Dimanche 10 août 2014. Motörhead à soixante bornes de chez moi. Bien évidemment, c'est immanquable. D'autant plus quand le trio britannique est accompagné de Airbourne et que ces concerts se déroulent dans le cadre de la riche et variée programmation de la Foire Aux Vins de Colmar. Hey Ho, let's go !
"Bonjour ! Ma collègue chargée des accréditations presse s'est absentée quelques minutes, mais je vais l'appeler tout de suite et ne va pas tarder à vous donner votre pass. En attendant, je peux vous offrir un café ?" Mince alors, la Foire Aux Vins de Colmar sait recevoir ! Pendant que je me fais couler un jus au distributeur, je contemple quelques affiches de concerts ayant eu lieu depuis quelques décennies au sein de cette foire de renommée internationale. La demoiselle en charge de la délivrance des précieux sésames me remet mon accès magnétisé, accompagné de quelques goodies histoire de passer une bonne journée. Je traverse les allées de la FAV pour rejoindre l'espace presse, espace confiné et agréable où les frigos sont remplis de douceurs liquides à libre disposition des journalistes couvrant l'événement. Pour ma part, la programmation éclectique (Indochine, Neil Young, Shaka Ponk, Gad Elmaleh !) sera concentrée sur une seule journée, à la savoir la désormais fameuse Hard Rock Session. Les concerts débutent à 17 heures, et s'enchaînent depuis le début de l'après-midi les conférences de presse dans la bonne humeur. J'ai loupé la délicieuse Tarja, et je déboule ni vu ni connu pour l'entretien avec les fossoyeurs de Blackrain. La paire rythmique basse/batterie se présente dans les canapés de l'espace presse, et on ne retiendra pas grand chose, si ce n'est que les gars ont des projets pour l'hexagone et l'international, mais "chuuut, rien n'est finalisé, donc on ne peut rien dire". Ouais, donc, en décryptant le langage universel des musiciens en interview, il ne se passe pas grand chose dans la vie du groupe. Je tente de connaître leurs connections avec la scène française et certains groupes glam d'Europe de l'Est, mais les gars ne pipent mot quand je leur balance une ou deux références. Ok, next...
Après une conférence de presse bidon du faux groupe Wine Devil déclinant leur amour pour le vin et le diable, c'est au tour des guitaristes de Airbourne de prendre le relais et d'être assaillis de questions, conférence de presse bien plus intéressante que les précédentes. Les gars sont détendus, n'esquivent aucune question et prennent le temps de discuter à la fin de la conf' avec les journalistes encore présents. Bon, ce n'est pas tout ça, mais après s'être désaltéré aux frais de la princesse, il est temps de prendre place dans l'enceinte de l'espace concert de la FAV.
Quand je déboule dans l'arène semi-ouverte avec mes camarades de jeu (et notamment l'ami Nicolas Daily Rock à qui vous devez ces belles photos illustrant ce non moins bel article), les frenchies de Blackrain vont commencer leur set devant un parterre déjà bien garni. Ce groupe de Haute-Savoie exporté en région parisienne et médiatiquement mis en valeur par sa participation au télé crochet "La France a un incroyable talent" va jouer la carte du glam rock à fond les ballons. Guitares remuantes, tenues vestimentaires à la limite de la décence, les héritiers de Mötley Crüe et Poison ne font pas les choses à moitié. Sous un soleil de plomb, et après une entrée réussie, le quatuor va enchaîner les morceaux et tenter de communier avec un public encore trop attentif. Swan, guitariste chanteur aux tatouages de bon goût (et je le pense !), va tenter de se mettre le public enthousiaste dans la poche. Seulement mec, ici, tu es à Colmar et pas au Gibus et la réponse de la fosse n'aura pas l'effet escompté. Qu'à cela ne tienne, le groupe se livre tout entier, à base de soli de guitare enflammés et de refrains percutants pour chauffer l'ambiance pas franchement fofolle. Musicalement, ça tient la route même si ce n'est pas transcendant. Alors, bien sûr, je souris quand, à la fin d'un titre, un guitariste entame l'intro de "Sweet child o mine" et je jubile quand le groupe attaque le monstrueux "We're not gonna take it" de Twisted Sister ("le tube qui nous a fait connaître en 1984 !"). Mais je suis à la limite de me boucher les oreilles quand Swan monte dans les aiguës (pas de puissance, à la limite de la fausse note) et je m'interroge quand, assez proche de la scène, je crois me rendre compte que les choeurs de certains morceaux semblent samplés. Merde alors. En même temps, ils font comme leurs héros !!! Les interventions du guitariste/chanteur entre les morceaux sont assez banales (même si j'aime beaucoup le fait de tutoyer l'auditeur) et ne parviendront que très rarement à faire réagir comme il se doit le public. Dommage, car, outre la réputation de groupe "préfabriqué" alors qu'ils existaient avant leur passage sur M6 et leur signature sur une major, les quatre gaziers semblent heureux de partager leur répertoire devant une assistance nombreuse. Les lights sont efficaces, le son l'est également (le delay dans la voix est très géré à la console), et le public semble se réveiller à la fin du set. Sans crier au génie et sombrer dans la folie, Blackrain sur scène me fait passer un moment assez agréable. Comme dirait un ami cher, "un bon groupe de stadium rock qui joue dans les sous-préfectures".
foire aux vins 2014 : airbourne
Tarja prendra ensuite le relais. Pas ma came, mais alors vraiment pas. Alors comme je le fais parfois, je m'attarde sur le visuel plutôt que sur l'aspect sonore. Il faut dire qu'avec un clavier et un violoncelle sur la même scène, j'ai tendance à vite faire demi tour. Le traditionnel duo basse/guitare est bien sûr de la partie, et le monstrueux batteur à crête Mike Terrana prend également part aux réjouissances. Le kit batterie du bonhomme est assez impressionnant, à tel point que le gars doit monter sur un escabeau pour envoyer de grandes pêches sur ses cymbales. C'est une image bien sûr, mais visuellement, cela fait son petit effet. Le guitariste, lui, est à la limite du grand écart, ses poses méritant bien un claquage musculaire pour lui montrer que ce n'est pas comme ça qu'on balance des riffs. Non mais ! Coté musique, j'abandonne assez rapidement au moment où le clavier balance un patch "clavecin" dans la sono. Merde, c'en est trop pour moi. Je décide d'aller faire un tour pendant que la jolie chanteuse au joli manteau bleu balance avec ses compères un métal symphonique assez connoté "musique de train fantôme d'Europa Park" et très apprécié par les gars arborant des teesh Motörhead. Va comprendre Charles ! N'empêche que, quand je repointe le bout de mon nez à la fin du concert, c'est littéralement de la folie dans l'enceinte de concert : la chanteuse symphonique finlandaise, ancienne Nightwish, a, telle une sirène, envouté une assistance tombée sous son charme. Tarja semble émue au moment de quitter la scène, et même si ce n'est pas mon style de prédilection, je dois reconnaître que la chanteuse a réussi son coup, laissant derrière elle un public complètement survolté.
Alors qu'un sacré orage tombe sur Colmar, les roads d'Airbourne s'affairent à monter un plateau dégueulant d'amplis Marshall et de "blinders" (lights quelque peu aveuglantes) prêts à t'en foutre plein la gueule. Les guitaristes ont bien fait rire pendant la conférence de presse, mais maintenant, place aux choses (plus ou moins) sérieuses ! Le backdrop de champion (reprenant la pochette de l'excellent Black dog barking) est en place, et c'est parti pour pas loin de 90 minutes de rock 'n' roll sauvage et décomplexé. "Ready to rock" ouvre le show, et c'est déjà la folie sur scène, Joel O'Keeffe se fracassant au bout d'une minute une canette de bière (en alu) sur le crâne, pour la grande joie des photographes agglutinés sur le frontstage. "Are you ready to rock ?" Bah ouais mon pote, on est là pour ça !!! A peine entamé, le show sent le souffre, ça barde dans tous les sens, et le groupe s'amuse des clichés en se déhanchant à la Mötley Crüe (décidément, les ricains ont fait des émules !) sur l'énorme "Too much, too young, too fast". Le combo australien enchaîne les "classiques" de ses trois premiers albums sans lever le pied, et les pas de danse de Joel "à la Angus" sur "Blond, bad and beautiful" me font penser qu'ils ont décidément tout chopé aux valeureux AsseDesse. Evidemment, c'est un clin d'oeil, mais le chaland ne connaissant pas plus que ça le groupe criera très certainement au plagiat. "Girls in black" fait honneur à la set list, mais pendant que les gars balancent allègrement les riffs, je ne parviens plus à voir le fougueux guitariste/chanteur. Habitué à escalader les structures sons, le bonhomme ne pourra pas faire grand chose dans la config de l'arène de la FAV, alors, le voilà parti rejoindre le carré VIP et l'éclairagiste à la poursuite en traversant les gradins. Sacré subterfuge ! Evidemment, le public devient dingue et notre homme balance des soli endiablés mais bourrés d'esbrouffe. La magie du rock 'n' roll en quelque sorte. "Cheap wine & cheaper women" voit notre frontman descendre une bonne demie bouteille de "Stone Original" à la vitesse de la lumière, et emprunter la mini caméra de son tour manager histoire d'immortaliser un public complètement acquis sa cause. Les tubes se succèdent ("Chewin the fat", l'excellent "Black dog barking") et Joel en profite pour rappeler que c'est un honneur pour lui et ses sbires de partager l'affiche avec Motörhead, groupe dont il écoutait les classiques Bömber et Iron fist à l'âge de six ans. "No way but the hard way" voit notre gaillard (qui assume et assure complètement son rôle de leader) avec une torche géante alors que seuls le backdrop et les potards d'amplis sont éclairés, et tandis que le groupe achève son set, après 75 minutes de rock 'n' roll déjanté et parfaitement exécuté, avec l'hymne qu'est "Stand up for Rock 'n' Roll". 75 minutes, il n'en faut pas plus pour rester sur une excellente impression malgré une sortie de scène un peu bâclée. Mais le groupe revient pour quinze minutes où le chaud (l'énorme "Running wild" qui clôture le concert avec ses sirènes et son medley où le "Paranoïd" de Black Sabbath s'entremêle à "TNT" d'
Après un concert de cette volée, difficile de passer derrière les Australiens d'Airbourne. Mais cela ne doit pas impressionner les patrons de Motörhead de retour sur les planches après les déconvenues physiques de Lemmy Kilmister. Le temps d'aller se rafraîchir coté presse, je regagne ma place gardée bien au chaud par mon voisinage d'un soir, tout en constatant qu'il y a vraiment beaucoup de monde dans l'arène atypique du parc des expositions de Colmar. Et le moment tant attendu est arrivé ! "We're Motörhead, and we play rock 'n' roll" ! La formule magique est lâchée, le public rugit de plaisir, et c'est le trop rare "Damage case" qui ouvre le show du trio anglais. Première constatation : le son est énorme, laissant présager un très bon moment. Seulement, alors que "Stay clean" et "Metropolis" sont exécutés, il faut se rendre à l'évidence : le tempo est ralenti, la bête sauvage est encore convalescente, et même si ça swingue, il manque cette folie dans l'interprétation de ces morceaux "speed metal". Les impressions après le visionnage de vidéos en ligne de sa prestation au Wacken Open Air ne sont donc pas tronquées : le groupe a perdu de sa superbe. Alors oui, Mickey Dee fait (parfaitement) le boulot derrière les fûts, Phil Cambell est lui aussi quasi irréprochable à la six-cordes (encore un problème de look, mais je pense que c'est foutu, on ne pourra plus rien faire), mais on sent que ce n'est pas la fête "on stage". On se prend à rêver quand le groupe envoie un énorme "Over the top" : la machine est enfin lancée, le temps de se chauffer et nous y voilà, le grand Motörhead va tout dévaster sur son passage. Sauf que le dispensable temps du "guitar solo" de Phil pointe le bout de son nez, et du coup, la pression retombe. Mickey et Lemmy reviennent sur scène après avoir très certainement soufflé backstage, et le concert reprend son rythme de croisière, un rythme pas transcendant, mais suffisamment prenant pour apprécier les tubes du trio britannique. Mais pour avoir vu le groupe à de nombreuses reprises, je sens la cassure et la fatigue dans l'interprétation des morceaux. Et sans pour autant regretter d'être venu au concert, je préfère garder en mémoire les précédentes prestations auxquelles j'ai pu assister, plutôt que ce concert "de trop". Et quand la technique s'y mêle (avec des larsens à répétition), on se dit que rien ne va décidément comme on le voudrait ce soir. L'interprétation du mid tempo "Lost woman blues" est parfaite, et "Doctor rock" voit Mickey Dee exécuter son propre solo. Ce gars est un métronome, et sa justesse et son feeling me subliment à chaque fois. Et après un assez lent "Just Cos you got the power", voici que s'annonce (déjà) la fin du concert avec les incontournables "Going to Brazil" (efficace), "Kill by death" (un poil trop lent) et le poussif "Ace of spades". A peine une heure de show alors que le groupe est "headliner" de la soirée, en tenant compte de "Overkill", seul titre du rappel. Du jamais vu. Et alors que je rejoins ma voiture pour retrouver mes montagnes, je prends conscience que j'ai très certainement vu mon dernier concert de Motörhead car même si le groupe envisage de continuer de tourner, je n'ai pas vraiment envie de les revoir dans ces conditions. Non pas que le concert ait été mauvais, loin de là, mais au fond de moi, j'ai de la peine de voir ainsi l'animal blessé.
Airbourne a fait le boulot, volant la vedette à Motörhead sous le ciel chargé de Colmar. Une passation de pouvoir ? Un retour prématuré de Lemmy sur scène ? Satan seul le sait. Tout ce que j'ai pigé, c'est que le rock 'n' roll n'est pas prêt de s'éteindre, et ça, c'est un putain de soulagement.
Remerciements et salutations au staff presse de la FAV (sacré boulot !), Alexandre Est Republicain, Koud'j, Kem, et maximum respect à Nico Daily Rock pour ses clichés et sa sympathie.