'ouverture de la Cathédrale à 15h. Locomuerte, Tsar ou encore Balboa To Bilbao feront partie des groupes prenant le relais sur cette scène pendant la journée. Nous essayons de tuer le temps jusqu'à l'ouverture du stand presse - pour y saluer les attaché(e)s de presse et être informés de certaines conditions de shooting des artistes - et de l'arrivée des premiers concerts. Ce sera 16h30 pour nous avec Hypno5e sur la Valley.

À peine les portes de la Cathédrale ouvertes, une bonne partie des festivaliers se rue vers The Sanctuary, la nouvelle boutique officielle du Hellfest située dans un bâtiment noir prenant la forme d'un temple grec, créant des files d'attente allant jusqu'à 300 mètres. Les trois-quarts des nouveaux produits dérivés seront d'ailleurs vendus à la fin du festival. Festival qui, notons-le, surnomme tous ses lieux (scènes, bâtiments...) en anglais pour appuyer le fait qu'il est international. Ce qui n'est pas faux puisque beaucoup de hellbangers viennent d'un peu de partout d'Europe (les hispanophones étaient particulièrement nombreux) voire du Monde, sans compter les groupes qui s'y produisent. C'est l'heure de débuter officiellement cette édition 2023 du Hellfest avec les Montpelliérains d'Hypno5e, venus remplacer au pied levé The Soft Moon, annulé pour cause de tympan déglingué (Celeste devait débuter et a pris le créneau des Américains de 21h50). Le premier concert d'un festival a toujours une saveur particulière quand les oreilles sont fraiches. Hypno5e balance un gros son oscillant entre phases metal et accalmies, du metal progressif de qualité où les morceaux assez longs sont reliés par des samples de voix. C'est très immersif, et on se dit que c'est peut-être ce qu'il fallait de mieux pour entrer en matière dans cette zone de l'enfer.

Kamizol-K au Hellfest 2023 Kamizol-K au Hellfest 2023 Le Hellfest fait beaucoup pour que les groupes jeunes et moins influents puissent se produire sur scène à Clisson. Des dispositifs d'accompagnements et des tremplins leur permettent de jouer ici. Ce fut le cas notamment des Nantais de Decasia (qu'on loupera le samedi matin) avec l'opération "360 metal de Trempo", mais aussi de Kamizol-K. Les Lyonnais ont remporté le concours "The Voice Of Hell" et ont gagné la possibilité d'ouvrir la Warzone ce jeudi. On ne le regrette pas ! Leur puissant metal hardcore laisse des traces et les a aidés à balayer un tantinet la pression qu'ils devaient naturellement ressentir avant d'affronter le public du Hellfest. Ce qu'on retiendra de leur concert, c'est cette efficacité et cette énergie qui évite tout débat. Kamizol-K ne révolutionnant rien en la matière. On a été bien plus stimulé lors du show d'Imperial Triumphant, l'un de nos préférés de cette édition. C'est à cette occasion que nous rencontrons Nolive, notre cher collègue photographe, sous la Temple. Le trio de black-metal d'avant-garde jazz new-yorkais, qui attaque sa tournée européenne à Clisson, avant d'avoir sorti une reprise très personnelle de "Paranoid android" de Radiohead, attire en premier lieu par son affublement obscur (chaque membre porte un masque doré effarouchant recouvert d'une cape noire). Bien que le son soit faiblard au début, les Américains savent progressivement imposer leur maestria dans une sorte de messe noire aux structures sonores labyrinthiques. Endiablée, riche (peut-être trop ?) et appétissante, la prestation du trio n'est pas passée inaperçue rendant certains autour de nous circonspects. Il faut de tout dans un festival, il me semble que nous étions au bon endroit au bon moment. Si Sunn O))) se mettait au black metal, il s'appellerait sans doute Imperial Triumphant.

Au Hellfest, il y a grosso modo les découvertes d'un côté, et les classiques de l'autre. Generation Sex se range plutôt du côté des classiques, même si sa forme est très spéciale. En effet, ce quatuor relativement jeune comprend deux membres des Sex Pistols (Steve Jones et Paul Cook) et deux de Generation X (Billy Idol et Tony James), deux formations majeures et populaires de l'ère du punk anglais (fin 70's-début 80's), qui puisent dans leur répertoire respectif pour en faire une set-list. C'est réellement la séquence nostalgie de la journée. Alors, OK, c'est mou (les gaziers approchent les 70 ans) par rapport à il y environ 45 ans (ouch !), mais c'est presque un privilège de profiter de ces tubes intemporels joués en live, tels que "Ready steady go", "Dancing with myself", "Black leather" ou, peut-être la plus évidente, "God save the queen". Bien moins âgés, les Ecossais de Dvne font résonner leur post-metal teinté de stoner et de sludge sur la Valley, au moment où les lumières naturelles sont probablement les plus belles. Musicalement, c'est rempli de contrastes qui s'équilibrent, à l'image d'Hypno5e vu quelques heures auparavant. Mais encore plus varié, notamment sur le chant. On vous le disait juste avant : ça monte crescendo, et jusqu'ici, nous ne sommes témoins d'aucune vraie déception.

LV88 @ Hellfest 2023 LV88 @ Hellfest 2023 Plus jeune, on se nourrit de tout et on s'éduque musicalement. Au gré des rencontres à l'école, des copains des clubs de sports ou autres, le partage des découvertes est riche. Je me souviens d'un collègue de classe au collège qui détenait une cassette de Ludwig Von 88 et n'hésitait pas à la faire écouter aux copains dans son baladeur. 30 ans après, ce même groupe est toujours en vie (avec une grande pause de 15 ans toutefois) et se produit devant nous. La longévité est un truc fascinant, et ce qui l'est encore plus, c'est qu'avec 40 ans au compteur, les mecs sont toujours autant dérangés et en forme. Nous avons rencontré, juste avant le début du concert des Ludwig, un vieux fan de punk rock anar' qui a connu l'époque des premiers albums et qui comptait je-ne-sais combien de concerts des Ludwig à son actif. Il saluait le fait que le festival n'oublie pas cette tranche du public (en gros, les vieux keupons nés dans les années 60) et que c'était un bon moyen pour lui de profiter en quelques jours de tout un pan de cette culture, avec une forme de nostalgie. Personnellement, j'étais plus fan des Bérus (plus hargneux) que des Ludwig, mais le show de ces derniers ce soir nous a permis de déconnecter un peu avec le "gros son" et de danser/sautiller allégrement. C'est plus que bienvenue.

Après cette bamboche aux déguisement absurdes et aux cotillons, nous filons vers la curiosité Hollywood Vampires. Franchement, je suis persuadé que si ce groupe n'était pas formé de membres prestigieux comme Alice Cooper, Johnny Depp, Joe Perry d'Aerosmith et Chris Wyse de The Cult, il ne serait même pas au Hellfest et serait peut-être tombé dans l'oubli le plus total. Musicalement, on a droit la plupart du temps à des reprises (encore !) plutôt réussies, il faut bien l'avouer, dont celle d'"Heroes" de David Bowie ou bien carrément de groupes dont font partie les membres ("I'm eighteen" et "School's out" d'Alice Cooper, "Walk this way" d'Aerosmith). De notre côté, ce spectacle - qui n'a failli pas se faire, à cause d'un matériel qui n'est pas arrivé à temps - fut honnêtement bon, sans pour autant qu'on puisse en garder un souvenir impérissable. Un moment parfait pour déguster une bière fraiche comme si on était devant un bon match de foot. Ne manquaient plus que les pizzas. Le soleil se couche progressivement quand surgit Celeste sur la Valley. Ornés de lampes frontales rouges, les membres du quatuor Lyonnais ont fait honneur à Assassine(s), leur dernier disque. D'une intensité dingue, le show aurait surement mérité de se dérouler sous chapiteau, à la Temple par exemple, tant le style du groupe (metal teinté de black) ainsi que les ambiances sombres diffusées (leurs lumières rouges et blanches ne mettent pas forcément ici en valeur les musiciens) conviennent mieux dans un espace intérieur/fermé.

Svinkels @ Hellfest 2023 Svinkels @ Hellfest 2023 On ne s'attendait pas nécessairement à voir débarquer les Svinkels au Hellfest. Pourtant, le seul groupe sans guitare du festival révèle en lui un esprit punk bien présent. Qui se rappelle de "Réveille le punk" en 1999 ? Bah, pas mal de monde de la Warzone présent ce soir, pour qui le Svink est une institution. Pendant que Kiss fait réviser ses classiques à ses fans sur la Mainstage 1, et que les jets de flammes commencent à s'intégrer dans le décor nocturne du lieu, le trio de rappeurs accompagné de DJ Pone a foutu le feu lui aussi avec une belle set-list équilibrée comprenant à la fois des vieux hits ("De la came sous le saphir", "Le Svink c'est chic", "Cereal killer", "Le club de l'apocalypse") comme des singles plus récents ("Mon spot", "Rechute"). On quitte les Svinkels en cours de show pour rejoindre et se placer un peu en avance dans la Temple où va se produire les polonais de Behemoth. Sur notre passage, nous observons quelques morceaux du phénomène Kiss, que nous n'avions pas prévu de voir, faute de réel intérêt de notre part, bien qu'Hotter than hell soit le premier disque de rock que j'ai écouté de ma vie. Au final, on verra 4 écrans géants un peu comme si on matait un DVD en open air, avec des plans du guitariste faisant des coucous et des poses devant la caméra. On en rigole, bêtement.

À force de se moquer, on loupe le coche pour Behemoth, obligé de suivre le show de l'extérieur car la Temple est bondée de monde et donc inaccessible. On s'en doutait un peu... Mais pourquoi donc ne pas les avoir programmés sur la Mainstage 2 avant ou après Kiss ? D'autant plus qu'AmenRa performait en même temps sur la Valley, cela aurait pu nous permettre de profiter des deux concerts. Conscient qu'il n'y a pas de créneaux parfaits au vu de la multitude de styles proposés et des goûts des spectateurs, la frustration ne nous empêche pas de profiter un minimum du concert de Behemoth à côté des chiottes, au début, puis devant l'écran disponible devant le chapiteau. On aura pu assister à une partie d'un show ultra carré garni de flammes, cela va de soi. On va rajouter une mention spéciale à l'ornement en forme de cobras autour du micro du chanteur mais également de ses acolytes. D'une esthétique aussi chouette que la musique des Polonais qui décidemment ne lésinent sur rien. On repasse devant Kiss (le spectacle dure 2h) pour rejoindre la Warzone. Paul Stanley parle toujours à la camera en la montrant du doigt, il a vraiment l'air content d'être là ce coquin... Le groupe est en plein rappel et balance ses tubes "I was made for lovin' you baby" et "Rock and roll all nite". Peut-être pour la dernière fois au Hellfest (Kiss est censé faire sa dernière tournée qui se terminera à la fin de l'année à New-York, là où le groupe est né), cela valait un bon petit feu d'artifice final dont on a profité depuis la Warzone, en attendant le concert de Fishbone.

Fishbone @ Hellfest 2023 Fishbone @ Hellfest 2023 La bande du fringant Angelo Moore a subi un petit retard, suite à quelques désagréments concernant le son. Nous savions que le spectacle allait se baser sur de vieux morceaux, étant donné que la formation de Los Angeles ne sort plus de disque depuis très longtemps (malgré il est vrai un nouvel EP en 2023). Qu'à cela ne tienne, puisque Fishbone est l'incarnation du groupe live par excellence, et nous le démontre encore ce soir avec un show calibré, cuivré, festif, énergique et punk ! La sueur s'accumule, les danses s'enchaînent, on se serait presque cru dans un festival des plus classiques (type Solidays ou Eurockéennes) tant les styles ska, funk, fusion rock ne sont que trop peu représentés sur l'affiche du Hellfest. La Warzone est la scène la plus ouverte en terme musical, on l'a bien vu avec les Svinkels quelques heures auparavant. Il commence à être tard, le corps réclame du repos, on remonte le site jusqu'à la sortie, sans oublier d'observer l'ambiance du spectacle de Katatonia. Un groupe vraiment recommandable mais qui récite, sans doute trop, ses versions studio. On déplore aussi leur manque de mobilité, comme s'ils étaient fatigués. De toute façon, j'ai l'impression qu'on l'est tous à ce moment-là. Demain est un autre jour. Plus long...



VENDREDI 16 JUIN

Le saut de Syndrome 81 @ Hellfest 2023 Le saut de Syndrome 81 @ Hellfest 2023 Après un passage en zone presse, pour effectuer, entre autres, notre backup quotidien de cartes mémoires, nous nous dirigeons vers la Valley pour le show de My Diligence. Les Belges ont interprété 4 titres de leur dernier album, The matter, form and power. J'avais découvert ça bien avant de me rendre au Hellfest, en étant séduit par leur heavy rock mélodique puissant, alliant sludge et stoner. C'est avec brio que les Bruxellois déroulent leur show liant atmosphères aériennes et riffs mastocs. Chez le W-Fenec, on aime se faire surprendre, c'est la raison pour laquelle on ne regrette nullement d'être venu contempler My Diligence. Ce ne sont pas les seuls dans ce cas, bien entendu, puisque suit Syndrome 81 sur la scène de la Warzone. Nous souhaitions absolument prendre le punk rock hargneux des Brestois dans la tronche depuis la recommandation d'écoute de notre collègue Circus de leur dernier LP Prisons imaginaires, sorti l'année dernière. Au final, ils ont mis le paquet sur Béton nostalgie (8 morceaux sur 11, les 3 autres concernaient le dernier album). Aucun regret, puisque c'était trop bon ! lls nous ont même rappelé par moments le trio punk-garage Pierre & Bastien, mais en bien plus hardcore. Le punk français typé 80's aux chants désabusés, fiévreux et gris, n'est pas mort en réalité. Et en bouffer dès le matin... mais quel plaisir !

En termes de lourdeur, difficile de faire mieux que LLNN (bon, OK, il y a le soleil...). C'est une déflagration sonore ébouriffante, obsédante même, à laquelle nous avons assistés. Les Danois, adeptes d'un post-metal hardcore, détruisent tout sur leur passage, sans reculer. À côté, AmenRa passerait presque pour des enfants de chœur. On saute à côté, sur la Warzone, pour un changement de décor sonore, beaucoup moins oppressant et bien plus rock n' roll, celui de Peter Pan Speedrock. Ce show nous a fait du bien, et nous a ramenés sur terre. Les Néerlandais, menés par un chanteur tatoué corpulent tout droit sorti d'un Motorcycle Club, ont une ressource inépuisable quand il s'agit de partager leur cocktail explosif de hard rock, de punk, de RnR et de psychobilly. Avec à la clé, une chouette reprise du légendaire "Ace of spades" de Motörhead dans leur langue natale. Un concert dont on se souviendra un bon moment, pour sûr. Le trio Helms Alee vient de Seattle, et nous sommes ravis de constater que la gente féminine a quand même quelques représentantes au Hellfest. Dana (basse) et Hozoji (batterie) accompagnent en effet Ben (ex-Harkonen et Roy, groupe dans lequel jouait aussi Brian Cook de Russian Circles / Sumac / Botch, et son frère Dave Verellen de Botch) qui prend ici le rôle de guitariste. L'alchimie entre les trois est fabuleuse, le partage des voix féminine/masculine apporte un véritable plus. Mais si ce n'était que ça... Car leur musique est super variée, avec des atmosphères sludge d'un côté, et plus psychés voire tribales de l'autre. Une harmonie totale.

La joie des Nostromo au HF 2023 La joie des Nostromo au HF 2023 Nostromo a fait du chemin depuis leur reformation ayant aboutie à une date au Hellfest en 2017. Depuis, les Suisses ont pondu de nouveaux morceaux qu'on s'est empressé de découvrir sous le chapiteau de l'Altar, en compagnie de notre collègue Mick (service news du W-Fenec). Sans grande surprise, le quatuor est toujours aussi carré et puissant. Hormis la setlist, leurs spectacles ne varient guère, nous reconnaissons la patte Nostromo instantanément et paraissons assez vite rassurés. Ce qui est dingue par-delà la qualité de leurs titres (j'inclue naturellement les derniers), c'est leur forme athlétique. C'est à croire que le death-grindcore ne les fatigue jamais. Mais comment font-ils ? Les Suisses nous ont ouvert l'appétit, si bien qu'on a eu la bonne (ou mauvaise) idée de se restaurer tranquillou non loin de Primitive Man. Plus les minutes passent, plus le doom-drone avec option beuglement a du mal à passer, surtout en plein jour. Il nous reste pourtant des points de vie en cette deuxième journée. L'envie d'être achevé comme ça, en début d'après-midi, est un concept non négociable. Note pour les organisateurs : programmez ce genre de musique en soirée, c'est bien plus adéquat. Repus, The Chats facilitent progressivement la digestion. Après un petit souci de son au tout début (dont un chant surmixé), les Australiens ouvrent leur valise remplie de titres punk agressifs et rapides. Ça réveille et requinque, c'est le moins que l'on puisse dire. Un concert de The Chats se vit intensément, et nous incite à nous (re)plonger dans leur dernier disque, Get fucked, qui a pris une place prépondérante dans leur setlist composée de 19 titres pour un set d'une heure ! On ne doit pas être loin du record. Pour information, ils accompagneront Queens Of The Stone Age sur leur tournée européenne du mois de novembre. Une belle occasion de réapprécier cette belle découverte.

Il est près de 16 heures, et l'inévitable question "Qu'est-ce qu'on va voir ?" surgit. Le choix se joue entre Silmarils, Bongripper et Der Weg Einer Freiheit. Stratégiquement, on choisit de se rapprocher des Mainstages car l'idée de faire des clichés de groupes jouant sur les grosses scènes nous parait intéressante sur le coup, même si la programmation ici en journée n'est pas folichonne. En attendant de shooter Skid Row, on fait face au retour d'un monument de la fusion rock française : Silmarils. Le combo parisien n'était pas prévu initialement sur l'affiche, prenant ainsi la place laissée vacante par Eths suite à son annulation. Pendant que JC est en train d'assurer les photos de la montée des Parisiens sur les planches et d'en profiter pour immortaliser cet évènement depuis la scène, nous nous posons devant le show en se disant que ce qu'on voit est presque anachronique, qu'on a remonté le temps quelque part dans les années 90/2000. Pas ultra fans du groupe à la base, il a néanmoins réussi, de par son énergie, son groove et sa communication, à nous faire passer un bon moment. Le show se termine par l'hymne "Cours vite", sans que la formation ait oublié de présenter leur récent single "Welcome in America", qui, avouons-le, marche plutôt bien en live. Le frontman David Salsedo finit même le concert avec la bave aux lèvres, c'est dire à quel point le groupe a tout donné.

Skid Row met la fessée au Hellfest 2023 Skid Row met la fessée au Hellfest 2023 Pas prévus dans notre programme, les Américains de Skid Row n'ont joué que des vieilleries. Alors, si tu aimes le hard rock un peu désuet, exécuter tes plus belles figures de air guitar ou crier les paroles de ton groupe préféré pendant les refrains, tu as très probablement dû faire partie de ceux que nous avons croisés devant le show de Skid Row, mené ici par le tout jeune suédois Erik Grönwall, vainqueur au Swedish Idol et embauché par les rockeurs en 2022. Comme dirait un pote : "Faut aimer !". Oui, mais non. Du coup, pause bière tout en définissant le programme des prochaines heures. Le rendez-vous le plus imminent est celui d'Aborted à l'Altar (Less Than Jake nous aurait bien plu aussi, mais des choix sont à faire). On passe à côté du spectacle des black metalleux de Vreid, qui sont dans leur dernière ligne droite. Un black-metal qu'on trouve étrangement accessible et mélodique et pas mauvais du tout. Les Belges d'Aborted sont une sommité dans le death européen, et l'ont encore prouvé à travers des titres puisés dans six albums de leur discographie. Une sorte de best-of complètement assuré se résumant à une distribution successive de tartes dans la tronche. Si tu avais un petit coup de mou, la figure imposante de Svencho, ses interpellations au public ("On se bouge le putain de cul !"), ses growls et son chant hardcore maîtrisés, ont dû permettre de te ressaisir en attendant de bouffer. Technique, puissant, violent, lourd et véloce à la fois... On finit vidés, et la journée est loin d'être terminée.

Juste à côté, 1349 expédie ses premiers riffs black/thrash-punk, des coups de fouets sonores qui malheureusement tonnent dans un brouhaha assourdissant. Manifestement, la batterie et la voix couvrent les guitares. C'est très indélicat à l'oreille, déjà que l'univers de 1349 en lui-même n'est pas très hospitalier : les effrayants Norvégiens (composés de Frost de Satyricon à la batterie) sont maquillés "à la black-metal" et montrent dès le début leur compétence en matière de cracheur de feu. Un spectacle magmatique intense et fibreux, sans vraiment de relâches qui, heureusement pour nos oreilles, n'a duré qu'une heure. D'humeur plus cordiale, on est quand même allé par curiosité mater la fin du concert de Papa Roach. Les fans sont présents en grand nombre (est-ce si étonnant ?) et ont eu le plaisir de voir les neo-metalleux américains inviter le batteur des médiocres Machine Gun Kelly (qui jouaient juste après sur la même scène) sur "Born for greatness". On s'en doutait, avec une énergie débordante, Papa Roach termine avec son tube (dégueulasse) "Last resort". Parait-il qu'il y avait une reprise de The Prodigy un peu avant... Merde alors !

Gorgoroth @ Hellfest 2023 Gorgoroth @ Hellfest 2023 Dans le genre hard-glam-rock, on a été pas mal servi aujourd'hui, surtout sur la Mainstage 1. Pendant que nous nous sustentions, on a eu droit à quelques airs de Def Leppard au loin, le groupe avec un batteur à un bras (il est en grande partie connu pour ça, non ?). Sans grand a priori, on a été surpris positivement par les quelques chansons qui ont tourné pendant nos bouchées. Pourtant, ce n'est clairement pas notre came. On a choisi Gorgoroth pour l'eupepsie. Les Norvégiens ont toute la panoplie des parfaits black metalleux (clous, maquillage...) et on mesure qu'à force de squatter l'Altar et la Temple, nos oreilles commencent à saturer. Non pas que cela soit mauvais, bien au contraire, c'est juste que notre activité cérébrale commence à fatiguer, comme si notre cerveau avait fixé une limite aux musiques extrêmes. Il est trop tard pour aller voir Triggerfinger (c'est à l'autre bout du site), trop tôt pour Mötley Crüe (qui n'est pas notre priorité non plus...). Bref, nous tranchons pour rester dans le coin et privilégier Bloodbath plutôt que Rancid (déjà vu et photographié sur d'autres festivals). Et comme on a bien fait ! Le supergroupe suédois (comptant des membres de Katatonia, Paradise Lost ou Opeth) est peut-être la formation la plus "accessible" parmi celles jouant du death metal sur cette affiche. Parce qu'il ne met pas trop en valeur sa technique instrumentale, et privilégie l'efficacité dans ses compositions, le groove et les rythmes moins rapides (même si par moments ca fuse, cela reste du death tout de même). Apparemment, on appelle ça du death suédois, me dit-on à côté. Je n'étais même pas au courant de l'histoire des AOC dans la musique...

On s'approche des dernières heures de festivités pour la journée, Botch est dans notre ligne de mire. C'est immanquable. Mais avant ça, les (ex ?) stars californiennes de Mötley Crüe font déjà trembler de joie les fans de glam (hard) rock sur la Mainstage. Si vous ne les connaissez pas (encore), je vous conseille de regarder leur film autobiographique "The dirt", une tuerie qui réussit à bien cibler la personnalité de ses membres et la vie chaotique de ce groupe. C'est une sorte de Spinal Tap (avec plus de réussite toutefois) mais réel. C'est un peu pour ça qu'on les aime bien aussi, même si musicalement, ce n'est pas notre tasse de thé (J'avais de l'affection pour Dr. Feelgood étant gamin). Sur cette tournée, John 5 remplace Mick Mars, en raison de ses problèmes de santé, et avec qui ils sont en procès. Le groupe a vieilli (sauf leurs danseuses sexy), l'énergie de l'époque s'est quand même bien évaporée (sauf leurs danseuses sexy), des rumeurs parlent même de playback pour le chanteur... On se doute bien qu'ils ne viennent plus chercher la popularité en 2023 (après une retraite officielle fin 2015). Le public a eu droit à son dû : "Shout at the devil", "Too fast for love", "The dirt" (avec Machine Gun Kelly en invité, qui a joué aussi dans le film du même nom) et "Kickstart my heart"...

SUM 41 @ Hellfest 2023 SUM 41 @ Hellfest 2023 Le Hellfest a cela de magique qu'il est d'une facilité incroyable de pouvoir en quelques minutes changer d'ambiances quand tu t'emmerdes (y compris profiter des différents spectacles hors concerts, comme les feux de branches de vignes). Ceci étant dit, cela marche quand il n'y a pas trop de monde, parce qu'à partir du samedi, il était un peu plus difficile d'accéder à certains endroits du site (devant les chapiteaux ou vers la Warzone, entre autres). On s'empresse donc de rejoindre la Valley pour le retour en scène du combo de mathcore/noisecore mythique Botch, après 21 ans d'absence ! Depuis octobre 2022, et une chanson jouée lors d'un concert surprise par les membres du groupe lors de l'anniversaire du producteur Matt Bayles, le quatuor de Tacoma a enchainé quelques dates sold out. Invités par le Hellfest pour cette édition, ils offrent un cadeau incommensurable à la France, tout en fêtant par la même occasion la réédition de l'excellent We are the romans. Ce dernier a bien été représenté avec An anthology of dead ends. Il est périlleux de s'engager dans un descriptif analytique avec Botch, tant leur mathcore est tissé de complexités. Un concert de Botch se vit intensément (surtout qu'on ne sait même pas si on les reverra un jour sur scène), et chaque titre qui se succède est une balafre de plus à encaisser, sans ne jamais savoir sur quel pied danser, tant les structures sonores et rythmiques varient à la vitesse de la lumière (Ils ont même interprété "Afghamistam", un moment de sagesse bienvenu). Difficile de ne pas placer cette prestation scénique comme l'une des meilleures de cette édition 2023. Le son est gigantesque, c'est une machine de guerre qui nous happe et qui n'oublie pas de temps à autres de nous laisser des mots amicaux pour l'accueil qu'on lui réserve. Tout avait l'air parfait, et nous osons croire que tout cela était vrai.

On termine ce vendredi sur des notes et des intentions plus accueillantes, celle d'un groupe de punk-rock qui n'est plus tout jeune, mais qui n'a pas pour autant bercé notre jeunesse. Par contre, énormément de monde se reconnaissait dans Sum 41 ce soir. Les Canadiens ont annoncé leur séparation à la fin 2024, le deuil d'une époque sans doute, mais ont joué comme si c'était leur première tournée, avec une énergie débordante. Un concert agréable et plein de vie parsemé de classiques ("The hell song", "Into deep", "Fat lip", "Still waiting") et de reprises bienvenues (notamment un excellent "Sleep now in the fire" de Rage Against The Machine) dans lequel le frontman Derych Whibley assure son rôle à la perfection, constamment en communication avec son public. Peut-être même un peu trop, ça nous a ramenés aux souvenirs d'un concert de Green Day il y a plusieurs années où Billie Armstrong monopolisait la parole au détriment de la prestation du groupe. Une heure de générosité. Et de nostalgie, comme sait si bien le faire le Hellfest à travers sa programmation.



SAMEDI 17 JUIN

Bloodywood @ Hellfest 2023 Bloodywood @ Hellfest 2023 La veille, le nombre important de festivaliers commençait à se faire sérieusement ressentir (on a laissé tomber l'idée de profiter du punk celtique de Flogging Molly pour cette raison, l'accès à la Warzone étant bouché). Ce samedi ("Ca y est, c'est le week-eeeeeend", au passage, qui se souvient de cette chanson "rock" de Lorie ?) n'a fait qu'amplifier logiquement cette constance. Le Hellfest a apparemment rectifié le tir sur les accès, mais cela ne se constatait pas toujours, surtout sur les groupes les plus attendus. Heureusement, par exemple, que les chapiteaux sont côte à côte pour profiter des groupes sur les bords. Samedi est l'occasion de faire pas mal de découvertes à commencer par le death metal technique de Pestifer à l'Altar. La musique est familière et bien ficelée, idoine pour un réveil progressif. On est bien aidé par le chanteur, canette de bière à la main dès le matin, sollicitant l'audience à bouger ses cheveux de manière rapide. Super, je suis dispensé, de fait. À 11h40, après avoir vu la fin de la prestation mitigée de Scarlean (propre mais un peu remâché), les Indiens de Bloodywood arrivent avec entrain sur la Mainstage 2. Cette "sensation" mélangeant neo-metal avec des instruments (dohol, flûte) et des sonorités indiennes (l'intro très spirituelle annonçait déjà la couleur) nous met la patate. Rappés, chantés, gueulés, les voix disciplinées de Jayant et Raoul s'entrecroisent tout en laissant au public des messages on ne peut plus actuels (dont la propagande ou les abus sexuels). Autant sur album, les titres sont super bien (trop ?) produits, autant on les préfère largement en live. Ça parait moins surfait et l'énergie est bien plus présente et intéressante. Bloodywood nous rappelle par moments une époque où nous étions accrocs aux Californiens d'Insolence avec leur chef d'œuvre Revolution (sorti en 2001). Sauf que là, le reggae est remplacé par la musique indienne. Des drapeaux de leur pays se font visibles sur le devant de la scène, tandis qu'un représentant les couleurs de l'Algérie nous accompagnera sur une partie des concerts que nous suivrons aujourd'hui. On vous l'avait mentionné auparavant, ce festival est international.

Le charme de Kalandra au HF 2023 Le charme de Kalandra au HF 2023 Une grosse mandale a été prise à l'Altar avec les Français de The Dali Thundering Concept. Un death hardcore rappé et hurlé teinté d'electro et de beats hip-hop pour donner une couleur un peu futuriste au contenu. C'était un rêve de gamin pour eux de jouer ici et nous sommes persuadés qu'ils ont pris autant de plaisir à jouer devant nous que nous de les avoir vus. Cela s'est senti d'ailleurs avec ce wall of death et ces circles pits qui ont animé ce concert mené avec adresse et talent, malgré un vol de disque dur qui n'a pas permis au groupe de diffuser ses samples définitifs. Qu'importe, cela ne s'est même pas senti, et ils ont bien rattrapé le coup en délivrant en primeur au public un nouveau morceau intitulé "Nobody". La classe ! Changement d'ambiance avec Kalandra mené par la voix magique et frissonnante de Katrine Ødegård Stenbekk. Le trio Norvégien nous invite dans son monde féérique puisant notamment dans le folklore scandinave (surement inspiré par Wardruna dont il emprunte le titre "Helvegen" pour compléter leur setlist), un peu dans la pop aussi dans le format (le magnifique morceau "Virkelighetens etterklang" en est un bon exemple) voire rock, tout simplement (comme "Brave new world"), mais toujours avec une manière délicate. C'est exactement le genre de sonorités dont avaient besoin nos oreilles à ce moment-là pour calmer un peu les ardeurs. Et pour mieux repartir.

Car ceux qui suivent derrière ne sont pas des enfants de chœur. Ten56. est le nouveau groupe d'Aaron Matts, l'ex-chanteur de Betraying The Martyrs, ici accompagné d'(ex-)membres de Kadinja, Zuul FX ou encore Uneven Structure, et le moins que l'on puisse dire, c'est que leur passage au Hellfest n'est pas passé inaperçu. N'étant pas fan inconditionnel de metalcore/deathcore (ah, cette fâcheuse impression que ça sonne toujours un peu pareil), on s'est surpris à handbanger comme des malades, pris dans l'engrenage des gros riffs athlétiques et de leur groove contagieux. Et puis, on a aussi la chance qu'Aaron ne se laisse pas trop influencer par ces chants lyriques mielleux et dispensables qu'on retrouve généralement dans les refrains (Ouf, on a échappé à celui de "The shape of water"). Les spectateurs sont conquis par la variation des sonorités (instrus comme chant) de Ten56.. Nous aussi ! Le temps est lourd, comme pas mal de frappes de batteurs ici, et on se doute bien que Crowbar n'est pas dans les meilleures conditions pour jouer sur la Valley. Pourtant, les gars de NOLA n'ont pas montré le moindre signe de faiblesse sur les quelques titres dont on a pu profiter. Un sludge impérial orchestré par le Captain Kirk.

Puscifer au Hellfest 2023 Puscifer au Hellfest 2023 Ça devait finir par arriver : la pluie fait son apparition et nous oblige à trouver un petit abri le temps que tout ça se calme. Arrivé à la moitié du concert de Loathe, on découvre un groupe intéressant qui sait alterner chant bourrin/clair (la voix claire rappelle de temps à autres Chino Moreno de Deftones) et mêler douceur et agressivité. Leur metal indomptable envoie bien la purée. Chaudement recommandé par un pote avant de partir au Hellfest, le black pagan avec violon, cornemuse et autre flute de Saor n'est pas ce qu'on aurait choisi en premier lieu. Mais force est de constater que l'effet live est fascinant et cosmique. Assez mélodique dans l'approche pour nous emballer jusqu'au bout, c'est vraiment la puissance atmosphérique de l'ensemble qui nous a épatés et déroutés en même temps. Petite anecdote : l'élément le plus fort dans le mix était... la flûte ! L'une des formations immanquables de la journée se nomme Puscifer, l'un des side-projects de Maynard James Keenan de Tool. Sorte de rock expérimental un peu chiant à décrire comme ça (en gros, de l'electro-pop-rock sophistiqué), ce groupe, dont les membres sont tous déguisés en faux agents de la CIA à la poursuite d'extra-terrestres, prend un malin plaisir à divulguer petit à petit des morceaux malaisants sans être véritablement dangereux pour les oreilles. Certains résonnent mieux que d'autres ("Fake affront", "Man overboard"), et plus le concert avance, plus on rentre dedans avec une aisance insoupçonnée au départ. Le caractère unique de ce show, c'est quand même de constater le fait que Maynard n'est finalement pas un artiste qui se cache sur scène ou tourne le dos à son public. Avec Puscifer, il se lâche comme jamais. Et rien que pour les chorégraphies débiles, ça valait le coup de bouger ses fesses devant la Mainstage 1.

Porcupine Tree @ Hellfest 2023 Porcupine Tree @ Hellfest 2023 C'est le moment de profiter d'une pause pour relaxer les organismes. On aura à peine vu la fin du spectacle d'Arch Enemy. On a beau trouver leur chanteuse, toute vêtue de bleu, charmante, leur heavy metal option "solo chiants" reste somme toute trop conventionnel pour nous séduire. Heureusement, Porcupine Tree enchaîne à côté. Assez fan de la bande de Steven Wilson depuis In absentia, qui a fêté ses 20 ans l'année dernière et représenté par trois chansons aujourd'hui, notre dernier concert des Anglais remontait à 2009 et la tournée de l'album The incident (lui, par contre, ne sera pas représenté, à notre grand regret). Tout ça paraît loin maintenant, mais depuis que la carrière solo de Steven Wilson a décollé, Porcupine Tree n'a failli jamais revenir. Et puis l'apparition l'année dernière d'un nouvel album (Closure/Continuation) a relancé la machine. C'était un bon moyen de savoir où en était le groupe en 2023. À vrai dire, on n'a pas été surpris par la justesse technique des Anglais, ces mecs-là sont comme des réalisateurs de films, ils respectent à la lettre le scénario. La copie est même trop soignée. Finalement, le seul côté vivant du show se situait dans les interventions orales de Steven entre les morceaux, ce qui lui a joué des tours puisqu'ils ont dû être contraints de raccourcir l'un de leur tube, "Trains", qui clôturait le spectacle. Ce dernier nous a quand même permis de jouir de supers classiques ("Blackest eyes", "Anesthetize", "Open car", "Trains") tout en découvrant de nouvelles merveilles ("Harridan", la sublime ballade "Of the new day", "Rats return"). À revoir en salle, car l'ambiance de jour et en plein air n'est pas optimale pour ce type de show.

On se devait de participer au show du phénomène deathcore symphonique Lorna Shore, ou plutôt de celui de son chanteur, Will Ramos... tant le type est hallucinant de maîtrise. C'est simple, il peut tout faire avec sa voix en termes de chant metal. Du coup, on aurait tendance à en oublier que les mecs derrière tricotent comme des tarés avec leurs instruments. C'est d'une férocité rare et le public, connaisseur, était sans grand étonnement au rendez-vous. Encore un groupe qui aurait eu sa place sur une Mainstage sans problème. On vous invite, si vous ne les connaissez pas encore, à écouter d'urgence Pain remains, leur dernier album, qui résume bien ce que nous avons vécu sous le chapiteau de la Altar. Avant de rejoindre la Valley et Monster Magnet, nous sommes passés par curiosité devant le show d'Iron Maiden. Un groupe mythique pour lequel nous avons eu le plaisir d'assister à plusieurs de ses concerts sur différentes périodes. Ce serait malhonnête d'en parler, n'ayant aperçu qu'une infime partie du show (les choix, toujours), mais honnêtement, c'est plus agréable de voir Maiden en salle. Le lendemain, en zone presse/VIP, quelques journalistes m'avoueront que "C'était pas le meilleur show de Maiden qu'ils aient vu" ou "Ils ont merdé avec la setlist, pourquoi mettre en avant Somewhere in time ?". Certes, seraient-il alors trop vieux ou bien trop fatigués d'axer leur set sur un best of adapté aux fans ? Ah, le fanatisme a toujours fait des ravages en créant cette fichue attente. En même temps, s'ils étaient fans (ou journalistes spécialisés), ils auraient dû s'apercevoir bien avant que tout cela était prévu au programme de "The future past". Une tournée un peu exclusive qui met justement à l'honneur cet album de 1986, avec le petit dernier, Senjutsu. Le savaient-ils ? Je ne sais pas.

Monster Magnet / Hellfest 2023 Monster Magnet / Hellfest 2023 Au moins, ce qui est cool avec Monster Magnet, c'est que je n'en attends rien du tout. Et ce depuis 1999, année où je les ai vus aux Eurockéennes pour la première et dernière fois. Les Américains étaient venus en Europe pour la tournée de l'excellent Powertrip. 24 ans après, j'ai le sentiment de voir le même groupe, la même musique, le même set. C'est très troublant, le cerveau joue des tours parfois. Mais aussi très plaisant à la fois car les gars n'ont joué que du vieux, et pas mal de morceaux de... Powertrip. Comme quoi, je ne suis pas complétement fou. Avec les copains, on a bien guinché sur leur stoner rock n' roll groovy. Je me souvenais plus que la musique de Monster Magnet était aussi savoureuse et déclenchait une ambiance de dingue. On a bien fait de venir, bordel de Dieu. S'en suivait sur la Warzone, une formation culte de punk hardcore, Black Flag. Ou ce qu'il en reste. En effet, Greg Ginn est le seul membre originel et rescapé du groupe. On ne sait pas quoi penser de Black Flag en 2023, en les voyant exécuter rapidement leurs très vieux titres avec un chanteur-skateur (Mike Vallely) imitant les postures d'Henry Rollins. C'est bizarre, on dirait un groupe de reprises, l'énergie est là, l'authenticité beaucoup moins. En plus de cela, Ginn commence à se faire vieux (70 ans l'année prochaine). Vous pensez qu'un Black Flag avec 4 parfaits inconnus dans une dizaine d'année, ça marcherait ? La Warzone l'a bien compris, elle n'est pas pleine.

Le concert de Clutch était, de notre côté, l'un des plus attendus de cette édition. Les ayant loupés à chaque passage en Europe, il était temps de se rattraper. La Valley est bondée de monde pour ce groupe qui ne compte plus ses passages à Clisson. Dan Maines, retenu aux États-Unis pour raisons familiales, a laissé sa basse à Brad Davis de Fu Manchu et compère de Neil Fallon dans The Company Band. La bande du Maryland a essayé de satisfaire tout le monde en puisant pas mal de vieux morceaux dans son répertoire (Earth rocker a dominé les débats, pour fêter ses 10 ans ?), jusqu'à quasi ignorer son nouvel album (seul le morceau "Slaughter beach", qui a lancé les hostilités, a été joué). Un super show à la hauteur des attentes, tout en pulsations et ondoiements gracieux. L'audience, totalement addict à ce rock stoner bluesy, lâche sans retenue l'énergie qui lui reste encore en cette fin de programmation journalière. On décide d'aller se poser au bar en face avec une bière tout en finissant de regarder le show afin de garder encore quelques forces pour Meshuggah. Notez à ce titre que le son se perçoit aussi bien de face que de côté, preuve que le nouvel emplacement de la Valley a bien été calculé. Comme nous le disions juste avant, notre journée se termine par les Suédois de Meshuggah sous une Altar comblée. Encore une belle claque ! À chaque fois, c'est pareil avec eux, on se fait toujours surprendre, en bien. C'est alambiqué, destructuré, mathématique, tortueux, sublime, puissant, pesant, bref, les adjectifs manquent pour définir cette musique atypique. Nos cerveaux sont labourés par les Suédois et nous indiquent le chemin du camping. Il est 2h et on aimerait bien encore avoir un peu de jus pour la dernière journée.



DIMANCHE 18 JUIN

Beyond The Styx (de dos) @ Hellfest 2023 Beyond The Styx (de dos) @ Hellfest 2023 La pluie annoncée pour la nuit dernière n'a pas eu lieu. Ce matin, le ciel gris ne trompe pas, elle pointera de toute façon le bout de son nez, tôt ou tard, lors de ce dernier tour de piste au Hellfest. La première découverte aujourd'hui se nomme Doodseskader ("escadron de la mort" en néerlandais), le duo formé par le bassiste d'AmenRa et Every Stranger Looks Like You, Tim De Gieter, avec le batteur de Kapitan Korsakov et The K, Sigfried Burroughs. On débarque pour la seconde moitié de ce show, un vrai dédale sonore dans lequel on s'égare facilement dans cette lourdeur sinistre et glaciale. Ça respire pas vraiment la joie, en revanche, la variété des ambiances nous plaît, un sludge expérimental teinté de post-metal, hip-hop, de grunge voire de screamo. C'est plutôt étrange à première vue mais ça a le mérite d'activer doucement les neurones. Beyond The Styx n'a pas attendu qu'on soit totalement réveillé pour déclencher, sur les planches de la Warzone, son metal hardcore furieux. C'est la première fois qu'on voyait les Tourangeaux à l'œuvre, un vrai régal, surtout pour leur première dans un très gros festival.

On traverse la zone ouest pour rejoindre la Valley et suivre le concert des Belges de Wolvennest. Mené par une chanteuse toute de noir vêtue, comme le ton de sa musique et les cierges qui trônent sur le devant de la scène, ce sextette éblouit par la puissance des harmonies de ses guitares (au nombre de trois) mais également par sa lourdeur sludge aux saveurs goth-rock. Wolvennest nous embarque dans un voyage souvent brumeux et grave, carrément mystique même, prenant progressivement du volume au fil des titres. Le temps s'assombrit sérieusement, comme si le groupe avait commandé la pluie diluvienne qui s'abat juste au moment où il termine son show. J'ai du matos photo sur moi à ce moment-là, je le préserve en m'abritant sous l'installation en bois prévue à cet effet juste à côté en attendant le prochain artiste qui n'est autre qu'Empire State Bastard, le projet piloté par Simon Neil de Biffy Clyro et Mike Vennart, ex-Oceansize et guitariste live de Biffy Clyro, accompagnés du célèbre batteur Dave Lombardo (Slayer, Fantômas, Mr. Bungle, Dead Cross...) et de la bassiste Naomi Macleod de Bitch Falcon. Je loupe de facto Ho99o9, que j'ai déjà vu plusieurs fois. Le concert était énorme, paraît-il. Il ne cesse de pleuvoir comme vache qui pisse, je pense déjà aux conséquences du terrain tout en me remémorant l'horrible expédition à Dour en 2012 avec les bains de boues et les bagnoles embourbées au parking. Fort heureusement, tout ça se calmera quelques heures plus tard et on ne subira pas de dommages.

On prend son courage à deux mains lorsqu'Empire State Bastard déboule sur les planches. Un groupe qui partage sa hargne, par ses plus beaux hurlements et autres vociférations, ainsi que par des blasts comme Lombardo aime tant les exécuter. Par moments, j'ai même l'impression que ça sonne comme un groupe "hardcore" de Mike Patton. Il me semble qu'il s'agit de leur première tournée sans qu'un album soit sorti, du coup, ça se rôde pas mal de leur côté, et le public sous la flotte n'est guère réceptif (beaucoup ont préféré aller voir Ho99o9). On le comprend aisément, et il serait surement plus judicieux de voir leur musique extrême dans un contexte plus favorable à l'avenir. On zappe End pour se placer dans la Temple et revoir nos chers Treponem Pal. Ça faisait belle lurette qu'on n'avait pas pénétré en direct live dans leurs vibrations rock industrielles. C'était une belle opportunité pour découvrir certains nouveaux titres de leur album Screamers, sorti il y a quelques mois, et des classiques notamment issus d'Higher, un album dub-indus marquant dans l'histoire des Trepo. Ils ont beau vieillir, ils remplissent toujours leur mission : nous remuer à l'aide de groove énergique et de riffs sémillants.

She Past Away @ Hellfest 2023 She Past Away @ Hellfest 2023 Préconisé par le frangin, j'en ai bouffées des écoutes de She Past Away ces dernières années. Cette curiosité coldwave turque ne nous a pas déçus. Leur concert sous la Temple est à l'image des disques du duo : trémoussant, mécanique, sombre, gothique, synthétique, caverneux, mélodique, entraînant... Ça sonne évidemment très 80's, très daté, on se serait presque cru à la grande époque coldwave de The Cure, sauf que ces derniers avaient un batteur (le duo est composé d'un clavier/pad et d'une guitare/chant). À ce sujet, une question m'est apparue pendant le concert : "Est-ce que The Cure aurait eu sa place au Hellfest ?" Parce que quand j'ai constaté la présence de She Past Away sur l'affiche avec étonnement. Je trouve que c'est une super idée de l'avoir fait, ça contrebalance vachement avec le reste des groupes programmés, majoritairement bourrins, qui sur 4 jours d'affilée peut devenir assez pesant sur le système. She Past Away a clairement servi de soupape de décompression le temps de 45 minutes. Tiens, en parlant de bourrin, on a été servi avec Paleface (ou Paleface Swiss comme il faut désormais les appeler), une formation hardcore beatdown qui ne rigole pas. Le frontman peroxydé et portant un t-shirt manches longues à filets déverse sa rage sur un son hyper pesant et brutal. Les circles pits n'ont pas tardé à animer la foule, mais pas que. Pour les plus fragiles, mieux valait se tenir à l'écart.

Alors que les vikings velus d'Amon Amarth concourraient sur la Mainstage 1 pour l'award de la plus belle décoration scénique du festival (deux grosses statues de guerriers de chaque côté avec une batterie surélevée par un casque à cornes, ultra classe), les Américains de Mutoid Man prenaient possession de la Valley. On a préféré rejoindre Stephen Brodsky (Cave In, Old Man Gloom), Ben Koller (Converge, All Pigs Must Die) et Jeff Matz (High On Fire), plus par réputation scénique que par goût. Il est vrai que je n'ai jamais trouvé ça très original, ou plutôt que leur musique n'a jamais éveillé mon esprit passionné. Par contre, en live, je confirme que le trio prend une dimension beaucoup plus captivante. C'est très vivant, les différentes intensités des morceaux (du stoner-sludge au metal le plus fulgurant) y sont pour beaucoup, et Mutoid Man n'hésite pas à égrainer des petits bouts de classiques rock (j'ai cru entendre le "Seven nation army" des White Stripes) voire de nous lancer une reprise de King Crimson ("21st centuryschizoid man"). Nous sommes particulièrement contents d'être là et de revoir légèrement notre jugement sur la créativité des Américains.

On se presse pour ne pas louper Incubus sur l'une des Mainstages, mais arrivés sur place, un homme annonce à la foule que les Californiens doivent déclarer forfait pour cause de soucis de santé de son chanteur (Ben Barbaud qui avait prévu une conférence de presse a été contraint de l'annuler car il gérait cette urgence-là). Merde, c'est con, la veille ils jouaient majoritairement Make yourself et Morning view, ce show aurait pu être cool à voir avec la certitude de ne pas se farcir les morceaux infâmes de leurs derniers albums. C'est donc les Espagnols de Crisix qui les remplacent au pied levé, eux qui venaient de donner un petit concert le jour même sur le stand ESP Guitars et qui faisaient péter les watts à 1h du mat' au club privé du Hellfest, le Cult. Leur thrash est pas super imaginatif, mais on salue quand même son aspect extravagant, et bien sûr leur courage de passer au dernier moment devant autant de monde. Chapeau bas !

Tenacious D / Hellfest 2023 Tenacious D / Hellfest 2023 S'il y a en a un qui n'a pas peur de faire le pitre devant une masse de monde, c'est bien Jack Black avec son acolyte Kyle Glass. Les deux sont acteurs, cela aide forcément. Tenacious D était l'OVNI de la journée, un concert lunaire comparé à tous ceux qu'on a pu voir sur cette édition. On se serait cru dans son film "The pick of destiny", presque un spectacle comique pour enfants avec blagues potaches, dérision et autres singeries. C'est assez clivant, mais si on connaît un peu l'œuvre du personnage, rien n'est surprenant. Certains titres viennent relever l'intérêt de ce spectacle ("Low hangin' fruit", "Beelzeboss", "Master exploder") un peu haché par des interventions absurdes, comme faire semblant de jouer sur un saxo démesuré en forme de jouet, ou des discussions chiantes entre Jack et Kyle. Toujours est-il que cela nous a permis d'attendre Pantera, ou ce qu'il en reste sur la scène adjacente.

C'est un sentiment mitigé que nous partageons avec ce show qui met à l'honneur les frères Abbott, qui ne sont désormais plus de ce monde, à notre plus grand regret. Et bien évidemment l'héritage d'un, si ce n'est LE meilleur groupe de metal des années 90. On a eu cette chance incroyable de vivre ça à l'époque. À titre personnel, je n'attendais rien d'autres de ce spectacle qu'un pur et simple hommage, comme un tribute band, si vous préférez. L'aventure Pantera étant terminée depuis très longtemps, on ne refera pas l'histoire. Sauf que ce n'est pas n'importe qui derrière : les deux membres restants du groupe (Phil et Rex) avec deux de leurs amis que sont Zakk Wylde, guitariste d'Ozzy Osbourne et de Black Label Society, et le batteur d'Anthrax, Charlie Benante. Pas dégueulasse comme line-up, c'est vrai. Le constat étant, nous avions un peu peur de l'état de forme de Phil Anselmo, qui n'est plus le même chanteur qu'auparavant. D'ailleurs, on notera que certaines chansons ont été ajustées en termes de tonalité pour permettre au vocaliste d'être mieux placé et d'éviter trop les aigus qu'il n'est plus capable de maîtriser (ses pastilles Strepsils qu'il mâchouille ne sauvent pas tout). Ce "best-of", qui occulte un album majeur comme The great southern trendkill (hormis la sauvage "Suicide note pt.II), sonne d'enfer. Les mecs à la technique ont bossé comme des fous pour reproduire le son de Pantera, même si Zakk était sous-mixé par moments, comme s'il respectait trop l'œuvre de son pote Dimebag. À ce sujet, le guitariste a bien pris soin de ne pas imiter à la perfection l'œuvre originale, ses soli étaient assez personnels dans l'ensemble. Ce qui n'est pas vraiment le cas concernant Charlie, qui a pris le temps d'étudier chaque partie de batteries pour les rendre très fidèlement. A défaut d'avoir un Pantera authentique en face de nous, c'est une joie et une chance immense d'avoir pu réentendre certains des morceaux les plus cultes des Américains : "A new level", "Becoming", "I'm broken", "5 minutes alone", "This love", et j'en passe jusqu'au final "Cowboys from hell".

Melvins au Hellfest 2023 Melvins au Hellfest 2023 Dans le même temps jouaient les Melvins que je ne pouvais absolument pas louper, si bien que j'ai abandonné Rocco, qui jubilait devant Pantera, pour atteindre la Valley. J'ai l'impression d'avoir changé totalement de planète tant les musiques et les accoutrements sont si différentes entre les deux formations. Les Melvins, qui fêtent leurs 40 ans cette année, n'ont pas perdu de leur superbe. N'étant pas un grand spécialiste de toute leur discographie, certains titres me parlent logiquement plus que d'autres, à commencer par ceux de la période grunge (j'ai cru reconnaître à un moment donné l'admirable "Night goat" d'Houdini). Mais ce qui est assez troublant avec ceux qui sont en trio ce soir (j'étais persuadé qu'ils étaient quatre), c'est qu'ils ont un spectre de styles tellement larges (du doom au punk en passant par le stoner et l'XP) qu'ils sont capables de nous faire perdre le fil assez vite. Et je peux vous assurer qu'après quasiment 5 jours de festival d'affilée dans la tronche et les jambes, il est difficile d'être assez frais et vivace pour affronter des phénomènes comme ceux-là.

Courage, il reste un show : Slipknot ou Testament ? Au point où on en est, on va tenter un truc complètement débile avant les feux d'artifice qui clôturent cette édition : faire un mash-up des deux ! N'étant sérieusement passionné ni par l'un, ni par l'autre, c'est le bon moment. On se place pile devant l'écran de la Altar, oreille gauche pour Slipknot, oreille droite pour Testament. Le cerveau ne répond plus. Epic fail. On le savait, ça n'a pas tenu 10 minutes, juste le temps de reconnaître quelques tubes de l'album éponyme de Slipknot ("People = shit" et "Surfacing") d'un côté, et... rien de l'autre. L'air de rien, on s'est bien fait pilonner les tympans sur cette édition, c'est à se demander si on ne va pas se faire une pause metal pendant quelques temps, tant on a eu notre dose. Un superbe feu d'artifice clôt les festivités, comme un spectacle de Disney sans les parades (oui, on adore en rajouter des couches), on ne te cache pas qu'on n'est pas loin de la petite larme à l'œil. Les techniciens, telle une fourmilière, commencent à tout démonter, ça ne traîne pas, l'un d'eux nous explique qu'il faut une nuit pour démonter la scène comme la Temple et une semaine pour faire disparaître les deux chapiteaux. Avant de rejoindre les bras de Morphée la tête pleine de souvenirs, avec cette envie irrémédiable d'y retourner l'année prochaine, on fait un petit détour au VIP pour fêter tout ça en compagnie de gens qui veulent se faire prendre en photo (un conseil précieux : cachez votre appareil photo quand vous allez là-bas). Bizarrement, l'ambiance musicale dans le bar n'est pas rock, comme si on était déjà passé à autre chose.

Le lendemain matin, après s'être rendu compte qu'il n'y avait pas de transport entre la sortie du camping et la gare SNCF de Clisson, nous traçons à patte avec tout le matos et croisons un jeune appelé Abel qui se propose de faire un bout de chemin avec nous, comme pour se motiver mutuellement et affronter les kilomètres tout en papotant en même temps. Il m'annonce après quelques dizaines de minutes être le beau-fils de Pit Samprass (ex-Burning Heads) et donc le fils de sa femme avec qui Pit a monté Monde de Merde, groupe qui a joué au Hellfest cette année. Purée, le monde est petit. Si seulement Gui de Champi, notre collègue habitué du festival, avait été là...

À peine le festival terminé, qu'on voyait déjà dans la journée un post officiel de l'équipe du Hellfest annonçant la mise en vente pour fin juin de 50% des prochains pass 4 jours, en nous invitant à Infernopolis, du 27 au 30 juin 2024. Annonce accompagnée d'une nouvelle identité visuelle constituée d'éclairs. Éclairs qui selon certains indiqueraient qu'AC/DC serait de la partie avec Rammstein et Van Halen. Ah, les rumeurs de programmation d'un fest, c'est un peu comme le mercato au foot, ça s'emballe toujours et ça fait les choux gras des réseaux sociaux ou de la presse. Preuve encore que l'intérêt pour le Hellfest ne s'épuise pas, bien au contraire, et fera toujours parler de lui en bien comme en mal.



The Sanctuary / Hellfest 2023 The Sanctuary / Hellfest 2023 Le Hellfest 2023 en quelques chiffres :

111 hectares
183 groupes à l'affiche (la moitié n'ont jamais été programmés)
80 % des artistes viennent de l'étranger
240 000 billets vendus
60 000 festivaliers / jour
300 000 litres de fioul pour faire fonctionner les groupes électrogènes
35 millions d'euros de budget (quasi aucune subvention)
Hausse du prix du pass de 14%
5000 bénévoles
30% de femmes
40 000 tee-shirts à l'effigie du festival vendus

Le profil du public : 40aine, cadre et haut niveau d'études, jeunes de moins en moins présents